Le Conseil constitutionnel : un contre-pouvoir ? « La création du Conseil const

Le Conseil constitutionnel : un contre-pouvoir ? « La création du Conseil constitutionnel manifeste la volonté de subordonner la loi, c'est-à-dire la décision du Parlement, à la règle supérieure édictée par la Constitution. La Constitution crée ainsi une arme contre la déviation du régime parlementaire », dit Michel Debré en 1958. Cette citation illustre très bien la vision des constituants de cette nouvelle institution dont le but premier était de « surveiller le Parlement ». Néanmoins, si le Conseil constitutionnel a été à sa naissance conçu majoritairement comme « une arme pointée contre le Parlement », depuis une quarantaine d'années, il a su progressivement s'imposer, dans la logique de l'évolution de la théorie de l'État de droit, comme un garant de la Constitution et défenseur des droits de l'homme auxquels il se réfère depuis le 16 juillet 1971. De plus, avec l'élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel par la révision constitutionnelle de 1974 et plus encore par celle de 2008, cette institution ne pourrait certainement plus être qualifiée de « chien de garde de l'exécutif », elle est en effet devenue un contre-pouvoir, ou plutôt contre-abus de pouvoir, dont la neutralité, comme le remarque Marie Anne Cohendet, « devrait être gage de légitimité », mais qui n'est pas forcément toujours respectée. Le Conseil constitutionnel est donc une institution créée par la Constitution de 1958, spécialisée dans le contrôle de constitutionnalité des lois et des traités internationaux, elle statue également sur la régularité des élections nationales et des référendums et donne un avis lorsqu'elle est consultée par le Chef de l'État sur la mise en oeuvre de l'article 16 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle a priori sur les lois et les conventions internationales. La révision constitutionnelle de 2008 a instauré par ailleurs la procédure de la « Question prioritaire de constitutionnalité », autrement dit, la possibilité d'un contrôle a posteriori réservé au Conseil constitutionnel sur renvoi des juridictions suprêmes. Le Conseil constitutionnel est formé de neuf personnalités nommées pour neuf ans (trois par le Président de la République, trois par le Président du Sénat et trois par le Président de l'Assemblée nationale). Leur mandat n'est pas renouvelable. De plus, les anciens Présidents de la République en sont membres de droit à vie. Le président du Conseil constitutionnel est désigné par le Président de la République parmi ces membres. Cependant, cette définition ne nous clarifie pas grand-chose quant à la nature ambiguë du rôle du Conseil constitutionnel. En effet, si on étudie les débats doctrinaux relatifs à cette problématique, on remarque que celle-ci est assez liée à la question de savoir si le Conseil constitutionnel est un véritable contre-pouvoir. Dans le silence des textes, certains considèrent que le Conseil constitutionnel est une juridiction, tandis que d'autres lui attribuent une nature politique. Les adeptes de la première définition qui alors prévoit un Conseil neutre, impartial et de ce fait pouvoir modérateur légitime, basent leur point de vue sur plusieurs éléments. Par exemple, ils précisent que le rôle premier du Conseil est celui de statuer en droit, ainsi, lors d'un contrôle de constitutionnalité d'une norme, le Conseil n'a qu'à lire la Constitution afin d'en déduire sa décision, il n'a pas donc à créer un raisonnement lui permettant de résoudre le problème donné. Un autre élément permettant de qualifier le Conseil comme une juridiction est celui que l'on retrouve à l'article 62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelle ». Ainsi, à travers plusieurs décisions du Conseil et des juridictions suprêmes, on estime que les décisions du Conseil constitutionnel ont l'autorité de la chose jugée. Néanmoins, grâce au silence des textes, plusieurs auteurs se sont exprimés pour soutenir la théorie de la nature politique, et de ce fait nettement moins impartiale, du Conseil. Ainsi, par exemple Bernard Chenot, ancien Vice Président du Conseil d'État, ancien ministre de De Gaulle et ancien membre du Conseil constitutionnel a énoncé que le Conseil constitutionnel était un « corps politique par son recrutement et par les fonctions qu'il remplit ». Paul Coste-Floret, également membre du Conseil constitutionnel, définit celui-ci comme « un organe politico-juridique ayant compétence pour statuer du point de vue juridique et du point de vue de l'opportunité politique ». Ces deux hommes supposent que la nature politique du Conseil découle de sa composition (membres nommés par les hauts responsables de l'État) et de ses fonctions qui amènent le Conseil à « colégiférer » et à possiblement parfois devenir une sorte d'arme d'opposition contre la majorité. Ces deux aspects du Conseil a priori opposés peuvent néanmoins être conçus comme un tout