L’adage nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans, qui signifie “nul ne
L’adage nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans, qui signifie “nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude” a été bousculé par l’affaire Sarah Halimi. L’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 14 avril 2021 en fait une illustration. Le 4 avril 2017, des fonctionnaires de police ont reçu un appel téléphonique avertissant qu’une famille était victime de séquestration. Ils sont intervenus au domicile de cette famille et ont découvert en même temps le corps sans vie d’une femme. Les premiers éléments de l’enquête ont démontré que la victime était tombée du balcon de son appartement. Le 14 avril 2017, une information judiciaire a été ouverte des chefs d’homicide volontaire et d’arrestation, enlèvement, détention ou séquestration avec absence de libération volontaire avant le septième jour. Le 10 juillet 2017, un homme a été mis en examen pour ces chefs. Il a également été notifié qu’une circonstance aggravante était retenue à son encontre des faits qu’il a commis en raison de l’appartenance vraie ou supposée de la victime à une race ou une religion déterminée. Le 12 juillet 2019, le juge d’instruction a rendu une ordonnance aux fins de saisine de la chambre de l’instruction. Il a écarté la circonstance aggravante précitée, mais a estimé qu’il existait des charges suffisantes contre le mis en examen d’avoir commis les faits reprochés, et en outre, qu’il existait des raisons plausibles d’appliquer au mis en examen le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal (troubles psychiques et neuropsychiques). Les parties civiles et le ministère public ont interjeté appel de ladite ordonnance. Par un arrêt, la chambre de l’instruction de la cour d’appel a déclaré les appels interjetés irrecevables et a conclut à l’irresponsabilité pénale du mis en examen en raison du trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement au moment des faits. Les parties civiles et le ministère public se sont donc pourvu en cassation, premièrement au fondement que si l’article 122-1 alinéa 1er du Code pénal prévoit l’irresponsabilité pénale d’une personne atteinte d’un trouble psychique ou neuropsychique, il ne prévoit pas pour autant que la consommation régulière de stupéfiants est une maladie mentale. Les demandeurs au pourvoi estiment également que l’acte volontaire de consommation de stupéfiants constitue une faute qui exclut l’application de l’article 122-1 alinéa 1er du Code pénal, et que d’ailleurs, la consommation de stupéfiants constitue un délit et une circonstance aggravante d’infractions, par conséquent elle ne peut constituer en même temps une cause d’irresponsabilité pénale. En outre, ils considèrent que la chambre de l’instruction a statué par des motifs contradictoires : les juges ne pouvaient pas relever une circonstance aggravante à l’encontre du mis en examen en estimant qu’il a eu un reste de conscience et qu’il a volontairement précipité la victime de son balcon, ou encore qu’il a agi en ayant eu conscience du judaïsme de la victime mais en déduire parallèlement l’abolition de son discernement au moment des faits. De plus, les demandeurs au pourvoi reprochent à la chambre de l’instruction que le fait que le mis en examen n’ait jamais connu l’effet d’une bouffée délirante n’empêche pas le fait qu’il n’avait pas conscience des risques encourus par la consommation de stupéfiants. Les juges de la Cour de cassation ont donc été confrontés à la question suivante : Lorsqu’elle est à l’origine d’un trouble psychique, la consommation de produits stupéfiants constitue-t-elle une faute qui exclut l’irresponsabilité pénale ? Autrement dit, celui qui commet une infraction sous l’emprise de stupéfiants peut-il invoquer un trouble psychique ou neuropsychique qui a aboli son discernement, alors qu’il a librement consommé ces substances ? Par un arrêt du 14 avril 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejette les pourvois des demandeurs au pourvoi. Elle estime qu’une personne qui a commis un acte mais qui était sous l’emprise d’une bouffée délirante qui a aboli son discernement ne peut être jugée pénalement. Et ce, même si l’abolition du discernement du mis en examen a été causé par la consommation régulière de produits stupéfiants. Les juges de la Cour de cassation estiment qu’en effet, l’article 122-1 alinéa 1er du Code pénal ne prévoit pas de distinction selon l’origine du trouble psychique. Ainsi, la Cour de cassation opère à une application stricte de l’article 122-1 du Code pénal (I) pour parvenir à sa solution. Une solution, qui est d’ailleurs juridiquement conforme, mais difficilement acceptable (II) I - L’interprétation stricte de l’article 122-1 du Code pénal par la Cour de cassation en l’espèce En appliquant l’article 122-1 du Code pénal qui prévoit le trouble psychique ou neuropsychique comme cause subjective