1 LETTRE JURIDIQUE DES CONTRATS PUBLICS Mai 2022 Rédigée par François Lichère P

1 LETTRE JURIDIQUE DES CONTRATS PUBLICS Mai 2022 Rédigée par François Lichère Professeur agrégé de droit public à l’Université Jean Moulin Lyon 3 Directeur de la Chaire de droit des contrats publics SOMMAIRE 1. Actualité textuelle ou jurisprudentielle commentée .......................................................................... 2 1.1 L’exercice d’un recours devant un comité consultatif de règlement amiable des différends n’interrompt pas le délai du recours « Béziers II » contre la décision de résiliation ; la compétence des CCRA ne s’étend pas aux décisionx de résiliation (CE 12 avril 2022, n°452601, Société agence d'architecture Frederic Nicolas, classé B) .................................................................................................. 2 1.2 Le délai d’action de 10 ans de l’article 1792-4-3 du Code civil s’applique aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants (CE 12 avril 2022, n° 448946, Société Arest, classé B) ..................................................................................... 3 1.3 La demande tendant à ce qu’il soit enjoint à une personne publique de mettre fin à son comportement fautif ou à un dommage de travaux publics est recevable si elle vient en complément d’une demande indemnitaire (CE 12 avril 2022, n°458176, SCI La Closerie, classé A) ............................. 5 1.4 Une méthode d’évaluation consistant en l’attribution de flèches et non de notes est légale en cas de simple hiérarchisation des critères (CE 3 mai 2022, n°459678, 460089, 460090, 460154, 460155, 460724, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer) .................................................................................. 7 1.5 La jurisprudence Czabaj s’applique au recours Tarn-et-Garonne (CAA Marseille, 25 avril 2022, n°19MA05387, Société Seateam Aviation, classé C+) .............................................................................. 8 2. Brèves ................................................................................................................................................. 10 2 1. Actualité textuelle ou jurisprudentielle commentée 1.1 L’exercice d’un recours devant un comité consultatif de règlement amiable des différends n’interrompt pas le délai du recours « Béziers II » contre la décision de résiliation ; la compétence des CCRA ne s’étend pas aux décisions de résiliation (CE 12 avril 2022, n°452601, Société agence d'architecture Frederic Nicolas, classé B) Cet arrêt du Conseil d’Etat confirme un arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille qui avait eu les honneurs du recueil Lebon, ce qui pouvait laisser présager, sans la garantir, cette issue. L’apport de cet arrêt au droit des contrats administratifs est double. En premier lieu, il juge que le recours exercé devant un comité consultatif de règlement amiable des marchés publics contre la décision de résiliation d’un contrat administratif n’interrompt pas le délai du recours contentieux de l’action en reprise des relations contractuelles, dit recours « Béziers II ». La solution était prévisible : si le principe tient à ce qu’un recours administratif a un effet interruptif (CE Section 10 juillet 1964, Centre médico-pédagogique de Beaulieu, n° 60408, Rec. p. 399, principe codifié à l’article L. 411-2 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) et étendu à un recours en contestation de la validité d’un contrat par CE 28 juin 2019, Société Plastic Omnium, n° 420776, B), il a été écarté pour les recours administratifs contre des décisions de résiliation par l’arrêt Proresto (CE 30 mai 2012, n° 357151, Rec. p. 237), dont l’arrêt commenté reprend le considérant de principe : « Eu égard aux particularités de ce recours contentieux, à l’étendue des pouvoirs de pleine juridiction dont le juge du contrat dispose et qui peut le conduire, si les conditions en sont satisfaites, à ordonner la reprise des relations contractuelles ainsi qu’à l’intervention du juge des référés pour prendre des mesures provisoires en ce sens, l'exercice d'un recours administratif pour contester cette mesure, s’il est toujours loisible au cocontractant d’y recourir, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux. Il en va ainsi quel que soit le motif de résiliation du contrat et notamment lorsque cette résiliation est intervenue en raison des fautes commises par le cocontractant. Au demeurant, dans cette dernière hypothèse, la personne publique est toujours dans l’obligation de mettre le cocontractant en mesure de faire valoir ses observations avant l’intervention de cette décision ». On pourrait certes discuté l’argument, présent dans les conclusions de 2012 et 2022, lié à l’absence d’utilité du recours gracieux, au moins dans le cas, qui n’existait pas en 2012, de la résiliation pour motif d’illégalité (CE 10 juillet 2020, Société comptoir négoce, n°430864) : étant considéré comme un motif d’intérêt général, la personne publique n’est