Groupe ISP - Droit Pénal Le discernement en droit pénal La doctrine enseigne ha

Groupe ISP - Droit Pénal Le discernement en droit pénal La doctrine enseigne habituellement que l’existence d’une infraction objectivement punissable et la constatation de la culpabilité du délinquant ne suffisent pas à entraîner la responsabilité pénale de l’agent. Il faut encore que cet agent soit « imputable », autrement dit « qu’il possède l’aptitude à répondre pénalement des conséquences de son comportement délictueux ». Le discernement, en ce qu’il participe largement à cette aptitude, jouerait donc un rôle central en droit pénal. Mais quel sens faut-il attacher à la notion de discernement ? Que l’on se tourne vers le Code pénal de 1810 ou vers le nouveau Code pénal, la constat est le même : le législateur ne s’est jamais préoccupé de définir le discernement. Il y fait pourtant expressément référence lorsqu’il règle les questions essentielles que sont le traitement pénal du mineur délinquant (art. 122-8 CP), ou de l’individu souffrant d’un trouble psychique ou neuropsychique (art. 122-1 CP). Discernere avait, dans la langue latine, la signification de distinguer, comprendre la différence qui existe entre deux choses : discernere alba et atra (Cicéron), distinguer le blanc et le noir. C’est en ce même sens qu’il convient ici d’entendre cette notion. Le discernement, c’est le fait de comprendre la différence qui existe entre la valeur de telle action ou de telle autre. Mais à quel point de vue cette valeur doit-elle être appréciée ? Veut-on parler du discernement juridique, de celui qui consiste à savoir que tel fait est juridiquement prohibé ? Veut-on parler du discernement moral, de celui qui consiste à distinguer, au point de vue de la conscience, ce qui est bien de ce qui est mal ? Il semble que ce soit à la fois à chacune de ces notions que renvoie le terme de discernement. Ainsi, l’individu discernant serait celui qui se serait rendu compte de la valeur juridique et morale du fait qu’on lui reproche (en ce sens, v. R. Garraud, Précis de droit criminel). Ainsi définie, la notion de discernement ne doit pas être confondue avec celle de culpabilité : la culpabilité peut être caractérisée chez un individu dépourvu de discernement. Par exemple, le malade mental qui accomplit un homicide n’agit pas nécessairement dans tous les cas avec une totale inconscience ; il arrive souvent que non seulement il ait connaissance de l’interdiction pénale, mais aussi qu’il soit animé de l’intention de tuer. Simplement, privé d’une intelligence normalement constituée, il ne perçoit pas clairement la portée de son acte, et c’est la raison pour laquelle cet acte ne lui est, dans notre droit, pas imputable. L’imputabilité constitue, quelle que soit l’infraction commise, une condition nécessaire à la mise en œuvre de la responsabilité pénale. L’opinion majoritaire la définit comme « l’existence chez l’agent d’une volonté libre et d’une intelligence lucide, c'est-à-dire la capacité de comprendre et de vouloir, le degré liminaire en dessous duquel le comportement délictueux ne saurait relever du droit pénal » (R. Merle, A Vitu, Traité de droit criminel). Le discernement, en tant qu’il constitue une composante essentielle de l’imputabilité, apparaît donc lui aussi comme une condition, générale, nécessaire à la mise en œuvre de la responsabilité pénale. La lecture des articles 122-8 et 122-1, excluant la responsabilité pénale des mineurs délinquants et des individus atteints de troubles psychiques ou neuropsychiques lorsqu’ils sont privés de discernement, confirme cette analyse. Mais le discernement participe également d’une notion autre que celle d’imputabilité : la capacité pénale. Tandis que l’imputabilité est un concept juridique qui traduit la recherche de la sanction méritée par le délinquant au jour où il a commis l’infraction, la capacité pénale est un concept criminologique qui résume l’aptitude d’un délinquant à bénéficier de la sanction après son jugement. La notion de capacité pénale est ainsi irriguée par la question de l’avenir du délinquant et par les impératifs de sa resocialisation. Or, notre droit pénal prend également en compte la question du discernement en tant que composante de la capacité pénale. C’est ainsi par exemple qu’il institue de nombreuses peines ou mesures de sûreté, du type du suivi socio-judiciaire, ayant vocation à assurer le traitement du délinquant. http://www.prepa-isp.fr Groupe ISP - Droit Pénal Le discernement occupe donc une place déterminante en droit pénal, au titre de l’imputabilité, mais aussi à celui de la capacité pénale. Dès lors, la question se pose de savoir dans quelles proportions et selon quelles modalités le droit pénal parvient à combiner double dimension du discernement. L’observation nous conduit à constater que, si le défaut de discernement fait obstacle en tant que cause de non imputabilité à la mise en œuvre de toute responsabilité pénale (I), sa seule