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15/04/2020 09)27 Page 1 sur 15 about:srcdoc Recueil Dalloz Recueil Dalloz 2020 p.789 Concurrence - Distribution (1) janvier 2019 - décembre 2019 Nicolas Ferrier, Agrégé des Facultés, Professeur à l'Université Montpellier, Directeur du Master 2 droit de la distribution et des contrats d'affaires L'essentiel À la mémoire de mon père En matière de concurrence et distribution, l'actualité de l'année 2019 est d'abord marquée par la réforme du titre IV du livre IV du code de commerce par les ordonnances n° 2019-358 et n° 2019-359 du 24 avril 2019. La jurisprudence et la pratique décisionnelle s'inscrivent, quant à elles, dans une certaine continuité, avec des litiges récurrents, notamment en matière de distribution sélective ou agence commerciale, sans toutefois donner lieu à de profondes évolutions. I - Concurrence A - Pratiques anticoncurrentielles En droit de la concurrence, la qualification du refus, par un promoteur de réseau de distribution sélective, d'agréer celui qui remplit les critères de sélection alimente toujours la jurisprudence. Le panorama précédent était l'occasion de rapporter un jugement du tribunal de commerce de Paris qualifiant le refus isolé de sélectionner d'acte unilatéral et non d'entente (T. com. Paris, 21 févr. 2018, n° 2017006510, D. 2019. 783, obs. N. Ferrier ). Cette analyse, discutée, a été contredite par la cour d'appel de Paris (Paris, 23 janv. 2019, n° 16/16856 ; 20 févr. 2019, n° 15/13603 ; 27 mars 2019, n° 17/09056) et par l'Autorité de la concurrence (Aut. conc., 9 mai 2019, n° 19-D-08) au motif qu'un « refus d'agrément non discriminatoire constitue donc un concours de volontés entre fabricant et distributeurs qui consentent par avance, en signant les contrats, aux critères de sélection et au principe de leur application non discriminatoire, qui veut que ne soient admis dans le réseau que les distributeurs qui en remplissent les critères et qu'inversement ceux qui ne les remplissent pas en soient exclus ». Il faut, en effet, rappeler que chaque distributeur sélectif s'interdit nécessairement de revendre les produits hors réseau, ce qui vise tout distributeur non sélectionné, y compris, donc, ceux évincés de manière discriminatoire ; d'autant, ajoute la cour, qu'« il n'est pas envisageable qu'au regard de la jurisprudence Volkswagen, un refus d'agrément non discriminatoire soit considéré comme un concours de volontés alors qu'un refus d'agrément discriminatoire ne le serait pas, car cela viderait les règles de licéité des réseaux de toute efficacité, puisque seuls pourraient être alors sanctionnés les refus d'agrément opposés par des fabricants disposant d'une position dominante ». Plus récemment, toutefois, il semble que la cour d'appel de Paris ait procédé à un revirement (Paris, 27 nov. 2019, n° 18/06901). En l'espèce, un réparateur automobile contestait la licéité du refus d'agrément par le promoteur au regard du droit des ententes (était également invoqué le droit de la responsabilité, V. infra), estimant que, par ce refus, un autre distributeur déjà sélectionné bénéficierait d'un « monopole absolu dans la réparation officielle des véhicules » sur la zone d'Angers. Après avoir énoncé que la pratique alléguée « ne peut être qualifiée d'action concertée ou d'entente au sens de l'article L. 420-1 du code de commerce que s'il est établi que les parties y ont librement consenti en vue d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence », la cour relève que « ce n'est pas parce que [le distributeur sélectionné] dispose, comme distributeur et réparateur du réseau Mercedes, d'une implantation dans vingt-et-une villes de 15/04/2020 09)27 Page 2 sur 15 about:srcdoc France, qu'est démontré, par le seul refus d'agrément litigieux, son accord implicite à la volonté [du promoteur] de lui conférer "un monopole absolu dans la réparation officielle des véhicules Mercedes sur la zone d'Angers" ». La cour semble ainsi considérer qu'un refus isolé ne suffit pas à caractériser une entente entre le promoteur et le distributeur sélectionné. Un doute subsiste, toutefois, sur le sens de l'arrêt, car on peut se demander si la cour ne s'est pas contentée de répondre au moyen, soulevé par le distributeur évincé, qui contestait l'accord entre le promoteur et un distributeur en place destiné à accorder à celui-ci un monopole, les juges retenant seulement que le refus litigieux ne suffit pas en lui-même à caractériser un accord ayant un tel objet (dans le même sens, N. Éréséo, Lettre distr. 