d’irresponsabilité pénale (A), la Cour de cassation estime que la consommation régulière de cannabis ne constitue pas un obstacle à la caractérisation du trouble psychique ou neuropsychique permettant une irresponsabilité pénale du mis en examen (B) A. Le trouble psychique ou neuropsychique selon le Code pénal En l’espèce, le procès repose sur la question du trouble psychique ou neuropsychique, cause subjective d’irresponsabilité pénale prévue par l’article 122-1 du Code pénal. En effet, selon le principe général d’imputabilité sur lequel l’article 122-1 repose, “toute infraction, même non intentionnelle, suppose que son auteur ait agi avec intelligence et volonté” (Crim, 13 décembre 1956). Autrement dit, une personne ne peut être jugée pénalement responsable de son acte si et seulement si elle en a compris la nature et en a mesuré la portée. Il en ressort ainsi que l’imputabilité de l’infraction est l’une des conditions sine qua non pour engager la responsabilité pénale de l’auteur d’une infraction pénale. Par conséquent, une infraction ne peut pas être imputable à un agent si son discernement est altéré ou aboli : en réalité, il s’agit d’une affirmation juridiquement logique puisqu’une infraction exige un élément légal, matériel et moral pour être caractérisée. Il ne peut y avoir d’élément moral lorsque l’agent est atteint d’un trouble psychique ou neuropsychique qui a aboli son consentement : le trouble psychique ou neuropsychique fait donc obstacle à la naissance de l’infraction. L’article 121-1 du Code pénal est applicable à toutes les maladies mentales, quelle qu’en soit l’origine : elles peuvent être inées ou acquises, et les manifestations peuvent être permanentes ou occasionnelles. Toutefois, l’article 121-1 du Code pénal exige que le trouble mental soit établi par une expertise médicale. En l’espèce, plusieurs experts se sont penchés sur la question. Des experts ont conclu à une altération du discernement du mis en examen et non pas à une abolition en raison de sa consommation volontaire et régulière de cannabis ; d’autres experts ont estimé que la bouffée délirante s’était “avérée inaugurale d’une psychose chronique, probablement schizophrénique et que ce trouble psychotique bref a aboli son discernement” ou encore que “la bouffée délirante caractérisée d’origine exotoxique oriente plutôt classiquement vers une abolition du discernement”. Les experts n’étaient donc pas unanimes. Si le juge est dans l’obligation de demander une expertise médicale en matière criminelle, il dispose d’un pouvoir d’appréciation souveraine et en cela, il n’est pas tenu de suivre les conclusions d’un rapport d’expertise. La Cour de cassation l’a rappelé à plusieurs reprises (Crim, 11 mars 1958). Le juge apprécie effectivement les éléments de preuve de façon libre et il décide selon son intime conviction. Au delà du fait que le trouble mental doit être établi par une expertise médicale, qu’il doit exister au moment de la commission de l’infraction ou encore qu’il doit être en relation de causalité certaine avec l’infraction, le trouble mental doit être involontaire. En effet, si l’altération ou l’abolition du discernement a été provoquée, le juge refuse a priori d’admettre la cause d’irresponsabilité pénale au titre de l’article 121-1. Pour la drogue ou l’alcool, le juge a refusé d’admettre ces causes comme étant des causes d’irresponsabilité pénale dans la mesure où elles sont librement provoquées par l’agent (Crim, 21 juin 2017) Elles ont d’ailleurs même été érigées en tant que circonstances aggravantes par le législateur. Jacques Henri Robert, docteur en droit, écrivait d’ailleurs en 1988 : “la même circonstance ne peut pas être en un cas une infraction et en un autre une cause d’exonération; il faut en conclure que notre droit positif a exclu l’ivresse et l’intoxication volontaires du champ d’application de l’ (ancien) article 64 du code pénal”. Toutefois, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, le 19 décembre 2019, a jugé que le trouble mental d’origine toxicologique du mis en examen justifiait son irresponsabilité pénale, malgré le caractère volontaire de l’acte de consommation du produit stupéfiant, dès lors que cet acte a été effectué sans la conscience qu’il pouvait générer une abolition du discernement. En l’espèce, la Cour de cassation a été saisie du pourvoi de cette affaire et a rejeté les pourvois, déclarant ainsi l’irresponsabilité pénale du mis en examen alors même qu’il avait consommé volontairement des produits stupéfiants. B. L’indifférence de la Cour de cassation quant à la consommation volontaire de stupéfiant sur l’irresponsabilité pénale du mis en examen En l’espèce, la Cour de cassation estime qu’une personne qui a commis un acte, mais qui était sous uploads/S4/ partiel-penal.pdf
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- Publié le Oct 18, 2021
- Catégorie Law / Droit
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