LE PRE-BARREAU _________________ Copyright © 2015 Pré-Barreau Méthodologie du c
LE PRE-BARREAU _________________ Copyright © 2015 Pré-Barreau Méthodologie du commentaire d’arrêt Le commentaire d’arrêt est l’exercice juridique le plus complexe. Il nécessite un travail préparatoire fouillé (A), l’élaboration d’un plan permettant d’articuler les idées de manière efficace et dynamique (B) et une rédaction soignée (C)1. A/ Le travail préparatoire Un bon travail préparatoire suppose que l’on se pose trois questions : - quel est le sens de l’arrêt (1) ? - quelle est la valeur de l’arrêt (2) ? - quelle est la portée de l’arrêt (3) ? Les réponses apportées à ces différentes questions peuvent être notées sur une feuille de papier dont on se servira ensuite pour bâtir le plan et vérifier que l’on n’a rien oublié d’important. 1°) Le sens de l’arrêt Déterminer le sens de l’arrêt revient à expliciter la réponse à la question de droit posée. C’est l’une, sinon la matière première, de votre commentaire – lequel doit, a minima, expliquer la solution retenue. Pour dégager convenablement le sens de l’arrêt, il faut vous poser plusieurs questions, dont voici les principales : 1ère question : est-il aisé de déceler le sens de l’arrêt ? Parfois, le sens n'est pas évident à déceler et cela mérite qu'on s'y arrête. Dès lors que l’arrêt n’est pas clair – c’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’il a été donné à commenter… –, le correcteur attend en effet que vous tentiez de dissiper les zones d’ombres qu’il comporte. Il n’est alors pas opportun de fuir le problème en faisant comme si l’arrêt était limpide : c’est justement la plus-value attendue de votre commentaire qui ferait défaut. Ainsi, lorsque le sens est difficile à comprendre, il faut automatiquement consacrer une partie importante de vos développements à expliquer au lecteur la solution retenue dans l’arrêt. D’autant que cette obscurité de l’arrêt peut être intentionnelle. Ainsi, il arrive que la Cour de cassation fasse preuve de prudence ; elle suggère une solution sans l’affirmer clairement et attend de savoir si elle est bien accueillie par la doctrine et la pratique. Elle avance en quelque sorte masquée. Si l’accueil est favorable, elle profite d’un arrêt ultérieur pour formuler la solution de manière plus explicite. Vous comprenez dès lors bien l'intérêt d'une solution dont le sens est difficile à déceler : cela peut éventuellement signifier que la Cour de cassation teste une nouvelle solution. 2ème question : les mots ou expressions employés par l’arrêt sont-ils univoques ou équivoques ? ex : « la faute inexcusable est une faute d’une exceptionnelle gravité ». L’expression est équivoque, il faut 1 On notera que la Cour de cassation peut aussi être conduite à se prononcer sur des questions juridiques par voie d’avis. La procédure de « saisine pour avis » de la Cour de cassation, prévue aux articles L. 441-1 et suivants du Code de l’organisation judiciaire, permet ainsi à une juridiction de l’ordre judiciaire de solliciter l’avis de la Cour de cassation sur une « question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges » (art. L. 441-1 COJ). Le commentaire d’un tel avis ne diffère pas fondamentalement du commentaire d’arrêt ; de sorte que les conseils donnés dans cette fiche à propos du second exercice valent aussi pour le premier. Tout au plus faudra-t-il, pour la pleine compréhension de l’avis, tenir compte de la nature particulière du document commenté. On pourra, en introduction, signaler la particularité du document commenté (la Cour de cassation n’évalue pas la pertinence d’une décision qui lui est soumise mais intervient avant qu’une décision soit rendus) ; et, dans le commentaire, rappeler que « l'avis rendu ne lie pas la juridiction qui a formulé la demande » (art. L. 441-3 COJ), de sorte que les juges ayant saisi la Cour de cassation pour avis pourraient ne pas appliquer la solution suggérée par la Haute juridiction. LE PRE-BARREAU _________________ Copyright © 2015 Pré-Barreau pour la comprendre s’attacher à découvrir ce qu’est « l’exceptionnelle gravité ». On pourra prendre le temps, dans le commentaire, de préciser ce qu’il faut entendre par là. 3ème question : si le sens de l’arrêt consiste dans l’interprétation donnée par le juge à un texte, il faut qualifier cette interprétation : est-elle extensive ? est-elle restrictive ? Est-on en présence d’une interprétation littérale ou téléologique ? A-t-on raisonné a contrario ou a pari voire a fortiori ? … Ce type de réflexions permet de nourrir le devoir de réflexions (juridiques) qui permettent de dépasser la paraphrase de l’arrêt. De ce point de vue, le visa utilisé par la Cour de cassation, voire les textes évoqués dans le pourvoi, pourront vous aiguiller. 