Quelques re ´flexions sur la linguistique juridique ou la jurilinguistique Sophi
Quelques re ´flexions sur la linguistique juridique ou la jurilinguistique Sophie Cacciaguidi-Fahy Published online: 9 October 2008 Springer Science+Business Media B.V. 2008 Re ´sume ´ L’e ´dition spe ´ciale que le lecteur tient entre ses mains est la toute pre- mie `re e ´dition de la Revue Internationale de Se ´miotique Juridique en langue franc ¸aise. Elle lui propose un e ´ventail d’analyses repre ´sentatives des diffe ´rentes conceptions de la linguistique juridique ou jurilinguistique comme la de ´nomme nos colle `gues canadiens. Elle est de ´die ´e au Doyen Cornu, qui fut, comme l’indique le Professeur Beauchard dans son hommage, une des personnalite ´s juridiques les plus reconnues en France pour ses travaux dans le domaine de la langue et du droit. Les articles se ´lectionne ´s de ´gagent l’essentiel de la linguistique juridique: ils soulignent certains aspects de recherches de ´ja ` avance ´es (Ge ´mar, Goltzeberg) et d’autres de ´bats encore peu explore ´s (Mattila, Lenoble-Pinson), permettant ainsi au lecteur de situer les enjeux actuels de la linguistique juridique tout en lui re ´ve ´lant les perspectives a ` venir. Mots cle ´s Linguistique juridique Jurilinguistique Langue Droit Sens 1 Introduction Le langage du droit suscite en profondeur, depuis longtemps, un vif inte ´re ˆt. Mais la linguistique juridique ne figure pas a ` la nomenclature des branches du savoir. On pourrait admettre que l’e ´tude du langage du droit me ´rite d’e ˆtre approfondie sous le nom de linguistique juridique. Le nom indique le double caracte `re de l’e ´tude (Cornu [2, p. 9]). S. Cacciaguidi-Fahy (&) National University of Ireland, Galway, Ireland e-mail: sofie.cacciaguidi@nuigalway.ie 123 Int J Semiot Law (2008) 21:311–317 DOI 10.1007/s11196-008-9083-3 Ainsi de ´bute l’introduction de la seconde e ´dition de la Linguistique juridique de Ge ´rard Cornu publie ´e en 2000. Cet ouvrage marque le de ´but d’une importante re ´flexion interdisciplinaire sur ‘‘l’e ´tude du langage du droit et celle du droit du langage’’ (id., p. 10). Une re ´flexion, qui au fil des ans va de ´finir le terme de jurilinguistique comme e ´tant ‘‘l’e ´tude linguistique du langage du droit sous ses divers aspects et dans ses diverses manifestations’’. De `s le pre ´liminaire de son e ´tude, Cornu identifie le langage du droit comme un syste `me de signes mettant en question la de ´finition me ˆme du droit dans la mesure ou ` le droit est un phe ´nome `ne culturel constitue ´, comme tout syste `me culturel, de syste `mes de signes, c’est-a `-dire d’un syste `me de communication (id., p. 11). Il place, de ce fait, la linguistique juridique au coeur de la proble ´matique de la diversite ´ des langues et de la pluralite ´ des droits (id.), e ´nonc ¸ant ‘‘la question cruciale de la formulation juridique et de la transposition linguistique, en milieu plurilingue et multijuridique pour l’ensemble des e ´nonce ´s du droit’’ (id.). L’e ´dition spe ´ciale que le lecteur tient entre les mains est la toute premie `re e ´dition de la Revue Internationale de Se ´miotique Juridique en langue franc ¸aise. Son but est de proposer un e ´ventail d’analyses repre ´sentatives des diffe ´rentes conceptions de la linguistique juridique ou jurilinguistique comme la de ´nomme nos colle `gues canadiens. Elle est de ´die ´e au Doyen Cornu, qui fut, comme l’indique le Professeur Beauchard dans son hommage, une des personnalite ´s juridiques les plus reconnues en France pour ses travaux dans le domaine de la langue et du droit. 2 Esquisse de l’e ´dition spe ´ciale Pour pre ´senter cette e ´dition spe ´ciale sur l’e ´tude de la linguistique juridique, j’ai choisi de de ´gager l’essentiel de la matie `re en soulignant certains aspects qui ont de ´ja ` fait l’e ´tude de recherches avance ´es (Ge ´mar, Goltzeberg) et d’autres de ´bats encore peu explore ´s (Mattila, Lenoble-Pinson). Ces quatre e ´tudes devraient permettre au lecteur de situer les enjeux a ` partir desquels la proble ´matique du langage du droit se pose ou a e ´volue ´ depuis la premie `re e ´dition de l’ouvrage du Doyen Cornu aux e ´ditions Montchrestiens, tout en lui re ´ve ´lant les perspectives a ` venir. Le premier article, propose ´ par le Professeur Jean-Claude Ge ´mar, un des pionniers en matie `re de jurilinguistique se propose d’examiner l’ide ´e que la jurilinguistique est inhe ´rente a ` la notion de sens, sur lequel l’interpre ´tation du droit prend appui. Ge ´mar nous pre ´sente le droit comme un syste `me culturel, mettant en e ´vidence que la