Recueil Dalloz Recueil Dalloz 2015 p.1810 Droit des sûretés juillet 2014 - juin

Recueil Dalloz Recueil Dalloz 2015 p.1810 Droit des sûretés juillet 2014 - juin 2015 Pierre Crocq, Professeur à l'Université Panthéon-Assas, Directeur du Collège de droit, Directeur de l'Institut d'études judiciaires Pierre Raynaud L'essentiel La sécurité a été particulièrement à l'honneur en 2015, puisque la sécurité juridique constituait, au mois de mai, le thème du 111e Congrès des notaires de France et qu'elle a fait l'objet, les 11 et 23 juin, d'un rapport du Club des juristes, intitulé « Sécurité juridique et initiative économique » et d'un « Index de la sécurité juridique » établi par la Fondation pour le droit continental. Est-ce un hasard ou le signe de la pertinence du choix de ce thème ? Ce même souci de sécurité constitue sans doute également le fil conducteur des principales innovations ayant marqué le droit des sûretés au cours de l'année écoulée. En effet, les évolutions législatives récemment effectuées ou actuellement en projet ont généré bien des incertitudes quant au sort de certaines sûretés réelles (I), tandis que la jurisprudence, au contraire, s'est efforcée de restaurer ou de conforter la sécurité des parties à un contrat de cautionnement (II) et, plus généralement, d'assurer la sécurité juridique en droit des sûretés (III). I - Évolutions législatives et création de nouvelles incertitudes Le législateur a la fâcheuse manie de créer de l'insécurité au sein du droit des sûretés soit en faisant se succéder des législations contradictoires, ainsi que le montre l'évolution récente de l'hypothèque rechargeable (A), soit en ne réglementant pas là où il y en aurait pourtant besoin, ainsi que le montre l'évolution actuelle du régime de cette sûreté réelle négative que peut générer une insaisissabilité, qu'elle soit déclarée ou prochainement de droit (B), soit, à l'inverse, en légiférant là où c'est inutile, ainsi que le montre l'évolution des régimes juridiques des gages de stocks (C). A - Mort et résurrection de l'hypothèque rechargeable À l'occasion du précédent panorama de droit des sûretés publié dans cette revue en 2014, nous avions fait état du triste sort de l'hypothèque rechargeable qui, créée pour de mauvaises raisons en 2006, avait été supprimée pour des raisons encore plus mauvaises, relevant du fantasme législatif, par l'article 46 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, qui avait alors abrogé l'article 2422 du code civil à compter du 1er juillet 2014. Mais le feuilleton n'était pas fini pour autant. En effet, neuf mois après, ce même législateur a, dans l'article 48 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, rétabli ce qu'il avait abrogé et permis de nouveau la constitution d'une hypothèque rechargeable, en la cantonnant, toutefois, à la seule garantie des créances professionnelles, et ce, à compter de l'entrée en vigueur de cette loi le 21 décembre 2014 (V. L. Andreu, L'hypothèque rechargeable ressuscitée, JCP 2015. 78 ; C. Gijsbers, Hypothèque rechargeable : rétablissement pour les professionnels par la loi du 20 décembre 2014, D. 2015. 69 ; H. Heugas-Darraspen et J. Salvandy, L'hydre de l'hypothèque rechargeable ?, RDI 2015. 341 ; C. Le Gallou, L'hypothèque rechargeable : un jeu de cache-cache ou de qui perd quoi ?, RLDC avr. 2015. 30 ; G. Piette, La résurrection de l'hypothèque rechargeable, RLDA févr. 2015, n° 5456). Certes, on peut se réjouir de ce que le législateur réalise (V. le Rapp. enregistré à la présidence du Sénat le 29 oct. 2014 et fait par M. André Reichardt au nom de la commission des lois du Sénat, session ordinaire 2014-2015, Rapp. n° 59, p. 82) et corrige ainsi rapidement l'erreur qu'il avait commise, tout en en profitant pour consacrer la possibilité d'une cession d'antériorité en matière d'hypothèque rechargeable (nouv. art. 2422, al. 6, c. civ.), mais on observera, d'une part, qu'il serait préférable que le législateur réfléchisse avant d'écrire la loi, ce qui lui éviterait de devoir la réformer à peine l'encre sèche, et, d'autre part, que sa versatilité n'est pas sans inconvénient. En effet, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2014, les professionnels personnes physiques constituant une hypothèque rechargeable sur leur résidence principale se voyaient alors appliquer le régime protecteur applicable aux consommateurs de crédit en raison d'un renvoi effectué par l'article L. 526-5 du code de commerce aux articles L. 313-14 à L. 313-14-2 du code de la consommation. Or on peut observer, après l'entrée en vigueur de la loi du 20 décembre 2014, que si l'article L. 526-5 existe bien toujours, il ne renvoie plus à rien aujourd'hui, car les articles L. 313-14 à L. 313-14-2 qui avaient été abrogés par la loi du 17 mars 2014 n'ont pas été rétablis. Il en résulte que le