RFDA 2009 p. 1125 L'abandon de la jurisprudence Cohn-Bendit Conclusions sur Con
RFDA 2009 p. 1125 L'abandon de la jurisprudence Cohn-Bendit Conclusions sur Conseil d'État, ass., 30 octobre 2009, Mme Perreux, req. n° 298348Document InterRevues Mattias Guyomar, Maître des requêtes au Conseil d'État, rapporteur public Le renvoi de la présente affaire devant votre formation de jugement, inscrite une première fois au rôle des 6e et 1re sous-sections réunies du 10 juillet 2009, se justifie par l'ampleur des questions qu'elle soulève. Mme Perreux est entrée dans la magistrature en 1990. Elle occupe, depuis septembre 2002, les fonctions de juge d'application des peines au tribunal de grande instance de Bordeaux. Le 23 mars 2005, est diffusé un appel à candidature sur un poste de chargé de formation à l'École nationale de la magistrature (ENM) pour l'application des peines. Dans sa rédaction applicable à la date des actes attaqués, le décret du 21 décembre 1999 régissant les emplois de l'ENM prévoit, à son article 10, que : « Peuvent être nommés dans un emploi de chargé de formation à l'ENM, par voie de détachement, les magistrats de l'ordre judiciaire appartenant au premier grade ou appartenant au second grade et inscrits au tableau d'avancement. La nomination à cet emploi est prononcée par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice, après avis du directeur, pour une durée de trois ans renouvelable une fois ». Mme Perreux est candidate une première fois à ces fonctions. Après avoir été entendue par la commission chargée d'auditionner les candidats, elle apprend qu'elle n'est pas retenue. Un nouvel appel à candidature sur un autre poste de chargé de formation est diffusé, le 25 novembre 2005. Mme Perreux présente à nouveau sa candidature. Un autre magistrat postule également. Après prorogation du délai de candidature, c'est le magistrat concurrent qui est nommé, le 7 février 2006. Mais, ce dernier ayant été nommé sur un autre poste dès le 22 février 2006, un nouvel appel à candidature est diffusé, le 2 mars 2006. Le 8 mars 2006, Mme Perreux renouvelle, pour la troisième fois, sa candidature. Par décret du président de la République en date du 24 août 2006, elle est nommée vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux. Le poste de chargé de formation à l'ENM est pourvu par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la Justice en date du 29 août 2006 prenant effet au 1er septembre, qui nomme Mme Dunand, précédemment juge d'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux. Cette dernière avait été élevée au premier grade et placée en position de service détaché à compter du 1er septembre 2006 par le décret précité du 24 août 2006. Mme Perreux vous demande l'annulation, d'une part, du décret du 24 août 2006 en tant qu'il la nomme elle-même vice-présidente du tribunal de grande instance de Périgueux et en tant que, selon elle, il nommerait Mme Dunand au sein de l'administration centrale du ministère de la Justice et, d'autre part, de l'arrêté du 29 août 2006. Mais la requérante s'est expressément désistée du premier chef de conclusions, par un mémoire enregistré le 17 janvier 2007. Elle a ensuite confirmé qu'elle entendait limiter ses conclusions aux seules décisions relatives à la situation de Mme Dunand. Vous lui donnerez acte de ce désistement. Précisons qu'en l'état de votre jurisprudence, ces conclusions auraient été irrecevables. En effet, un fonctionnaire ayant sollicité sa mutation dans plusieurs postes classés par ordre de préférence et ayant été muté dans l'un de ceux-ci ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge de l'excès de pouvoir d'annuler la décision par laquelle il a été fait droit à sa demandeNote de bas de page(2). Les autres conclusions dirigées contre le décret du 24 août 2006 sont irrecevables. Ainsi que le fait valoir à juste titre le ministre de la Justice, ce décret n'affecte pas, contrairement à ce que croit la requérante, Mme Dunand à l'administration centrale. Il se borne à l'élever au premier grade et à la placer en position de service détaché à compter du 1er septembre 2006. Le Syndicat de la magistrature a présenté une intervention au soutien de la requête de Mme Perreux. Dans la mesure où cette dernière s'est désistée, l'intervention a perdu son objetNote de bas de page(3). Dans la mesure où elle vient au soutien de conclusions irrecevables, elle est également irrecevable. Restent les conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 août 2006. Les fonctions de chargé de formation à l'ENM étant réservées, en vertu du décret du 21 décembre 1999 dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, à