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chapitre iv Les normes législatives et administratives 169775VBZ_Droit_P01T02C04.indd 1 06/10/11 18:51 2 Traité de droit administratif Section 1 Introduction § 1 « L ’ordinaire du droit écrit » S’attacher aux sources législatives et réglementaires du droit administratif, c’est s’intéresser à l’« ordinaire du droit écrit » (R. Chapus, Droit administratif général, Montchiestien, 15e éd., 2001, tome 1, § 87). On pourrait ajouter que c’est aussi se confronter à l’affirmation la plus banale qui soit, à savoir que les juges se perçoi­ vent — ou veulent être perçus — comme les « sentinelles de la loi » : elle leur commande et ils doivent l’appliquer à la lettre ou, mieux, ils doivent en faire une application stricte parce qu’elle leur commande. Il reste que cette affirmation est tout de suite empreinte d’un certain para­ doxe lorsqu’il s’agit du droit administratif et du juge chargé de l’appliquer puisque, comme on le sait, le droit administratif reste volontiers défini comme un droit « fondamentalement » jurisprudentiel (R. Chapus) ou encore « prétorien ». Par là, on veut dire que, au pays du Code civil, l’existence d’un droit non codifié ne laisse pas d’étonner et qu’à défaut de Code c’est au juge qu’il revient de fixer les prin­ cipes généraux susceptibles de délimiter l’action de l’administration et la compé­ tence du juge lui-même. À dire vrai, l’affirmation semble aujourd’hui un peu désuète et sa pertinence fort contestable tant sont désormais nombreuses les lois qui encadrent l’activité de l’administration, lois que le juge administratif applique avec la même rigueur que n’importe quel juge dans un système de droit codifié. C’est que, précisément, le mouvement de codification — ou de simplification — a fini par atteindre aussi le droit administratif (encore qu’il ne soit pas neuf, v. M. Letourneur, « Quelques réflexions sur la codification du droit administratif », in Mélanges L. Julliot de la Morandière, Dalloz, 1964, p. 277 et G.-J. Guglielmi, « L ’idée de codification dans la construction du droit administratif français au xixe siècle », Annuaire d’histoire administrative européenne, vol. 8, 1996, p. 109). Par codification, cependant, il ne faut pas entendre la constitution d’un système de règles, rationnel et déductif, comme on a pu penser le Code civil en 1804. Il n’est question que de codification thématique et formelle « à droit constant », c’est- à-dire du rassemblement de textes existants, mais épars et dont la mise en forme apparaît comme un facteur de « sécurité juridique » propre à satisfaire l’objectif constitutionnel « d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi » (Cons. const. n° 1999- 421 DC du 16 déc. 1999, Rec. Cons. const. 136 ; v. en ce sens, N. Molfessis, « Les “avancées” de la sécurité juridique », RTA civ. 2000. 600 ; A. L. Valembois, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité publique en droit français, Paris, LGAJ, 2005). Elle ne concerne d’ailleurs pas les grands principes du droit administratif d’origine jurisprudentielle. 169775VBZ_Droit_P01T02C04.indd 2 06/10/11 18:51 3 Les normes législatives et administratives Cette codification a d’abord été mise en œuvre par la « commission supérieure » créée par le décret du 10 mai 1948, conformément à des orientations définies par le Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics — preuve, s’il en était besoin, que les préoccupations d’efficacité économique de l’action publique ne sont pas une découverte récente. Un nouvel essor de la codification est intervenu en 1989, avec la mise en place d’une nouvelle Commission supérieure de codification, dotée d’une auto­ rité renforcée et de moyens accrus en vertu du décret n° 89-647 du 12 septembre 1989 et qui fut longtemps dirigée par Guy Braibant. Elle a abouti à la production d’une cinquantaine de codes concernant l’ac­ tion de l’administration. À compter de l’année 1995, le gouvernement a pris la décision d’achever ce programme de codification pour l’année 2000, répon­ dant ainsi à une demande qu’exprimait le Conseil d’État lui-même qui jugeait que « la mise à disposition et la diffusion de textes […] constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient à l’État de veiller » (CE 17 déc. 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris, AJDA 1998. 362, concl. Combrexelle). C’est ce qui explique que le processus de codification ait connu une accélération brutale à la fin de l’année 1999. En effet, pour la période 1996-2000, on prévoyait l’élaboration de vingt-deux nouveaux codes et la refonte de dix-huit codes exis­ tants. Or, les nombreux codes qui furent élaborés par les administrations concer­ nées, approuvés par la commission supérieure de codification, examinés par le Conseil d’État et entérinés par le Conseil des ministres, n’ont pu aboutir devant le Parlement, faute de temps pour les examiner. Le gouvernement a ainsi décidé d’emprunter la voie des ordonnances pour procéder à l’adoption de plusieurs codes, ce qui n’a pas manqué d’irriter certains parlementaires. Saisi, le Conseil constitutionnel a jugé la loi d’habilitation conforme en tout point à la Constitution (Cons. const. n° 1999-421 DC du 16 déc. 1999, Rec. Cons. const. 