P R E M I È R E A N N E E T O M E II 15 A v r i l 1909 — I e r O c t o b r e 19

P R E M I È R E A N N E E T O M E II 15 A v r i l 1909 — I e r O c t o b r e 1909 DlItMJTION, JtÂDAOTION : M. l'Abbé Emm. B A R B I E R 10, rve Ampère, JO, Parts (xvii r) Le numéro : Net 0 fr. 60 Les Abonnements sont d'un an ADMINISTRATION, AHONNKMIGNTH : DESCLËE, DE BROUWER & C", Kihlrnr. •//, riie du. A/etrSy à Lille. (-Nnrd) f I < ItANGK . . . 1 Un an n l RTRANUKK. . 1 10 francs 2 • Paraissant le l' r et le 15 de chaque mois La Critique du libéralisme RELIGIEUX. POLITIQUE, SOCIAL Biblio!èque Saint Libère http://www.liberius.net © Bibliothèque Saint Libère 2008. Toute reproduction à but non lucratif est autorisée. DROIT COMMUN : DROIT CANON Le libéralisme chante toujours la même chanson : seul l'air est changé, ce qui fait illusion à ceux qui, pour emprunter un mot du comte de Maistre, « n'ont que des oreilles, et n'ont pas d'oreilles ». Sans doute, les catholiques intellectuels plus qu'intelligents, les catholiques — aurait-on dit autrefois, il y a cinquante ans, — sin- cères, mais indépendants, sont trop avisés pour nous servir les vieil- les calembredaines, — qu'on me passe ce mot un peu familier, sur la liberté intangible de conscience, etc., etc. Mais le quatre-vingt-neu- visme n'y perd rien, et l'on a trouvé une nouvelle formule toute pleine de souvenirs, formule brève, pompeuse, et comme toutes les formules libérales... équivoque — le droit commun : il résout les problèmes les plus complexes, il éclaire, les questions les plus em- brouillées, il répond à toutes les difficultés; c'est un vrai passe-par- tout. Ne soyons pas trop intransigeants, sachons nous accommoder aux conditions des sociétés modernes, ne revendiquons pas des droits spéciaux, des privilèges abhorrés de cet esprit d'égalité dont est péné- tré le monde présent, dans l'ordre politique comme dans les relations d'ordre privé, faisons-nous tout à tous, contentons-nous d'être des ci- toyens comme les autres, sans demander pour notre foi et pour l'Eglise un traitement spécial. En nous plaçant résolument sur ce terrain, nous avons chance d'être mieux écoutés, et de gagner à notre cause l'appui de ceux qui, sans être des nôtres, entendent cependant défendre contre toute tyrannie les garanties les plus élémentaires d'une sérieuse liberté. Qu'est-ce donc que ce fameux droit commun £ C'est la loi commune régissant l'ensemble des membres d'une même société. Le droit com- mun pour des Français, c'est dans l'ordre civil le Code, c'est dans l'ordre politique la loi constitutionnelle et la série des lois qui la complètent et l'expliquent. Pour que le droit commun mérite res- pect, confiance, obéissance, il faut qu'il réponde aux conditions ordi- naires de la loi, telles que les explique la saine philosophie tradition- nelle. Le droit commun n'est pas dispensé par cela même d'avoir le sens commun; d'être juste, conforme à ces prescriptions de la loi naturelle et divine, faute desquelles, une loi, fût-elle couverte par la soi-disant majesté du peuple, et consacrée par le vote des élus du suffrage universel,- est, au dire de saint Thomas, bien plus une violence qu'une loi; — c'est là une première correction qu'il faut apporter à ce qu'on appelle de ce nom un peu vague : droit com- mun. Sous cette réserve, nous pouvons nous réclamer du droit commun, Critique du libéralisme. — 15 Avril. 1 2 LA CRITIQUE DU LIBÉRALISME RELIGIEUX, POLITIQUE, SOCIAL car le fait d'être des baptisés, des enfants de l'Eglise, ne supprime pas notre qualité et notre titre de Français; et pourquoi serions-nous traités en parias et exclus de la justice commune? Mais il faut y prendre garde : Ton ne peut en appeler avec con- fiance à un prétendu droit commun, fabriqué par les délégués de la toute-puissante volonté populaire, conformément aux dictées de ce jus novum si hautement condamné par Léon XIII dans l'une de ses plus magistrales encycliques, qui ne tient compte ni du droit naturel, ni du droit civilisé, ni du droit traditionnel, ni du droit ecclésias- tique, et qui fait litière avec un égal sans-gêne de toute prescription qui n'est pas d'accord avec ses visées, de quelque nature qu'elle soit, divine, sociale, domestique. Ce jus novum ne reconnaît au-dessus de lui aucune justice supérieure, et il n'admet en concurrence avec lui aucun droit parallèle. — Prenez une société humaine, elle n'est pas une juxtaposition en quelque sorte mécanique d'unités humai- nes toutes également dominées par le pouvoir despotique d'un Etat omnipotent de qui elles tiennent tontes leurs facultés juridiques, et auquel elles sont Jiées par les chaînes de fer d'une légalité infrangible formée d'après les recettes