altération, prise en compte au titre de la capacité pénale, influe sur la teneur de la sanction applicable à la personne imputable (II) I –Le défaut de discernement cause d’irresponsabilité pénale Le discernement constitue une condition sine qua non de la responsabilité pénale de l’auteur d’une infraction. Ainsi, son absence s’analyse en une cause d’irresponsabilité pénale. La doctrine n’est pas unanime quant aux mécanismes permettant d’aboutir à un tel résultat. Pour certains, le défaut de discernement ne fait pas obstacle à la constitution de l’infraction, mais intervient après coup, pour dégager son auteur de sa responsabilité. Pour d’autres, le discernement est une composante essentielle de l’élément moral de toute infraction (en ce sens, P. Conte et P. Maistre du Chambon). Ainsi, selon cette conception, le défaut de discernement empêche que l’infraction soit constituée. Reste que, dans les deux cas, le défaut de discernement aboutit à l’irresponsabilité pénale. Cette solution reçoit application lorsque la personne poursuivie souffre d’un trouble mental (A) ou lorsqu’elle est trop jeune pour comprendre ses actes (B). A) Le défaut de discernement résultant d’un trouble mental Les rédacteurs du Code pénal de 1810 énonçaient, dans le célèbre article 64, le principe selon lequel « il n’y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action ». Unanimement jugée imparfaite, la formulation du principe de l’irresponsabilité pénale des individus atteints d’un trouble mental ayant aboli leur discernement a été transformée par le nouveau code pénal. Désormais, L’article 122-1 alinéa premier du Code pénal énonce que « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Les conditions de l’admission judiciaire du trouble mental à titre de cause d’irresponsabilité pénale méritent d’être précisées (1) avant de considérer effets d’une telle admission (2). 1) Les conditions de l’irresponsabilité pour trouble mental Le nouveau code pénal utilise l’expression de trouble psychique ou neuropsychique. Cette expression est plus large que le terme de démence employé par l’ancien article 64. Le législateur a ainsi entendu viser toutes les formes de troubles mentaux, quelles que soient leur origine ou leur nature, consacrant par là même l’interprétation extensive que la jurisprudence faisait de l’ancien art. 64. Le trouble psychique ou neuropsychique peut donc consister en n’importe quelle affection supprimant la conscience morale (démence, mais aussi formes diverses de délire, confusion mentale etc.), y compris les déficiences de l’intelligence (débilité profonde). Mais le trouble psychique ou neuropsychique peut également résulter d’une privation simplement temporaire du discernement. Il en va ainsi notamment du somnambulisme, naturel ou hypnotique, et de l’épilepsie : il est incontestable que l’individu atteint de telles crises agit en état d’inconscience. C’est à propos de l’ivresse que surgissent les plus délicats problèmes (quelle qu’en soit l’origine, l’alcool, les stupéfiants, les médicaments, des émanations de produits chimiques…). Peut- on imputer à un individu les infractions pénales qu’il commet sous l’empire de l’ivresse ? L’ivresse ayant aboli le discernement au moment de l’action, elle devrait faire obstacle à ce que soit recherchée la responsabilité pénale. Cependant, comme le relèvent P. Comte et P. Maistre du Chambon, la solution doit être nuancée. D’abord, il arrive que l’ivresse soit en elle-même constitutive d’une infraction (conduite sous l’empire d’un état http://www.prepa-isp.fr Groupe ISP - Droit Pénal alcoolique par exemple). Dans cette hypothèse, de manière exceptionnelle, la privation du discernement ne fait pas obstacle à la constitution de l’infraction. Ensuite, dans les cas où l’ivresse a été recherchée (par exemple, le prévenu s’est enivré pour se donner du courage pour commettre son acte), la doctrine, parfois suivie par la jurisprudence n’excluent pas la responsabilité pénale de l’agent. Quelle que soit son origine, pour constituer une cause d’irresponsabilité pénale, le trouble mental doit avoir provoqué la disparition totale du discernement de la personne. La perte totale du discernement se traduit par la perte de la capacité de comprendre, autrement dit d’interpréter ses actes dans la réalité. Les troubles mentaux qui ne font qu’altérer le discernement de la personne, sans le supprimer totalement, ne constituent pas des causes d’irresponsabilité pénale (sur ce point, v. infra IIA). En outre, pour dégager le prévenu de sa responsabilité pénale, la perte du discernement doit être concomitante à la commission de l’infraction. C’est en effet à cet instant précis que s’apprécie la responsabilité ou l’irresponsabilité pénale. Cette dernière uploads/S4/ le-discernement-en-droit-penal.pdf

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  • Publié le Jan 13, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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