136). Cette codification n’a cependant nullement découragé les ardeurs législatives des différents gouvernements. C’est peut-être là que se situe une autre explication à l’affaiblissement de la créativité du juge administratif. On ne peut manquer de relever que le juge administratif a, par le passé, fait preuve d’une audace remarquée et remarquable — en consacrant des droits nouveaux et en créant des normes susceptibles de protéger efficacement les admi­ nistrés d’éventuels excès de l’administration. Il a en revanche attendu, parfois fort longtemps, que le législateur intervienne et lui donne par écrit les moyens de certaines « avancées » qui paraissaient sinon naturelles, du moins fort peu coûteuses compte tenu de la « demande sociale » pressante qu’elles pouvaient aisément prétendre satisfaire. On pense ici au pouvoir de prononcer des astreintes (loi du 16 juill. 1980) ou d’adresser des injonctions à l’administration (loi du 8 févr. 1995). Il en fut de même pour les procédures de référé (loi du 30 juin 2000). On objectera aussitôt que ces lois, comme toutes celles qui le concernent (à l’excep­ tion de la réforme de 1963) ont été élaborées au sein et par le Conseil d’État. Mais la question demeure de savoir si la loi était à ce point nécessaire. Inversement, 169775VBZ_Droit_P01T02C04.indd 3 06/10/11 18:51 4 Traité de droit administratif s’il a certes pris l’initiative de moduler les effets de l’annulation contentieuse, le Conseil d’État l’a fait sans manifester le moindre empressement, dans un domaine où il n’a cependant jamais eu à craindre la concurrence du législateur. On peut toutefois se demander si ce que d’aucuns perçoivent comme un manque de créativité du juge au profit de la loi ne résulte pas d’une inversion de la causalité. En effet, nombre de lois ne sont bien souvent que la reprise, et donc la formalisation, de la jurisprudence (v. S. Théron, « La substitution de la loi à la jurisprudence administrative : la jurisprudence codifiée ou remise en cause par la loi », RFDA 2004. 230 et Y. Gaudemet, Traité de droit administratif, LGDJ, 2001, tome 1, n° 8). Ainsi, par exemple, la loi MURCEF du 1 1 décembre 2001 (art. 3), qui modifie l’article 38 de la loi de 1993, ne fait-elle que reprendre à la lettre la construction jurisprudentielle posée par l’arrêt Préfet des Bouches du Rhône c/ Commune de Lambesc (CE 15 avr. 1996, Lebon 274). Cela étant, la multiplication de ces lois n’a nullement permis d’atteindre l’idéal de simplification ou d’accessibilité du droit administratif auquel aspiraient ceux qui, un temps, déploraient les difficultés d’accès et doutaient que le droit adminis­ tratif pût rester jurisprudentiel (G. Vedel, « Le droit administratif peut-il rester indé­ finiment jurisprudentiel ? », EDCE 1979-1980, n° 31, p. 31 s.). On mesure donc combien la loi est une source du droit administratif quand bien même elle n’en serait pas la source exclusive. Il y a certes la jurisprudence. Il y a aussi les normes que l’administration pose elle-même. On n’étudiera ici ces normes qu’au titre des sources du droit administratif sans s’attacher au régime juridique auquel elles sont soumises, car cet aspect relève de l’étude de l’acte administratif unilatéral, dont l’identification suppose qu’on le distingue de certaines décisions humaines auxquelles le juge administratif ne reconnaît aucune signification juridique. § 2 La loi : un instrument normatif contesté Les normes législatives et administratives représentent le lot commun des sources du droit administratif. Leur nombre est considérable et leur longueur semble excéder les limites du raisonnable. Or, précisément, la loi si longtemps placée sur un piédestal est désormais fortement contestée. On ne cesse en effet de constater ou déplorer, c’est selon, le déclin d’autorité qu’elle subit au sein de l’ordre juridique, soit parce qu’elle est mise en concurrence avec d’autres sources formelles, notamment celles constitutionnelle mais aussi celles européennes et internationales, soit parce qu’elle souffre d’être mal rédigée ou utilisée à des fins qui ne seraient pas les siennes. Les griefs sont multiples qu’une seule expression réunit : « inflation législative » (v. G. Hispalis « Pourquoi tant de uploads/S4/ les-normes-legislatives-et-administratives.pdf

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  • Publié le Jul 08, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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