logique et légitime, le Conseil pouvant être considéré comme un contre pouvoir tout en gardant des éléments politiques. Dominique Rousseau alors parle d'une « assemblée de légistes ». Du point de vue historique, il faut noter qu'avant la Ve République, la France n'a connu aucun véritable contrôle de constitutionnalité des lois. En effet, l'idée d'un contrôle de constitutionnalité des lois a possiblement été présente dans la pensée des rédacteurs de la DDHC de 1789 qui réalisaient bien que la loi n'était pas toute puissante. D'ailleurs, certains « contrôles » de lois ont en effet été adoptés avec par exemple l'attribution au Roi du droit de véto au XVIIIe siècle ou en 1799 et en 1852 l'instauration du contrôle par le Sénat, néanmoins complètement dépendant de l'Empereur. En effet, ce que la France a particulièrement craint suite à l'expérience des Parlements de l'Ancien Régime, ce n'était pas l'idée d'un contrôle de lois, c'était surtout l'idée d'un contrôle juridictionnel de lois et donc d'un possible « gouvernement des juges ». On ne retrouve une véritable démarche pour créer une sorte de Conseil constitutionnel que pendant la IVème République, suite à l'expérience des régimes autocratiques de la IIe Guerre mondiale permise par le pouvoir législatif. Un Comité constitutionnel devait effectuer un contrôle de constitutionnalité relatif à l'organisation des pouvoirs publics. Ce comité n'a été saisi qu'une seule fois8, mais a ensuite inspiré la création du Conseil actuel. En matière de droit comparé, précisons qu'il y a deux types majeurs de contrôle de constitutionnalité, le type anglo-saxon et le type autrichien. Le type anglo-saxon a été le premier à avoir été mis en place suite à l'affaire Marbury-Madison (1803). Il s'agit d'un contrôle diffus, c'est-à-dire que le contrôle est exercé directement par tous les juges de droit commun. La majorité des pays européens ont adopté pendant le XXe siècle le contrôle de type autrichien, préconisé par Hans Kelsen. Il s'agit d'un contrôle concentré, c'est-à-dire effectué par une juridiction spécialisée : une Cour constitutionnelle. Ce système de contrôle est adopté par exemple par l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la majorité des pays d'Europe centrale et orientale ainsi que dans certains pays d'Afrique. Ce système européen est également basé sur un contrôle a priori des lois. Néanmoins, en France, on peut désormais effectuer même un contrôle des lois par voie d'exception (QPC). Ainsi, comme on a vu, le rôle du Conseil constitutionnel s'est considérablement étendu depuis sa création. Organe subissant à de nombreuses critiques lors de sa création, il est maintenant un acteur indéniable de la sphère politique. Néanmoins, cette institution récente a-t-elle tout de même des pouvoirs suffisants pour exercer la fonction de pouvoir modérateur? Les aspects politique et juridique du Conseil peuvent-ils vraiment coexister? Peut-on aujourd'hui qualifier le Conseil constitutionnel de contre-pouvoir? Afin de répondre à cette question, on verra d'abord que le Conseil constitutionnel est aujourd'hui bien considéré comme un contre-pouvoir essentiel à l'État de droit démocratique (I), néanmoins, on peut noter que certaines limites relatives au rôle du Conseil constitutionnel subsistent (II). I. Le Conseil constitutionnel, un contre-pouvoir essentiel a l'État de droit démocratique Suite à l'expérience des régimes autoritaires du XXe siècle, on a compris que la loi ne permettait par forcément le respect des droits de l'homme. Il a alors fallu créer une institution qui pourrait contraindre les gouvernants ainsi que la majorité au respect des droits de l'Homme. Le Conseil constitutionnel est ainsi devenu un pouvoir modérateur essentiel à l'État de droit démocratique. Pour exercer effectivement ce rôle, le Conseil, en veillant au respect de la Constitution, garantit la séparation des pouvoirs (A) et défend les Droits de l'Homme (B). A) Le Conseil constitutionnel, un garant de la séparation des pouvoirs → Afin d'éviter un régime despotique, « il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », disait Montesquieu. Cette théorie reste actuelle et doit être appliquée dans tout régime qui se veut démocratique. On peut faire la distinction entre la séparation entre les pouvoirs internes a l'État (la séparation horizontale et verticale) et les pouvoirs externes à l'État (séparation entre les pouvoirs étatiques et extra étatiques). → En matière des pouvoirs internes, étudions d'abord la séparation des pouvoirs horizontale. Le Conseil constitutionnel veille à la répartition des compétences entre le gouvernement et le Parlement. Tout d'abord, le Conseil veille à ce que les parlementaires n'abusent uploads/S4/ le-conseil-constitutionnel-un-contre-pouvoir.pdf

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  • Publié le Sep 07, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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