pas tenue de mettre en demeure le cocontractant de donner son avis. Il est vrai, en revanche, que l’allongement des délais qui résulterait d’un effet interruptif est peu compatible avec le recours en reprise des relations contractuelles qui suppose que le contrat ne soit pas exécuté (ou réattribué cf. CE 27 février 2019, Département de Seine-Saint-Denis, n°414114, B) quand le juge se prononce, que ce soit sur le fond ou en référé suspension. Quoiqu’il en soit, le Conseil d’Etat n’a pas jugé nécessaire d’apporter une exception à l’exception en matière de saisine d’un comité consultatif de règlement amiable, dont les règles sont désormais codifiées aux articles R. 2197-1 et suivants du CCP. Ces règles ne plaidaient pas en leur faveur au regard de l’exigence de célérité puisque, selon l’article 8 du décret du 8 décembre 2010 applicable au marché en cause, le CCRA disposait d’un délai de 6 mois pour se prononcer sur le différend qui lui est soumis, ce délai pouvant être prorogé sur décision du président du comité (délai codifié aujourd’hui à l’article D. 2197-21 CCP). La solution dégagée à propos du décret de 2010 est sans aucun doute transposable aujourd’hui, en dépit de la présence d’une règle qui n’existait pas en 2010 : l’article R. 2197-16 CCP dispose que « La saisine 3 d'un comité consultatif de règlement amiable des différends interrompt les délais de recours contentieux pour les marchés qui sont des contrats administratifs jusqu'à la notification de la décision prise par l'acheteur sur l'avis du comité ». C’est là que le deuxième apport de l’arrêt prend tout son sens. En deuxième lieu en effet, le Conseil d’Etat juge dans cet arrêt Société agence d'architecture Frederic Nicolas que « la compétence de ce comité ne s’étend toutefois pas aux litiges tendant exclusivement à la reprise des relations contractuelles, qui relèvent de la seule compétence du juge du contrat », sans trop s’étendre sur les raisons qui l’ont poussé à cette approche. Marc Pichon de Vendeuil s’est épanché plus longuement dans ces conclusions sur ces raisons : le concept d’exécution « recoupe plusieurs catégories d’actes : les mesures d’application proprement dites, les mesures de modification et les mesures de résiliation (…) nous n’avons guère de doutes à vous proposer de retenir en l’espèce une conception stricte de la notion d’exécution du marché s’agissant de la compétence des CCRA. Pour le dire simplement, l’exécution du marché, au sens des dispositions que nous avons citées, n’inclut pas cette mesure particulière que constitue la décision de résiliation du marché, et encore moins une éventuelle action subséquente en reprise des relations contractuelles. Cette position nous paraît solidement fondée, tant en théorie qu’en pratique. Sur le plan théorique, une éventuelle reprise des relations contractuelles intervient après qu’il a été mis fin, par une mesure de résiliation, à la vie du contrat. Il ne s’agit donc plus de se prononcer sur la façon d’exécuter le contrat, mais seulement sur celle de savoir s’il est possible de le remettre en vigueur : ce n’est pas une question d’exécution du contrat stricto sensu mais une question d’extinction (et, le cas échéant, de résurrection !). De manière plus pragmatique, nous ne pouvons que souligner que dès lors que la décision de résiliation a été prise par l’administration, la conciliation n’a plus vraiment de sens, seul le recours Béziers II devant le juge du contrat permettant, le cas échéant, de débloquer la situation en faveur du cocontractant ». Le Conseil d’Etat réserve toutefois le cas de la contestation du décompte de résiliation, qui relève donc de la compétence des CCRA, ce que n’avait pas fait le rapporteur public. Mais il lui donne raison pour le reste. La position pouvait surprendre puisque la jurisprudence Béziers II a fait de la résiliation une mesure d’exécution du contrat, ce qui paraît donc difficilement conciliable avec le fait de dire que, pour la compétence des CCRA, elle n’est pas une mesure d’exécution du contrat, sauf en considérant que c’est « au sens de ». Le plus surprenant est probablement d’avoir jugé, avec l’arrêt Béziers II du 21 mars 2011, que la mesure de résiliation est une mesure d’exécution. 1.2 Le délai d’action de 10 ans de l’article 1792-4-3 du Code civil s’applique aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous- traitants (CE 12 avril 2022, n° 448946, Société Arest, classé B) La réforme des prescriptions du Code civil portée par la loi du 17 juin 2008 n’en finit pas de poser des questions au juge administratif, en particulier en matière contractuelle. Si le principe d’application de cette réforme aux personnes publiques, en dépit de la disparition de leur mention dans le Code civil à la suite d’une erreur de plume de ladite loi, ne fait plus débat, il n’est pas exclu que le juge uploads/S4/ ljcp-mai-2022.pdf

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  • Publié le Mai 12, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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