MICHEL VILLEY ET LES DROITS DE L'HOMME Gregorio Peces-Barba Martinez Ed. juridi
MICHEL VILLEY ET LES DROITS DE L'HOMME Gregorio Peces-Barba Martinez Ed. juridiques associées | Droit et société 2009/1 - n° 71 pages 93 à 100 ISSN 0769-3362 ISBN 9782275028170 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-droit-et-societe-2009-1-page-93.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Peces-Barba Martinez Gregorio,« Michel Villey et les droits de l'homme », Droit et société, 2009/1 n° 71, p. 93-100. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Ed. juridiques associées. © Ed. juridiques associées. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 178.198.143.87 - 19/04/2015 11h39. © Ed. juridiques associées Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 178.198.143.87 - 19/04/2015 11h39. © Ed. juridiques associées Michel Villey et les droits de l’homme * Gregorio Peces-Barba Martinez Instituto de Derechos Humanos “Bartolomé de las Casas”, Universidad Carlos III de Madrid, C/Madrid, 126, Despacho 11.25, E-28903 Getafe (Madrid). Résumé La préoccupation spécifique pour le thème des droits de l’homme n’est pas à l’origine de la pensée de Michel Villey. De plus, ce dernier a situé la pro- blématique dans un contexte historique dont le point de départ choisi, la pensée de Locke, n’est pas sans poser un certain nombre de questions. Enfin, sa position est ouvertement trop proche d’une hiérarchie ecclésiasti- que qui, historiquement, a opposé la Contre-Réforme au développement de la conception moderne des droits de l’homme. Fixé sur le modèle aristotéli- cien thomiste, il nie les changements intervenus avec la Modernité. La nouvelle économie monétaire et de marché, l’hégémonie de la bourgeoisie ont entraîné des acquis indéniables : une conception moderne de l’État et du droit, la culture du sujet, le développement consécutif de l’individua- lisme, du rationalisme, de la laïcité, la montée du positivisme juridique. Dans ce contexte, les droits de l’homme s’avèrent incontournables. Pour- tant, Michel Villey n’en a pas voulu. Cléricalisme – Droits de l’homme – Individualisme – Pensée juridique moderne – Thomisme. Summary Michel Villey and Human Rights Originally, Michel Villey was not concerned with human rights as a specific topic. Moreover, he situated his problematic in a historical context rooted in John Locke’s thinking, which raises a number of issues. In the event, his position is blatantly too close to an ecclesiastic hierarchy that historically pitted the Counter Reformation against the development of the modern conception of human rights. Focusing on the Thomist-Aristotelian model, he denied the changes brought about by Modernity. The hegemony of the bourgeoisie and the new monetary and market economy provided undeni- able gains: a modern conception of the State and of law; the culture of the subject; the development of individualism, rationalism, and secularism; and the rise of legal positivism. In this context, human rights could not be ig- nored. Nor was it Michel Villey’s intention to do so. Clericalism – Human rights – Individualism – Modern legal thinking – Thomism. * Texte traduit par Wanda Capeller. Droit et Société 71/2009 93 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 178.198.143.87 - 19/04/2015 11h39. © Ed. juridiques associées Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 178.198.143.87 - 19/04/2015 11h39. © Ed. juridiques associées G. PECES-BARBA MARTINEZ C’est avec un intérêt certain que je me joins à cet hommage à Michel Villey, que je considère amplement mérité. J’ai maintenu avec le célèbre historien du droit une relation d’amitié et de collaboration tout au long des années 1970. Je l’ai invité à Madrid en mainte occasion, et ai été également son invité à Paris. Lors de sa se- conde visite à la Complutense, qui était alors mon Université, je l’ai prié de bien vouloir parler à l’Institut des droits de l’homme, et il a accepté, tout en m’avertis- sant qu’il était contre ce concept et que, s’il venait, ce serait pour expliquer les rai- sons de sa thèse contre les droits de l’homme. Mieux : il me semble que cette inter- vention à Madrid fut sa première approche d’un thème que, par la suite, il a rééla- boré et complété, spécialement dans son ouvrage Le droit et les droits de l’homme, publié aux PUF en avril 1983. Il a aussi repris ce thème dans sa Philosophie du droit 1, dont la troisième édition a vu le jour chez Dalloz en 1982 (tome 1), et la deuxième édition du volume 2, en 1984 2. Au