multiplicite ´ des langues et la pluralite ´ des syste `mes juridiques ont une place centrale dans l’e ´tude de la jurilinguistique. Le droit comme la langue sont tous deux des produits de l’histoire d’une civilisation, l’aboutissement culturel de l’e ´volution des coutumes linguistiques et juridiques d’un syste `me ayant une incidence sur le sens et son interpre ´tation. Le deuxie `me article, re ´dige ´ par la Professeure Miche `le Lenoble-Pinson reprend un des the `mes de ´ja ` expose ´s dans la Revue en 2006: la fe ´minisation du langage juridique. L’auteure aborde, ici, la question de la patriarchie du discours juridique nous exposant que celui-ci n’est pas, non seulement, situationnel mais refle `te aussi le jeu des acteurs juridiques dans leur contexte socio-culturel en constante e ´volution 312 S. Cacciaguidi-Fahy 123 (sur ce sujet voir aussi Archibald [1, pp. 81–92]). La fe ´minisation du langage du droit, qui pour certains reste a ` la pe ´riphe ´rie du concept d’universalite ´ du droit, ‘‘touche [pour l’auteure] aux traditions, au savoir-vivre, aux pre ´juge ´s, au souci d’e ´galite ´ et surtout a ` l’identite ´ de la personne [et] constitue un fait linguistique remarquable’’. La pre ´sence des femmes dans des professions juridiques qui e ´taient dans le passe ´ re ´serve ´es aux hommes est de ´sormais atteste ´e par une de ´nomination qui est la leur: le fe ´minin. Elle s’est d’abord manifeste ´e dans le langage juridique, en particulier dans le langage administratif, par la fe ´minisation des titres et des fonctions, et plus re ´cemment dans la de ´sexisation du discours juridique, notamment dans le discours le ´gislatif ou ` la linguistique juridique joue d’ailleurs un ro ˆle essentiel. Un argument auparavant avance ´ par Picotte lors de la premie `re parution du juridictionnaire: Dans le but de favoriser d’une fac ¸on concre `te l’e ´galite ´ entre les femmes et les hommes et d’e ´viter ambiguı ¨te ´s et sexisme, il ne faut plus he ´siter a ` s’attaquer a ` l’usage grammatical de la re ´daction juridique, notamment de la re ´daction le ´gislative. C’est a ` la jurilinguistique qu’il appartient de montrer la voie. Il faut e ˆtre inventif, et faire preuve de bonne volonte ´ et d’ouverture d’esprit. Il importe de trouver des formes d’expression satisfaisantes en matie `re de re `gles de re ´daction, de dire le droit d’une fac ¸on qui permette aux femmes de se reconnaı ˆtre, sans nuire a ` la clarte ´ du texte et a ` sa concision […]. La jurilinguistique se doit d’indiquer les solutions a ` adopter (notamment l’emploi du masculin et du fe ´minin tout au long, le recours au ge ´ne ´rique, a ` la tournure neutre, et la reformulation de la phrase) pour nous amener a ` produire dore ´navant des textes juridiques de ´sexise ´s [13, p. 9]. Afin de mettre en exergue la spe ´cificite ´ du droit comme syste `me de signes relationnels et communicationnels, le troisie `me article illustre une des particularite ´s du langage du droit: l’utilisation des abre ´viations juridiques dans les diverses cultures juridiques et le besoin pressent de poursuivre des travaux de recherches compare ´es plus pousse ´s dans ce domaine. Comme le souligne le Professeur Mattila, ‘‘les abre ´viations juridiques produisent souvent des difficulte ´s de compre ´hension et de communication’’. Une e ´tude approfondie et comparative de leur usage favoriserait, non seulement, une meilleure compre ´hension de l’e ´volution du droit et de son langage, mais contribuerait e ´galement au de ´veloppement the ´orique et pratique de la jurilinguistique. La quatrie `me contribution propose d’e ´tudier le fonctionnement de la polyphonie dans le discours et l’argumentation juridiques. Stefan Goltzberg avance une the ´orie bidimensionnelle de l’argumentation juridique face aux re ´ductionnismes unidimen- sionnels logiques ou topiques qu’il conside `re inade ´quats car ils contraignent ‘‘le langage et l’argumentation juridiques a ` s’accommoder a ` un mode `le partiel de raisonnement, qui oblite `re une partie de la re ´alite ´ linguistique’’. La relation entre Ge ´rard Cornu et la linguistique juridique se trouve dans l’e ´valuation de la dernie `re e ´dition de la Linguistique juridique (2005) que nous offre Anne Wagner, e ´ditrice de la Revue. Dans cet expose ´, elle identifie l’e ´volution de l’e ´tude de la signification et de la place du langage juridique au sein de la uploads/S4/ la-jurilinguistique-pdf.pdf
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- Publié le Sep 19, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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