VOTRE DOCUMENT SUR LABASE-LEXTENSO.FR - 16/05/2020 11:29 | UNIVERSITE DE SAVOIE

VOTRE DOCUMENT SUR LABASE-LEXTENSO.FR - 16/05/2020 11:29 | UNIVERSITE DE SAVOIE La liberté contractuelle des personnes publiques et la Constitution Issu de Revue du droit public - n°3 - page 845 Date de parution : 01/05/2007 Id : RDP2007-3-009 Réf : RDP 2007, p. 845 Auteur : Par Pierre-Yves Gahdoun, Docteur en droit, CERCOP Montpellier Cons. const., 30 nov. 2006 La décision dite « GDF » du 30 novembre 20061 n'est assurément pas une décision ordinaire. Sans doute parce ce qu'elle témoigne de toute l'habilité dont a su faire montre le Conseil constitutionnel à propos d'une privatisation qui avait attisé les diatribes les plus variées et dont on retiendra qu'elle sera toujours possible... après les élections. Sans doute aussi, et c'est l'objet de ces quelques lignes, parce que cette décision permet une clarification notable de la question de la liberté contractuelle des personnes publiques en droit constitutionnel. Les faits sont relativement simples. Depuis la loi du 8 avril 1946, Gaz de France détient un monopole en ce qui concerne les concessions de distribution publique de gaz. Les collectivités territoriales sont donc tenues de contracter avec GDF lorsqu'elles souhaitent organiser la distribution du gaz à l'intérieur de leur localité. Or, selon les requérants, si ce monopole demeurait acceptable lorsque GDF était une entreprise publique, il ne l'est plus dès lors qu'est envisagé un transfert de l'entité au secteur privé. De fait, il y avait donc une atteinte à la liberté contractuelle des futurs concédants _ en l'occurrence les personnes publiques. À ce grief, le Conseil constitutionnel répond que « si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, c'est à la condition notamment que celles-ci concourent à des fins d'intérêt général ; qu'il peut aux mêmes fins déroger au principe de la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » ; puis le juge constate que « toutefois, cette limitation de la libre administration des collectivités territoriales et de la liberté contractuelle trouve sa justification dans la nécessité d'assurer la cohérence du réseau des concessions actuellement géré par Gaz de France et de maintenir la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution ». Et le grief est alors « logiquement » écarté puisqu'un motif d'intérêt général vient légitimer les atteintes supposées. D'une manière générale, et depuis déjà quelques années, de nombreuses réflexions doctrinales ont pu alimenter l'épineux débat de la liberté contractuelle des personnes publiques. Tantôt pour réclamer la consécration d'une authentique liberté contractuelle de rang constitutionnel2, tantôt pour souligner l'impossibilité de concevoir un droit « fondamental » dont bénéficieraient les personnes publiques en la matière3, tantôt, enfin, pour réclamer un rapprochement plus ferme entre le principe de libre administration des collectivités territoriales et l'idée d'une liberté contractuelle à l'endroit des personnes publiques4. Sur toutes ces questions, la décision GDF apporte incontestablement un éclairage nouveau. D'abord en rappelant, une nouvelle fois, la valeur constitutionnelle de la liberté contractuelle _ ce qui est un préalable exigé pour envisager l'éventualité d'une liberté contractuelle de rang constitutionnel au profit des personnes publiques _ ; ensuite, en dissociant la libre administration des collectivités territoriales et la liberté contractuelle, de sorte que la liberté contractuelle des personnes publiques s'analyse finalement en une composante de la liberté contractuelle « en général » (et non une simple composante du principe de libre administration). Cette décision GDF conduit ainsi à un double constat : la liberté contractuelle est bien une liberté constitutionnelle (I), dont les personnes publiques peuvent aujourd'hui se prévaloir au titre de l'article 4 de la Déclaration de 1789 (II). I. _ LA LIBERTÉ CONTRACTUELLE EST BIEN UNE LIBERTÉ CONSTITUTIONNELLE La question qui se pose régulièrement à propos de la liberté contractuelle est celle de savoir si cette liberté est bien une liberté constitutionnelle, c'est- à-dire si son respect est exigé par la Constitution5. Ou, ce qui revient au même, il s'agit de déterminer si le Conseil constitutionnel a d'ores et déjà consacré une telle liberté, et si oui dans quelle mesure. Un tel questionnement pourrait sembler incongru pour les lecteurs assidus de la jurisprudence des sages de la rue Montpensier. Il suffit en effet de parcourir la décision no 2000-437 du 19 décembre 2000 pour y déceler une formule qui ne laisse que peu de place à l'hésitation : « La liberté contractuelle, nous dit le Conseil constitutionnel, découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 »6. Or si elle « découle » de la Déclaration, c'est donc, fort