1 Ph.D.,Dr. Altin SHEGANI Professeur de Droit Pénal Doyen de la Faculté de droi

1 Ph.D.,Dr. Altin SHEGANI Professeur de Droit Pénal Doyen de la Faculté de droit Université de Tirana « La place du droit pénal dans le développement de la société albanaise » Une réflexion sur l’ordre des choses peut nous permettre de mieux comprendre l’élément axiologique de l’organisation des relations sociales. Le droit,1 est la ligne de conduite invisible et générale destinée à garantir la paix et le développement à l’intérieur d’une société humaine, à une époque donnée.2Le droit et la loi pénale sont indéfectiblement liés : le droit pénal autorise toute action conforme aux usages établis et respectés par une société humaine spécifique;3la loi pénale est non seulement un animateur mais également un régulateur et un modérateur de la vie en société. Il garantit l’observation des règles fondées sur les bonnes mœurs, la morale et la religion. La norme pénale comme partie du dispositif général du droit pénal“ protège des valeurs ou des intérêts essentiels pour la société humaine; autrement dit, elle protège des biens juridiques qui sont indispensables au bien commun. Ces biens juridiques constituent l'objet juridique de l'infraction. 4Le droit pénal, ayant pour objet spécifique de prévenir par la menace et, au besoin, de réprimer par la prononciation d'une peine, les actions et omissions susceptibles de causer un trouble à l’ordre public.5 Le droit et la loi pénale ne sont pas un bien juridique que du fait de la volonté du législateur. Par conséquent, ce qui est en premier lieu atteint par l’acte infractionnel, c’est justement cette valorisation législative, c’est à dire l’infraction apparaît essentiellement comme une atteinte à la loi et à la volonté générale dont elle est l’expression.6 Entendu comme objet d’un droit subjectif, l’ordre public semble indissociable de sa reconnaissance par le droit comme bien juridique, bien que parfois le premier réflexe du juriste français est de rejeter cette appellation.7 C’est la notion d’ordre public qui permet de donner un sens juridique à notre propre existence - individuelle et collective – par rapport au droit pénal. Il 1 Selon une approche philologique, le terme de droit vient du latin di-rectum, formé du préfix animatif di- et du participe passé du verbe regere – signifiant conduire, guider,voire commander, donner un ordre, composé du terme atrophié re[m] et du verbe agere, le tout se traduisant par : régler une affaire 2 Voir : Yves Jeanclos , Droit Pénal Européen, Edition Economica 2009, p.9 3 Ibid. 4 Voir : E. Dargentas, « La norme pénale et la recherche autonome des valeurs dignes de la protection pénale “, Revue pénitentiaire et de droit pénal, 1977, p. 413. 5 Voir: Bernard Bouloc, Droit pénal général, Dalloz, 206" éd., 2007, n° 30. Adde, P. Bouzat, Traité de droit pénal et de criminologie, Tome I, 26" éd., Dalloz, 1970, n° 1. 6 Voir : R.Garraud, “Traité théorique et pratique de droit pénal français”, p.203,nr. 98_A.Rocco, “El objeto del delito y de la tutela juridica penal”, traduit de l‟italien par G.Seminara, Montevido-Buenos Aires, B de f, 2001, p.100-102, nr.24 7 Voir: J.-Y Marechal, “Essai sur le résultat dans la théorie de l’infraction pénale”, L‟Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2003, p.85 et s. 2 semble évident en effet, que le droit pénal,8 vise à prévenir les troubles à l’ordre public et, si nécessaire, à réprimer ceux qui les auront causés. Donc, le droit pénal se rattache à la conception de la défense de l’intérêt général, à travers les sanctions du droit pénal dans son sens objectif comme l’ ensemble des règles juridiques établies par l’Etat dans le but de rattacher à l’acte qui constitue l’infraction, la peine qui en est la sanction,9 “ou dans son sens subjectif de « jus puniendi », c’est à dire de droit de punir de l’Etat.10 Son rôle est d’assurer le respect de la nomenclature des droits de l’homme dans la société. Sans l’existence de l’ordre public, sont les intérêts majeurs humains qui sont en jeu. De façon naturelle, dans telles circonstances, le droit pénal s’attache à la protection de l’ordre social, comme promoteur et protecteur de valeurs humaines. C’est la raison, on pense, de la promotion du modèle d’un droit pénal d’ordre public, 11 contemporain dans une société démocratique. Si dans d’autres disciplines juridiques, seulement certains des éléments qui les composent sont considérés comme relevant de l’ordre public, le droit pénal est tout entier dédié à la protection de l’ordre public.12 Par son objet même, le droit pénal est un droit d'ordre public.13 Le droit pénal contemporain est le droit de la sécurité intérieure de tout Etat. 14La sécurité est essentielle pour la jouissance de la liberté, affirme Mary Robinson.15 La sécurité de l’être humain, rappelle-t-elle, n’est pas une question d’armes, c’est une question de vie et de dignité humaine….