12/2019). Internet éprouve les réseaux de distribution sélective et conduit toujours à s'interroger sur le point d'équilibre à trouver entre, d'un côté, la liberté pour les fournisseurs d'organiser librement leur réseau de distribution et le souci de protéger celui-ci contre les risques notamment d'atteinte à leur image, de parasitisme ou de contrefaçon ; d'un autre côté, l'interdiction des pratiques ayant pour objet ou effet de restreindre la concurrence. Une première question est de savoir si de telles restrictions relèvent de la catégorie des restrictions par objet. La réponse n'est pas toujours aisée, ne serait-ce que par l'imprécision de la notion de restriction par objet. À cet égard, l'avocat général Bobek près la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) revient sur la méthodologie de qualification (CJUE 5 sept. 2019, aff. C-228/18, concl. av. gén. Bobek). Après avoir rappelé que la notion doit s'apprécier de manière restrictive, il propose une démarche en deux étapes. La première consiste à apprécier, de manière plutôt formelle, le contenu et les objectifs de l'accord, afin d'établir si, au vu de l'expérience acquise, sa nocivité est avérée et facilement décelable. La seconde conduit à vérifier, par un « contrôle basique de la réalité sur le terrain » et « de manière assez générale », que la nature anticoncurrentielle présumée de l'accord n'est pas remise en cause par des considérations liées à son contexte économique et juridique. On se rapproche alors d'une analyse par les effets, et c'est précisément l'ambiguïté de la notion, qui repose à la fois sur une approche formelle, abstraite, nourrie de l'expérience et une approche plus concrète. L'avocat général le reconnaît d'ailleurs en relevant que la distinction est plus de degré que de nature et qu'il lui est « impossible d'établir, en des termes abstraits, une distinction claire entre [la deuxième étape de] l'analyse de l'objet d'un comportement et l'analyse de ses effets ». Au demeurant, bien que l'analyse repose sur l'expérience acquise, le seul fait que des autorités nationales de concurrences aient refusé de la condamner ne suffit pas à exclure la qualification de restriction par objet. Telle est la solution résultant d'un arrêt de la cour d'appel de Paris (Paris, 17 oct. 2019, n° 18/24456). En l'espèce, et pour s'en tenir à l'essentiel, une enseigne d'équipement de jardinage exigeait que les produits dangereux achetés à distance soient retirés dans le magasin du vendeur afin d'assurer le conseil et la mise en main de l'acheteur. La cour confirme en grande partie l'analyse de l'Autorité de la concurrence (Aut. conc., 24 oct. 2018, n° 18-D-23, relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution de matériels de motoculture, D. 2019. 783, obs. N. Ferrier ; AJ contrat 2019. 41, obs. L. Vogel ), qualifiant cette modalité de vente de restriction par objet, au motif qu'elle restreint la vente en ligne de manière excessive au regard des objectifs, légitimes, recherchés tenant à garantir le bon usage des produits et la sécurité des utilisateurs, puisqu'elle s'applique même aux acheteurs professionnels et qu'il existe des alternatives moins contraignantes sous forme d'une assistance à distance (Rappr. Aut. conc., 1er juill. 2019, n° 19-D-14, qui qualifie de restriction par objet l'obligation pour le vendeur de vélo haut de gamme acheté en ligne d'en assurer la livraison dans son point de vente physique afin de préserver l'image de marque, la qualité du service et une relation personnalisée avec le client, notamment en réalisant les réglages en sa présence ; au motif, là encore, que ces objectifs peuvent être atteints autrement - les réglages pouvant se faire hors la présence de l'acheteur et le conseil délivré par une hotline). L'analyse peut paraître sévère pour trois raisons. D'abord, la vente en ligne n'était pas vraiment interdite, seules ses modalités étant encadrées (sauf à considérer que ces modalités aboutissent de fait à une interdiction pure et simple). Ensuite, l'évidence qu'appelle la qualification de restriction par objet est douteuse, dès lors que d'autres décisions ont refusé de poursuivre l'enseigne (sauf à considérer que ces refus reposaient moins sur des raisons de fond que sur un choix en termes d'opportunité des poursuites). En tout état de cause, la Cour estime que le fait que d'autres autorités nationales de concurrence « se soient abstenues de poursuivre leurs investigations relatives à un éventuel manquement (...) ne sauraient, par définition, être assimilés à des "renseignements précis, inconditionnels et concordants" fournis aux intéressées quant à la conformité du [contrat] litigieux à l'article 101 du TFUE ». En conséquence, ces refus de poursuivre n'ont pu faire naître chez l'enseigne une attente légitime, au sens du principe de protection de la confiance 15/04/2020 09)27 Page 3 sur 15 about:srcdoc légitime, dans la validité de son contrat. Enfin, il paraît pour le moins abrupte de considérer qu'un conseil délivré à distance uploads/S4/ n-ferrier-concurrence-distribution-janv-2019-dec-2019-pdf 1 .pdf

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  • Publié le Jui 18, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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