de la philosophie politique de Rousseau. — Elle est une organisation vivante de sociétés di- verses, domestiques, territoriales, professionnelles se superposant les unes aux autres, ou s'entrelaçant les unes avec les autres, s'adaptant à toutes les formes de l'activité humaine, et couronnées par un pou- voir supérieur dont le premier devoir est de les respecter dans leur autonomie propre, de les harmoniser, de les condenser, de les équili- brer en vue du bien public commun, de l'ordre et du progrès du corps social tout entier. Il ne s'agit pas d'imposer a priori à la vie sociale les modes conçus dans le cerveau du législateur et de ramener toutes ces vivantes inégalités sous un même niveau égalitaire. Les relations qui naissent spontanément et naturellement de ces groupements divers, fondent des droits très divers sur lesquels doit comme se mouler un droit général équitable. Sinon, ce n'est plus à Vordre qu'on aboutit — car qui dit ordre dit variété sous la loi d'une unité souple et féconde; c'est bien plutôt à l'asservissement le plus complet qu'on arrive, par la compression, la mutilation ou la déformation de la personnalité humaine. Que de ce point de vue élevé et lumineux, l'on juge le droit commun à la mode, et l'on se rendra bientôt compte qu'il fauche impitoyablement toutes les libertés réelles, pour ne laisser debout que la liberté monstrueuse d'un Etat, véritable idole à qui tout est sacrifié. Il faut donc, — ne nous placerions-nous que dans un système d'orga- nisation sociale purement naturelle — faire singulièrement attention à ce que recèle de destructeur et do démolisseur, cette formule laco- nique entendue dans un certain sens : le droit commun. Mais il y a l'Eglise, et ici nous entrons dans une sphère plus élevée. DKOIT COMMUN : DROIT CANON 3 Je crains bien que beaucoup de gens, même très bien intentionnés, même intelligents, même bons catholiques, n'aient pas toujours une notion très précise de ce qu'est l'Eglise. — Elle est une société sui generis, divine dans ses origines et dans ses fins, quoique demeu- rant et évoluant sur cette terre, société parfaite, indépendante dans son ordre, ayant sa législation, ses institutions, ses moyens d'action propres, sachant dans son voyage ici-bas, et parmi les accidents et les incidents multiples de son passage parmi les hommes, se prêter avec un tact merveilleux, avec une souplesse admirable, avec une charité inépuisable, aune foule d'accommodements, je dirai de concordats, aux- quels l'invitent les conditions si diverses des temps, des hommes-, des choses, sauf à réserver et à sauvegarder ces éléments de sa cons- titution, fournis par Dieu lui-même, et qu'elle ne saurait abandonner sans trahir sa mission. Et lorsque vous parlez d'appliquer le droit commun à l'Eglise, lorsque vous dites sans trop de réflexion qu'elle peut, en définitive, se contenter du droit commun, et qu'elle ne pré- tend pas à autre chose qu'à vivre sous l'empire du droit commun, vous ne savez pas à quelle opposition, à quel non possumus insur- montable vous vous heurtez. Quelques exemples rendront ma pensée plus claire. Une loi impose à un certain âge, à tous les citoyens, le service militaire; c'est le droit commun : d'un autre côté l'Eglise réclame la pleine liberté de ses clercs pour le service de l'autel et des âmes; ici le droit commun devient une entrave et une tyrannie. — l'Eglise pourra le subir, elle ne l'acceptera jamais. La législation civile édicté pour l'établissement des associations certaines condi- tions qui, dans la sphère où se meuvent les intérêts humains, n'ont rien d'inacceptable; mais dans l'ordre ecclésiastique ces conditions se heurtent à des principes inviolables de la constitution de l'Eglise; — dans vos associations ordinaires, simplement humaines, tous sont originellement placés sur un même pied d'égalité, et le pouvoir est une représentation, une délégation choisie par les associés, aux con- ditions et sous les réserves stipulées par ceux-ci, qui sont, en dernière analyse, les juges de l'administration de leurs mandataires. C'est là le droit commun, et ce droit commun pouvez-vous l'appliquera l'Eglise, société inégale, où la hiérarchie est organisée et agit en vertu des règles en substance divinement stipulées? Au-dessus, en dehors de ce droit commun humain dont je viens de parler, se dresse le droit canon, qui, -dans ses parties essentielles et fondamentales, ept de droit divin. — Et c'est là ce qui a trompé uploads/S4/ la-critique-du-liberalisme-tome-2.pdf

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  • Publié le Nov 16, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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