logiquement, qu'elle est une liberté constitutionnelle puisque la Déclaration elle-même est intégrée au bloc de constitutionnalité depuis la célèbre décision du 27 décembre 1973 et les suites jurisprudentielles qui en ont résulté. La formule rappelle au demeurant celle qui prévaut à propos de la liberté d'entreprendre qui, elle aussi, « découle » de l'article 4 de la Déclaration de 17897. Bref, il semble que la liberté contractuelle soit bien une « authentique » liberté constitutionnelle depuis la décision no 2000-437. A priori du moins. Car, pour simple qu'elle soit en apparence, cette conclusion est obscurcie par une certitude pour le moins persistante : la liberté contractuelle ne serait pas une véritable liberté constitutionnelle, elle serait une liberté « à part », singulière, différente des autres, éventuellement une liberté que l'on pourrait qualifier de « sentinelle » _ selon les termes du professeur Mathieu8 _, mais assurément pas une liberté « vraiment et pleinement » constitutionnelle. Pourquoi une telle hésitation ? Principalement pour deux raisons. D'abord parce que la réponse initiale du juge constitutionnel avait été à ce point ferme et marquante qu'il semble encore aujourd'hui peu probable que le Conseil ait pu opérer un tel revirement. En 1994 _ la chose est connue _, il avait en effet décidé « qu'aucune norme de valeur constitutionnelle ne garantit le principe de la liberté contractuelle »9 provoquant l'étonnement d'une partie de la doctrine qui avait jugé une telle position peu au fait des réalités du contrat dans notre société. Réitérant son refus originel, le juge constitutionnel va finalement dissiper tout espoir d'un prochain revirement en réaffirmant, trois ans plus tard, que le principe de liberté contractuelle « n'a pas en lui-même valeur constitutionnelle »10. Ces deux positions jurisprudentielles en défaveur d'une constitutionnalisation ont ainsi, en quelque sorte, consolidé la croyance que la liberté contractuelle ne serait pas, pendant un certain temps, une véritable liberté constitutionnelle. C'est pourquoi, dix ans seulement après le refus initial, une large partie de la doctrine ne peut toujours croire à un authentique revirement et demeure encore suspicieuse quant à la constitutionnalisation de la liberté contractuelle. Mais il y a une autre raison. Elle se résume en un terme : celui d'« ambiguïté »11. C'est qu'en effet, avant d'aboutir à cette décision no 2000-437 évoquant l'idée d'une liberté contractuelle découlant de l'article 4 de la Déclaration, le juge constitutionnel aura usé de formulations bien différentes. Chronologiquement, les faits peuvent se présenter de la sorte : si en 1994 et 1997 la réponse du juge constitutionnel avait semblé négative, la décision Aubry I du 10 juin 199812 va dès lors apparaître comme le point de départ d'un possible revirement. Désormais, « le législateur ne saurait porter atteinte à l'économie des contrats en cours sauf à méconnaître la liberté qui découle de l'article 4 de la Déclaration ». Le changement de ton est appréciable et chacun décèlera aisément dans cette formulation si ce n'est la liberté contractuelle expressément, à tout le moins quelques indices de sa présence. Si bien que l'on a songé un instant à une constitutionnalisation « implicite », une constitutionnalisation « de fait », à défaut d'être « de droit ». En tout état de cause, la décision Aubry I de 1998 est alors apparue comme une évolution 1/7 marquante par rapport aux décisions de 1994 et 1997. Les choses se poursuivent ainsi au gré de quelques considérants ultérieurs13, et se profile la décision no 2000-437 habituellement considérée comme la suite « logique » de la décision Aubry I. Cette fois-ci, la liberté contractuelle est officiellement une liberté constitutionnelle puisqu'elle « découle » de l'article 4 de la Déclaration. La jurisprudence du Conseil aurait pu s'en tenir à cet état de fait et il n'y aurait sans doute pas eu d'ambiguïté. Mais, à la surprise générale, et alors que la valeur constitutionnelle de la liberté contractuelle semblait acquise, le juge va à nouveau mobiliser son « ancien » considérant de l'économie des contrats lors de la décision du 27 novembre 200114, semblant opérer un retour en arrière pour le moins énigmatique vers la formule de 1998. De sorte que la « véritable » valeur de la liberté contractuelle semblait à nouveau incertaine. Dernier rebondissement dans ce qui commence à apparaître comme une authentique « saga jurisprudentielle », le juge va, une nouvelle fois, faire référence à la « liberté contractuelle » explicitement lors de la décision du 11 décembre 200315. C'est ainsi que, uploads/S4/ la-liberte-contractuelle-des-personnes-publiques-et-la-constitution-16-05-2020-11-29-53.pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mar 08, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1376MB