204 LA PROHIBITION DES CLAUSES ABUSIVES * La notion de clause abusive a été int

204 LA PROHIBITION DES CLAUSES ABUSIVES * La notion de clause abusive a été introduite en droit français par l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978. Celle-ci, devenue article L 132-1 du Code de la Consommation, a mis en place pour la première fois un dispositif destiné à interdire ou limiter l'emploi de clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs. Ce premier texte a connu une importante modification par la loi du 1er février 1995. Celle-ci n’étant pas rétroactive, elle ne s'applique, conformément à la règle de droit commun posée à l'article 2 du Code Civil, qu'aux contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur. Les contrats conclus antérieurement demeurent régis par les dispositions sous l'empire desquelles ils ont été passés1. Nous sommes donc tenus d'exposer successivement la situation des contrats conclus avant l'entrée en vigueur de la loi du 1er février 1995 et régis par l'article L132-1 du Code de la Consommation dans sa rédaction résultant de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, et ceux conclus postérieurement à cette date et régis par l'article L132-1 modifié par la loi du 1er février 1995. Section I l'Article 35 de la loi du 10 janvier 1978 Sous-section I Domaine d'application * L'article 35 s'applique tout d'abord aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs ou non consommateurs. Bien qu'il résulte des travaux parlementaires que les termes consommateur et non professionnel ne devaient pas être pris comme synonymes et interprétés dans un sens étroit, nous avons vu que la jurisprudence de la Cour de Cassation assimile au consommateur le professionnel qui passe un contrat sans rapport direct avec son activité professionnelle. (voir sur ce point infra "la Notion de consommateur" n° ??) * L'article 35 limite d'autre part son champ d'application aux clauses qui sont relatives au caractère déterminé du prix ainsi qu'à son versement, à la consistance de la chose, à la charge des risques, à l'étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d'exécution, de résiliation, de résolution ou de reconduction des conventions. 1 (Cass Civ III 3 juillet 1979, JCP 1980 II 19384 note Dekeuwer- Defossez) 204 205 Sous-section II le mécanisme de prohibition des clauses abusives Pour qu'une clause soit réputée non écrite, l'article 35 prévoit la réunion de trois conditions, deux matérielles et une formelle: * Les deux conditions matérielles: - la clause doit apparaître imposée au non-professionnel ou au consommateur par un abus de puissance économique de l'autre partie. L'abus de puissance économique se caractérise par l'impossibilité pour le consommateur ou le non professionnel de négocier les termes du contrat. Après avoir considéré un temps qu’il se présumait dans les contrats d'adhésion2, c'est à dire dans les contrats rédigés unilatéralement par l'une des parties et auxquels l'autre adhère sans possibilité réelle de les modifier3, ceux dans lesquels le contenu est déterminé unilatéralement et arbitrairement par le partenaire 4 la première chambre de la Cour de cassation, en affirmant ensuite que le seul fait qu'un contrat relève de la catégorie des contrats d'adhésion ne suffit pas à démontrer que telle clause particulière a été imposée par un abus de puissance économique est revenue à une position moins favorable au consommateur sur qui il fait reposer la charge de la preuve de l’abus de puissance économique5. - elles doit conférer à la partie professionnelle un avantage excessif, c'est à dire un avantage sans contrepartie réelle qui traduit un déséquilibre entre les droits et obligations des parties . Pour la cour de cassation, la référence aux seuls désavantages subis par le consommateur, sans les comparer avec les avantages recueillis par le professionnel ne permet pas de caractériser l'avantage excessif obtenu par celui-ci6. 