dispositif protecteur des professionnels personnes physiques constituant une hypothèque rechargeable sur leur résidence principale a disparu, et ce nouveau cas d'abrogation par mégarde montre bien que, même lorsqu'il veut corriger une erreur, le législateur ne peut pas s'empêcher d'en commettre une nouvelle ! B - Insaisissabilité et sûreté réelle négative En 2014, le précédent panorama de droit des sûretés avait également été l'occasion de souligner la réduction de l'intérêt d'une déclaration notariée d'insaisissabilité, assortie d'une renonciation à l'insaisissabilité en faveur d'un créancier déterminé, en tant que sûreté réelle négative, dans la mesure où une telle déclaration n'empêche pas un autre créancier d'inscrire une hypothèque sur le bien déclaré insaisissable. Dans ces conditions, le créancier bénéficiaire de la renonciation ne pourra être véritablement protégé que s'il a pris la précaution de se faire consentir une hypothèque sur le bien concerné et, dans ce cas, la déclaration d'insaisissabilité viendra renforcer l'efficacité de cette hypothèque en la faisant échapper aux conséquences de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du déclarant. Il demeure, toutefois, que bien des questions restent à résoudre en la matière : l'immeuble doit-il, ou non, être considéré comme étant totalement « hors procédure collective » ? Les créanciers, à qui l'insaisissabilité n'est pas opposable, peuvent-ils le saisir avant la clôture de la procédure collective et sans avoir à déclarer leur créance ? Le déclarant peut-il en disposer en dépit de son éventuel dessaisissement (V., à ce propos, N. Borga, note ss Com. 24 mars 2015, n° 14- 10.175, D. 2015. 1302 ) ? On ne peut donc que s'attrister, à l'heure où ces lignes sont écrites, de la pusillanimité dont fait preuve l'article 206 du projet de loi Macron, tel qu'il a été définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 10 juillet 2015, puisque ce texte s'apprête à transposer en grande partie le régime juridique de la déclaration notariée d'insaisissabilité à la future insaisissabilité de droit de la résidence principale de l'entrepreneur personne physique, sans prendre la peine de résoudre ces questions (V. F. Pérochon, L'art de mal légiférer : l'insaisissabilité de la résidence principale, Bull. Joly Entrep. diff. 2015. 65). C - Gages de stocks : des évolutions incertaines Si l'insuffisance de règles peut être regrettée dans le cas précité de l'insaisissabilité, c'est à l'inverse d'un surplus de réglementation que souffre le gage de stocks sans dépossession, le législateur ayant ajouté à la réglementation de droit commun du gage de choses fongibles, énoncée par le code civil, une réglementation spéciale du gage de stocks figurant au sein du code de commerce (art. L. 527-1 s.). En la matière, la question de savoir s'il est possible, ou non, de choisir entre ces deux réglementations, lorsque l'on se situe dans le domaine d'application du gage de stocks du code de commerce, n'a pas encore été tranchée à l'heure où ces lignes sont écrites, la réunion d'une assemblée plénière, à la suite de la résistance manifestée par la cour d'appel de Paris (27 févr. 2014, n° 13/03840, D. 2014. 924, obs. C. Gijsbers , 1610, obs. P. Crocq , et 2136, obs. D. R. Martin ; Dr. et patr. nov. 2014. 108, obs. A. Aynès ; RLDC juill.-août 2014. 38, obs. J. Clavel-Thoraval ; JCP 2014. 635, obs. P. Delebecque ; Gaz. Pal. 4-5 juin 2014, p. 20, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; Banque et Droit mai-juin 2014. 58, obs. N. Rontchevsky), ne devant avoir lieu que le 23 novembre 2015, selon l'agenda diffusé par la Cour de cassation sur son site internet. Pour l'instant, la Cour de cassation n'a eu à s'intéresser qu'aux seuls gages de stocks qui, n'étant pas constitués au profit d'un établissement de crédit, ne peuvent pas être soumis à la réglementation spéciale des gages de stocks énoncée par le code de commerce, et la chambre commerciale de la haute juridiction a rendu en ce domaine, le 17 février 2015, un arrêt particulièrement important (Com. 17 févr. 2015, n° 13-27.080, D. 2015. 787 , note N. Borga ; RTD civ. 2015. 437, obs. P. Crocq ; RTD com. 2015. 342, obs. D. Legeais , et 350, obs. B. Bouloc ; Act. proc. coll. 2015, n° 96, obs. G. Raoul-Cormeil ; JCP 2015. 604, obs. P. Delebecque ; Gaz. Pal. 18-19 mars 2015, p. 18, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RDC 2015, note M. Julienne, à paraître) que nous nous contenterons, toutefois, de résumer ici, l'ayant déjà longuement commenté dans d'autres colonnes. Important, cet arrêt uploads/S4/ p-crocq-droit-des-suretes-juillet-2014-juin-2015.pdf

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  • Publié le Jui 19, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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