des magistrats, le litige est indissociable du statut de magistrat et relève donc de votre compétence directe. Mme Perreux a intérêt à agir à son encontre. Vous admettez en effet de manière constante l'intérêt d'un agent public à contester la nomination à un emploi auquel il a vocation à accéderNote de bas de page(4). À la vérité, lorsqu'un agent public attaque la nomination d'un autre agent sur un emploi, deux cas de figure sont envisageables. Le premier est celui où le requérant, sans avoir postulé à cet emploi, avait néanmoins vocation à l'occuper. Ses conclusions sont alors exclusivement dirigées contre la nomination. Le second cas - qui est celui de l'espèce - correspond au contraire à l'hypothèse où le requérant avait présenté sa candidature. Dans ces conditions, la décision attaquée comporte deux faces : en plein, il s'agit de la nomination d'un concurrent mais cette nomination révèle nécessairement, en creux, le refus de nommer le requérant. Aucune décision expresse de refus n'ayant été opposée à la candidature de la requérante présentée le 8 mars 2006, ce refus doit être regardé comme ayant été révélé par une autre décision. Faut-il voir dans la nomination de Mme Dunand comme chargée de formation à l'ENM par l'arrêté du 29 août 2006 le refus de nommer Mme Perreux sur ce même poste ? Incontestablement, le décret du 24 août 2006, en nommant Mme Perreux vice-présidente du tribunal de grande instance (TGI) de Périgueux (un de ses choix subsidiaires), révèle en creux le refus de la nommer sur le poste de son premier choix. Nous nourrissons de sérieux doutes sur le bien-fondé de votre jurisprudence Diraison. Il nous semble en effet qu'un agent public devrait pouvoir contester sa nomination sur un poste demandé à titre subsidiaire, au moins dans la mesure où cette décision révèle nécessairement le refus de le nommer sur le poste de son premier choix. Mais la requérante s'étant désistée de ses conclusions dirigées contre sa nomination comme vice- présidente du TGI de Périgueux, la présente affaire n'offre pas l'occasion d'une évolution de votre jurisprudence. Nous considérons que l'arrêté du 29 août 2006 révèle, en procédant à la nomination de Mme Dunand comme chargé de formation à l'ENM, un nouveau refus de nommer Mme Perreux sur ce poste. En effet, aucune règle ni aucun principe ne faisaient obstacle à ce que le ministre de la Justice nomme la requérante à l'ENM en dépit de sa nomination, quatre jours plus tôt, à un autre poste par le Président de la RépubliqueNote de bas de page(5). Celle-ci conserve en outre, dans ses nouvelles fonctions, la possibilité de postuler à cette fonction. Mme Perreux est donc recevable à demander l'annulation de l'arrêté du 29 août 2006 non seulement en tant qu'il nomme Mme Dunand mais aussi en tant qu'il refuse de la nommer. Dans la mesure où elle vient au soutien de ces conclusions, vous admettrez l'intervention du Syndicat de la magistrature, dont Mme Perreux est adhérente, qui a intérêt à demander l'annulation de l'arrêté du 29 août 2006. Deux moyens sont soulevés à l'appui de ces conclusions. Mme Perreux soutient, d'une part, que le garde des Sceaux aurait commis une erreur de droit en écartant sa candidature au poste de chargé de formation à l'ENM en raison de son engagement syndical et, d'autre part, qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en procédant à la nomination de Mme Dunand. Le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le ministre de la Justice en se fondant, pour procéder à la nomination litigieuse, sur un critère extérieur aux mérites des candidats correspond à la discrimination syndicale dont Mme Perreux prétend avoir été victime. L'examen de ce moyen appelle de longs développements. La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations aurait pu constituer le cadre juridique de ce litige. Sous l'influence du droit communautaire, le droit français a procédé à un aménagement de la charge de la preuve dans différents domaines : la loi du 16 novembre 2001 introduit ainsi un mode particulier de preuve dans les articles L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail relatifs au régime des discriminations en matière de travail et d'emploi ; la loi du 17 janvier 2002 modifiant la loi du 6 juillet 1989 introduit un mode de preuve spécifique s'agissant des litiges concernant les refus d'attribution de la location d'un uploads/S4/ mme-perreux-concl-rapporteur-public-matthias-guyomar 1 .pdf
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- Publié le Mar 29, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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