2 (Cass Civ I 6 janvier 1994, D 1994 Somm Comm 209 note Delebecque, Audijuris N° 40 p 5 note Vigneau, JCP 1994, II n° 2237, note Paisant, E. Agostini, de l'autonomie de la volonté à la sauvegarde de justice, D 1994, chron p 235) 3 (Cf Ghestin, Traité de Droit Civil, Le Contrat, 2eme ed LGDJ 1988 n° 74) 4 (D. Mazeaud. Le principe de proportionnalité et la formation du contrat : Les Petites affiches, 30 sept 1998. Cf FX Testu, Le juge et le contrat d’adhésion, JCP G 1993, I, 3673) 5 Cass. 1re civ., 12 mars 2002 ; SA Icd Vie c/ C. : Juris-Data n° 2002- 013486, BICC 1er juin 2002, n° 574 p 25, JCP ed G 2002, II 16163 note Guy Paisant 6 Cass. 1re civ., 12 mars 2002 ; SA Icd Vie c/ C. : Juris-Data n°2002- 013486, BICC 1er juin 2002, n° 574 p 25, JCP ed G 2002, II 16163 note 205 206 * Pour répondre à la condition formelle, elle doit avoir fait l'objet d'une désignation par un décret pris en Conseil d'Etat après avis de la Commission des Clauses Abusives . Un seul décret a été rédigé en application de l'article 35; il s'agit du décret en date du 24 mars 1978 qui dispose que: art 1er : Dans les contrats conclus entre des professionnels, d'une part, et d'autre part des non professionnels ou des consommateurs, est interdite comme abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de constater l'adhésion du non professionnel ou consommateur à des stipulations contractuelles qui ne figurent pas sur l'écrit qu'il signe. Cette disposition a été annulée par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 3 décembre 1980. art 2 : dans les contrats de vente conclus entre des professionnels d'une part et d'autre part des non professionnels ou des consommateurs, est interdite la clause ayant pour effet ou pour objet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations. art 3 Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs est interdite la clause ayant pour effet ou pour objet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre. Toutefois il peut être stipulé que le professionnel peut apporter des modifications liées à l'évolution technique, à condition qu'il n'en résulte ni augmentation de prix, ni altération de qualité et que la clause réserve au non professionnel ou consommateur la possibilité de mentionner les caractéristiques auxquelles il subordonne son engagement. art 4 : dans les contrats conclus entre des professionnels d'une part et des non professionnels ou des consommateurs d'autre part, le professionnel ne peut garantir contractuellement la chose à livrer ou le service à rendre sans mentionner clairement que s'applique, en tout état de cause, la garantie légale qui oblige le vendeur professionnel à garantir l'acheteur contre toutes les conséquences des défauts et vices cachés de la chose vendue ou du service rendu. Section II vers une notion autonome de la clause abusive Cette réglementation nouvelle, séduisante à priori, a rapidement montré ses faiblesses. En effet, après ce premier décret du 24 mars 1978 interdisant certaines clauses, le pouvoir réglementaire n'a pas su édicter Gilles Paisant 206 207 de nouveau règlement, et ce, bien que la commission ait rédigé une vingtaine de recommandations et que la pratique judiciaire ait révélé la fréquente utilisation de clauses abusives non visées par ce décret.7) * Face à cette inertie, la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation a contourné l'obstacle créé par cette carence réglementaire en utilisant simultanément trois directions différentes: - la première a consisté à étendre le bénéfice de la réglementation existante à ceux dont la qualité ne permettait pas, à priori, de se prévaloir des dispositions combinées de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 et du décret du 24 mars 1978 en assimilant aux consommateurs ceux qui "agissent en dehors de leur sphère habituelle de compétence". - la seconde direction a cherché à annuler des clauses déclarées abusives par le décret du 24 mars 1978 à des contrats non visés par celui-ci. Ainsi, la Société KODAK avait inscrit sur l'emballage d'une pellicule photographique une clause limitative de responsabilité. Elle entendait s'en prévaloir dans le litige qui l'opposait à un consommateur qui demandait à être indemnisé de ce qu'elle n'avait pu lui restituer le film qu'il lui avait fait parvenir pour traitement. Pour déclarer cette clause abusive, la Cour de Cassation a estimé que l'on ne pouvait distinguer du coût global du contrat conclut entre la société KODAK et son client le coût de la vente de celui de son traitement, de sorte que le caractère de vente qu'il présentait, fut-ce de manière partielle, entraînait l'application de l'article 2 du décret du 24 mars 1978, 8 - enfin, la troisième tend à reconnaître au juge le pouvoir de déclarer une clause abusive en l'absence de tout décret d'interdiction. Cette démarche fut décelée pour la première fois dans un arrêt du 6 décembre 19899. Une clause insérée dans un bulletin d'inscription d'une école professionnelle stipulait que le prix d'inscription payable en neuf 7 (Paisant, les nouveaux aspects de la lutte contre les clauses abusives, D 1988, Chron uploads/S4/ les-clauses-abusives.pdf

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  • Publié le Mar 16, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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