LE JUGE PÉNAL ET LA LOI PÉNALE : ENTRE RESPONSABILITÉ ET RESPONSABILISATION DU

LE JUGE PÉNAL ET LA LOI PÉNALE : ENTRE RESPONSABILITÉ ET RESPONSABILISATION DU JUGE EN MATIÈRE D’APPLICATION DE LA LOI PÉNALE AU CAMEROUN Pacôme VOUFFO ISSN 2276-5328 Article disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.revue-libre-de-droit.fr Comment citer cet article - How to cite this article: P. VOUFFO : « Le juge pénal et la loi pénale : entre responsabilité et responsabilisation du juge en matière d’application de la loi pénale au Cameroun », Revue libre de Droit, 2019, pp. 102-131. © Revue libre de Droit Revue libre de Droit P. VOUFFO Le juge pénal et la loi pénale : entre responsabilité et responsabilisation du juge en matière d’application de la loi pénale au Cameroun 102 LE JUGE PÉNAL ET LA LOI PÉNALE : ENTRE RESPONSABILITE ET RESPONSABILISATION DU JUGE EN MATIÈRE D’APPLICATION DE LA LOI PÉNALE AU CAMEROUN Pacôme VOUFFO 1 Résumé : Le juge pénal porte une grande responsabilité dans toute société. Par conséquent, le juge devrait agir en toute objectivité comme la loi lui recommande en faisant d’elle-même et de sa conscience, les référents de son office. Si dans cette office il est appelé à interpréter la loi et à apprécier la peine au regard des faits, il devra se rappeler chaque fois du serment qu’il a prêté et de sa conscience qu’il gage par devant Dieu et les hommes pour avoir une légitimité. Malheureusement, la justice pénale est au Cameroun affectée d’un déficit de légitimité du fait de la corruption des juges. Peut-être serait-il nécessaire de prescrire une responsabilité pénale des juges pour des décisions souffrant d’un déficit d’objectivité, car tant que le juge sera conforté par son irresponsabilité, il aura tendance à succomber à la corruption pour appliquer subjectivement la loi pénale au grand dam des plus faibles. Mots-clés : Droit camerounais, juge pénal, responsabilité, responsabilisation, loi pénale. Abstract : The criminal judge bears a great responsibility in every society. Therefore, the judge should act in all objectivity as the law recommends to him by making of himself and his conscience, the referents of his office. If in this office he is called upon to interpret the law and to assess the sentence in the light of facts, he will have to remember each time the oath he has taken and his conscience that he pledges before God and men to have a legitimacy. Unfortunately, criminal justice in Cameroon is affected by a deficit of serious legitimacy because of corruption. Maybe, it would be necessary to prescribe criminal liability of judges for decisions with a lack of objectivity, because as long as the judge is comforted by his 1 M. Pacôme Vouffo est docteur en droit public de l’Université de Dschang (Cameroun). Email: pacomevouffo@yahoo.com. Mr. Pacôme Vouffo holds a Ph.D. in Public Law from the University of Dschang (Cameroon). The author can be contacted at pacomevouffo@yahoo.com. Revue libre de Droit P. VOUFFO Le juge pénal et la loi pénale : entre responsabilité et responsabilisation du juge en matière d’application de la loi pénale au Cameroun 103 irresponsibility, he will tend to succumb to corruption to subjectively apply the law criminal to the detriment of the weakest. Keywords : Cameroonian Law, Criminal Judge, Responsibility, Accountability, Criminal Law. I. Le juge pénal camerounais : un responsable institué pour la bonne application de la loi pénale A. Les référents textuels institués 1. Le référent subjectif : la conscience du juge 2. Le référent objectif : la loi B. Les préalables à l’application de la loi pénale 1. L’interprétation préalable de la loi 2. L’appréciation relative de la sanction pénale par le juge II. Le juge pénal camerounais : un responsable influencé en matière d’application de la loi pénale A. Le contenu de l’influence 1. Les influence actives : la corruption et influences connexes 2. L’influence passive : l’inefficacité du régime de responsabilité des juges B. Les conséquences de l’influence 1. La fragilité de l’office du juge 2. La crise de la légitimité de la justice INTRODUCTION « Dans les pays que la contestation et le bruit désignent comme de vraies démocraties, face au silence ordonné des régimes [accusés d’être peu démocratiques], parler de la justice- et donc des droits de l’homme-encore et toujours, c’est entretenir la flamme, parfois tremblante, sur laquelle le juge doit veiller et, si besoin, la ranimer, lorsque soufflent des vents mauvais »2 ; C’est alors qu’« [à] l’homme frustré de sa liberté d’aller et de venir, au personnage public violé dans les tréfonds de l’intimité de sa vie privée, au démuni et au sans-grade menacé dans ses droits et libertés fondamentaux, il convient de dire : Cherchez un juge, saisissez-le et exigez de lui qu’il rende justice »3. C’est par ces propos que Pierre DRAI, Premier Président de la Cour 2 P. DRAI, « Prologue » de l’ouvrage publié sous la direction de J. RIDEAU, Le droit au juge dans l’Union européenne, C.E.D.O.R.E, Paris, LGDJ, 1998, p. 1. 