nombre des manières d’exprimer sa religiosité et son catholicisme, j’ai pu en observer directement une, qui ne m’a pas surpris parce que je l’avais déjà connue des années auparavant, de la part de Jacques Maritain. En effet, à l’occasion d’un repas en commun à Kolbsheim, en Alsace, dans le Château de Grunelius, au début des années 1970, peut-être une année avant sa mort, j’ai pu observer comment, d’un petit flacon, il a dispersé quelques gouttes sur la nourriture, en même temps qu’il disait, à mon grand étonnement : « c’est de l’eau bénite ». Quelques années plus tard, se produisit la même chose à l’occasion d’un repas dans l’appartement de Michel Villey, à Paris. Je crois que c’est au cours de ce repas qu’il s’est permis une petite réflexion plus personnelle et affectueuse, me disant « qu’il ne saisissait pas comment je pouvais être socialiste avec les valeurs intellectuelles que j’avais ». C’était un geste d’amitié qui cachait une critique sérieuse à mon mode de penser. Il n’était pas difficile de le comprendre, connaissant à fond son œuvre d’historien, de philosophe du droit et de juriste. Que les deux bastions de sa pensée soient Aristote et Saint Thomas, qu’il connaissait parfaitement, signalait ses préférences pour le monde classique et pour son immersion thomiste, quoique ses recherches sur les auteurs de la modernité fussent vives et profondes, jusqu’à Hobbes, pour lequel il professait respect et ad- miration. À mes disciples, j’ai toujours recommandé la lecture de ses travaux, spé- cialement La formation de la pensée juridique moderne 3, tout en conseillant une certaine distanciation par rapport aux conclusions auxquelles il parvenait. Les prises de position de Villey sur les droits de l’homme n’ont pas été à l’origine de sa pensée, et je crois qu’elles ont été entamées avec l’invitation que je lui ai faite de venir parler à Madrid, comme je viens de le souligner. Dans la présentation de l’édition de La formation de la pensée juridique mo- derne, arrêtée, revue et présentée par le Professeur Stéphane Rials, de l’Université 1. Michel VILLEY, Philosophie du droit, Paris, Dalloz, coll. « Précis Dalloz », 1975. 2. Quoique je ne détienne pas l’édition originale (premier tome, 1975, modifié en 1978, et second tome paru en 1979), je crois me souvenir cependant que cette dernière ne comportait pas les pages consacrées aux droits de l’homme. 3. Michel VILLEY, La formation de la pensée juridique moderne [1963], Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2006. 94 Droit et Société 71/2009 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 178.198.143.87 - 19/04/2015 11h39. © Ed. juridiques associées Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 178.198.143.87 - 19/04/2015 11h39. © Ed. juridiques associées Michel Villey et les droits de l’homme Paris II, et quoique avec une estime et un respect évidents pour Villey, il prend de la distance avec certains aspects de sa pensée, comme sa rigidité scolastique aristoté- licienne thomiste, sa position dans la relation entre nature et histoire, le fait qu’il maintienne certaines catégories médiévales sur la doctrine augustinienne du dé- samour, même s’il exprime une certaine proximité sur d’autres points. C’est pour cela, dira Rials, que, tout intérêt mis à part et sans être disciple de Vil- ley au sens strict, il est sensible à sa pensée, pour tout ce qu’il doit à l’auteur et pour l’importance qu’il sait que ce dernier a eue dans le développement de la philoso- phie du droit, au moins en France, et dans d’autres pays francophones et latins. Si j’ai accepté la proposition de mon ami le professeur André-Jean Arnaud, c’est en raison de ma sympathie spéciale pour une œuvre complexe, dont je ne partage pourtant quasiment aucune des thèses centrales. Je n’éprouve pas non plus de sympathie intellectuelle particulière pour les auteurs que Rials signale comme proches : Strauss et MacIntyre, ni leur refus du progrès, ni leur mise en valeur rela- tivement faible de la scolastique espagnole de Vitoria et Suárez, ni leur vision pré- moderne du droit naturel, à partir de la théologie. Je ne partage pas non plus son refus péremptoire de la modernité dans l’idée de système, ni celui du droit subjectif – même si j’admire sa manière de situer son origine, sa naissance uploads/S4/ michel-villey-et-les-droits-de-l-x27-homme.pdf
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- Publié le Aoû 24, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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