2°) La valeur de l’arrêt La révélation de la valeur de l’arrêt consiste à exercer sur l’arrêt une réflexion critique, au sens philosophique du terme, c’est-à-dire en discernant ses mérites et défauts, ses qualités et imperfections. Il s’agit d’un aspect qui fait défaut dans de nombreux commentaires, qui se contentent de paraphraser l’arrêt et, au mieux, de l’expliquer. Peut-être cette attitude s’explique-t-elle par la peur des étudiants concernés de commettre des erreurs d’analyses, ou par une certaine modestie les dissuadant de se prononcer sur la solution rendue par des hauts magistrats. Il n’en reste pas moins que cette attitude est nuisible aux étudiants concernés, car le correcteur de la copie attache en général le plus grand intérêt aux développements critiques du devoir, qui révèlent véritablement la capacité de l’étudiant à commenter l’arrêt. Pour apprécier la valeur d’un arrêt, demandez-vous si la solution est heureuse ou critiquable, sur le plan théorique ou sur le plan pratique. Demandez-vous ensuite si la juridiction saisie est cohérente tout au long de sa décision : chapeau et visa se répondent-ils convenablement ? N’y a-t-il pas de contradiction interne ? Si tel est le cas, cela doit être dit, et ces réflexions peuvent constituer un élément incontournable du commentaire. Dans le cas inverse, il n’est pas inutile de relever que la solution retenue est justement conforme aux textes appliqués, qui s’imposaient à juridiction saisie. Demandez-vous également si la solution adoptée est meilleure que la solution inverse. De manière plus générale, vous garderez à l’esprit que la valeur d’un arrêt doit être appréciée tant au regard de l’espèce qui a donné lieu à l’arrêt qu’au regard des considérations générales d’ordre théorique et pratique. Prenons un exemple : un arrêt décide que le vendeur d’un tableau peut faire annuler la vente s’il ne savait pas, au moment de celle-ci, qu’il vendait un objet d’une grande valeur valeur de l’arrêt au regard de l’espèce : protection du vendeur ignorant, ce dont on peut se réjouir. valeur de l’arrêt au regard de la théorie du consensualisme : protection de l’intégrité du consentement des parties ; l’arrêt est donc satisfaisant de ce point de vue. valeur de l’arrêt au regard de la pratique : si l’on permet à tous les vendeurs d’agir en nullité pour erreur sur leur propre prestation, cela risque de créer une difficulté au niveau de la sécurité juridique du commerce. Vous le voyez, la valeur d’un arrêt peut être différente suivant le terrain sur lequel on se place. Il est important de le mettre en lumière dans votre commentaire. Prenez garde au jugement de valeur d’un bloc. Il n’y a pas d’arrêt tout blanc ou tout noir. Les correcteurs apprécient la nuance. Veillez donc à bien analyser l’arrêt sous tous les angles mentionnés. 3°) La portée de l’arrêt La portée de l’arrêt désigne l’incidence générale de l’arrêt sur le droit positif et la pratique. Il convient de ne pas confondre valeur et portée de l’arrêt : la valeur est une critique en bien ou en mal. Dégager la portée d’un LE PRE-BARREAU _________________ Copyright © 2015 Pré-Barreau arrêt consiste à rechercher en quoi l’arrêt change ou ne change pas l’état du droit positif ; c’est mettre en lumière les raisons pour lesquelles il conforte, modifie, précise ou encore obscurcit les solutions existantes. En d’autres termes, il s’agit de situer l’arrêt par rapport : - au droit antérieur (loi et jurisprudence) - au droit postérieur : n’oubliez jamais que vous devez commenter non pas au jour où l’arrêt est rendu, mais au jour de la composition (ex : un arrêt de 2007 doit être commenté en tenant compte des lois et de la jurisprudence jusqu’au mois de septembre de la présente année). - à des domaines voisins ou des décisions rendues par d’autres ordres de juridiction (CEDH ou juridictions administratives). Cela étant dit, comment mesurer la portée d’un arrêt ? D’abord, par votre connaissance de la jurisprudence antérieure, acquise grâce au cours, aux séminaires, aux exercices sur lesquels vous avez composé… L’examen du Code autorisé à l’examen peut aussi vous être d’une grande aide (à condition de ne pas s’y perdre !) : vous y trouverez souvent plusieurs arrêts sur le même thème qui vous permettront de repérer une évolution ou une continuité jurisprudentielle sur la question traitée, dont vous pourrez faire état dans votre devoir. Mais au-delà, il existe un certain nombre d’indices uploads/S4/ methodologie-commentaire-darret.pdf
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Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 29, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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