3 Id., p. 2. Revue libre de Droit P. VOUFFO Le juge pénal et la loi pénale : entre responsabilité et responsabilisation du juge en matière d’application de la loi pénale au Cameroun 104 de Cassation en France dans les années 1998, dans le prologue de l’ouvrage intitulé Le droit au juge dans l’Union européenne, commis sous la direction du Professeur Joël RIDEAU, relevait la place du juge dans un État, qui pourrait se réclamer être un État de droit démocratique. Cette observation riche de sens, féconde d’essence et de conséquence, porte en filigrane la trame du fondement de l’existence du juge, indifféremment de toute catégorisation, dans la société. Au-delà de toute controverse sur la nature d’« autorité » ou de « pouvoir »4 judiciaire, il est admis dans bien des contextes, que le juge assume une mission relative au judiciaire ou au juridictionnel dans l’État, indifféremment de cette nature. Sa relation avec la loi et les droits est si intime qu’elle donne l’impression d’un mélange au contenu homogène, dont il est difficile de faire la distinction des couleurs. Cependant, il n’est pas la loi, il n’est pas non plus le droit, et se confond encore moins aux droits. Il rend la justice par le biais de l’application de la loi, et par conséquent, veille à l’effectivité des droits, en les protègeant5. L’on a d’ailleurs pu écrire, à juste titre, que « [l]e juge est le maître de l’effectivité des droits et des lois, puisqu’il a le pouvoir de mettre en application les règles que ces lois édictent : dans la mesure où l’on admet que l’individu a un droit subjectif à l’application de la norme à son profit, qu’il a un droit au droit, la réalisation de ce droit implique le droit au juge »6. En effet, comme l’avançait Jean-Jacques ROUSSEAU, dans Du contrat social, la loi est l’expression de la volonté générale ; même si à l’ère du constitutionnalisme triomphant, elle ne l’est que dans le respect de la Constitution7. En tant qu’instrument d’harmonisation plurielle et de civilisation des comportements contre un état de nature violent, elle a acquis au sein de la conscience populaire une aura au-delà de l’espérance de ceux qui l’auraient institutionnalisée, et ce, à grand renfort d’aphorismes tels que « Nemo consetur ignorare legem », « Durum est lex, sed legis » ou encore même « Nullum crimen, nulla pœna sine lege », traduisant respectivement en langue française, « Nul n’est censé ignorer la loi », « la loi est dure, mais c’est la loi », « [il n’y a] aucun crime, aucune peine sans loi » ; même si le premier apparaît, à 4 K. MBAYE, « Historique de l’organisation des juridictions », in K. MBAYE et Y. NDIAYE (dir.), Organisation judiciaire, procédures et voies d’exécution, Encyclopédie juridique de l’Afrique, Tome IV, Les Nouvelles Editions Africaines, Abidjan, Dakar, Lomé, 1982, p. 41 5 T. RENOUX, « La constitutionnalisation du droit au juge en France », in J. RIDEAU (dir.), Le droit au juge dans l’Union européenne, note 3, p. 117. 6 N. FRICERO-BERNARDINI, « Le droit au juge devant les juridictions civiles », in J. RIDEAU (dir.), Le droit au juge dans l’Union européenne , note 4, 11. 7 Conseil constitutionnel français dans la Décision Nouvelle-Calédonie en 1985. Revue libre de Droit P. VOUFFO Le juge pénal et la loi pénale : entre responsabilité et responsabilisation du juge en matière d’application de la loi pénale au Cameroun 105 bien des égards, comme une fiction8, néanmoins important pour tout système juridique9. Toutefois, sans une application, la loi reste inerte ; et l’objectif de son élaboration reste sans véritable suite. C’est que, la loi ne s’applique pas par elle-même, tant elle se présente comme un objet dont le mouvement est subordonné à l’intervention d’une force extérieure qui est, en cas de procès ou en matière de justice, le juge. À ce propos, l’on a écrit que le juge est la bouche de la loi10, c’est lui qui, en principe, dit ce que veut la loi, que l’on soit en matière administrative, civile ou pénale. La notion de juge n’est pas moins uploads/S4/ le-juge-penal-et-la-loi-penale-entre-responsabilite-et-responsabilisation-du-juge-en-matiere-d-x27-application-de-la-loi-penale-au-cameroun.pdf

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  • Publié le Mai 20, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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