“. 16 . 17 Donc le binôme, droit pénal et l’ordre public, se transforme en convention mutuelle entre chaque homme afin de réduire « toutes leurs volontés, par la règle de la majorité, en une seule volonté », volonté qui a le pouvoir de “modeler les volontés de tous en vue de la paix à l’intérieur et de l’aide mutuelle contre les ennemis à l’extérieur ».18 On retrouve ici l’idée fondamentale des théories du contrat social de ROUSSEAU,19 qui ont marqué la Révolution française et la naissance de ce que l’on a coutume d’appeler «le droit pénal moderne». 8 Cette discipline juridique a un rapport très original et primordial avec la notion d‟ordre public, par rapport aux autres disciplines juridiques. 9Voir: F.von Liszt, « Traité de droit pénal allemand », traduit de la 17 édition allemande (1908) par R. Lobstein, Paris, V. Giard & E. Briere, 1911, Tom I, p.1. 10 Ibid. 11 Voir: Philippe Conte “ Remarques sur la conception contemporaine de l’ordre public pénal en France”, Revista Studime Juridike N. 1 , Tirana 2005, p. 223. 12 S. Cimamonti, « L'ordre public et le droit pénal », in L'ordre public a la fin du XX` siècle, Dalloz, 1996,,p. 89 13 Voir : H. Donnedieu de Vabres , Traité élémentaire de droit criminel et de législation pénale comparée, 3eme ed., 1947, n° 2 ; R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal, Tome 1, Sirey, 3eme éd., 1935, p. 61 ; 14 Voir Domat Jean, Le droit public, suite des lois civiles dans leur ordre naturel, Paris, 1723, p. 190 et s, livre III, des crimes et des délits. 15 Mary Robinson, Ancienne Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l‟Homme 16 Interview tire principalement du site : www.Liberation.fr . 17 Voir: Philippe Conte “ Remarques sur la conception contemporaine de l’ordre public pénal en France”, Revista “ Studime Juridike “, Nr. 1, Tirane 2005, p 222. 18 Voir: Tomas Hobbes, « Léviathan »; Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la République ecclésiastique et civile, traduit de l‟anglais et annoté par F. Tricaud , Dalloz , 2000, p.177-178. 19 L‟auteur fameux du “ Contrat social” ; Le contractualisme est un courant moderne de la philosophie politique qui pense l'origine de la société et de l‟Etat comme un contrat originaire entre les hommes, par lequel ceux-ci acceptent une limitation de leur liberté en échange de lois garantissant la perpétuation du corps social ; voir pour cela : http://fr.wikipedia.org/wiki/Contractualisme 3 I. Le développement du droit pénal en Albanie Le processus d'élaboration de la législation pénale, notamment en Albanie, témoigne de certaines particularités, dictées ou déterminées par les conditions historiques de ce pays.20 Premièrement : Pendant plusieurs siècles, l’Albanie a vécu l’occupation étrangère, surtout celle ottomane qui a duré cinq siècles, d’où l’existence et le fonctionnement d’un dualisme judiciaire dans la réalité sociale albanaise.21 Dans les régions occupées ce sont les lois pénales de l’occupant qui étaient appliquées, tandis que dans les régions montagneuses lesquelles ont gardé une certaine autonomie administrative c’est le droit pénal coutumier, transmis par la tradition orale d’une génération à l’autre, qui était appliqué. Les kanuns 22 (droits coutumiers) de Lekë Dukagjini, de Scanderbeg,23 de la région de Labëria 24 etc. n’ont pas été assimilés, mais en revanche, ils ont été rigoureusement appliqués par la population de ces régions. Vraisemblablement, serait-il apparu nécessaire de continuer à faire justice au moyen du droit coutumier comme dans le passé, car la population répugnait le droit de l’administration ottomane. Deuxièmement : Même après la formation de l’État indépendant albanais,25 en raison de la situation politique interne - guerre des Balkans, Première Guerre mondiale, etc. - la législation pénale n’a pas réussi à se développer normalement. Le premier Code pénal de l'État albanais est apparu le 1 janvier 1928.26 Troisièmement: L’occupation fasciste et nazie de l’Albanie (1939-1944) a fait obstacle au processus de mise en oeuvre du code dans l’ensemble du territoire.27 Quatrièmement : la réforme de la législation pénale durant les années 1944-1990, période du régime totalitaire communiste, 28 a été caractérisée par une extrême politisation et influence idéologique basées sur le principe marxiste de la lutte des classes. Lorsque l’Albanie s’est engagée dans la voie de la construction d’une société démocratique, les conditions étaient remplies pour rédiger et adopter un nouveau Code 20 uploads/S4/ la-place-du-droit-penal-dans-le-developpement-de-la-societe.pdf

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  • Publié le Oct 21, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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