Droit civil Cours du professeur Jean-Sébastien Borghetti Méthodologie de la fic

Droit civil Cours du professeur Jean-Sébastien Borghetti Méthodologie de la fiche d’arrêt Avant d’être un exercice académique, la fiche d’arrêt est un moyen de synthétiser une décision de justice afin d’en dégager l’apport. Elle formalise l’analyse que tout juriste est amené à conduire lorsqu’il est confronté à une décision de justice qu’il ne connaît pas encore et dont il veut saisir la portée. La forme de la fiche d’arrêt est largement commandée par la finalité de celle-ci. Cela étant, d’un professeur à l’autre, les exigences ou recommandations relatives à cette forme peuvent varier légèrement. Il n’y a pas lieu de s’en inquiéter et l’observateur attentif constatera que les mêmes éléments se retrouvent dans pratiquement toutes les méthodologies proposées, encore que parfois sous des intitulés différents. En tout état de cause, le modèle de fiche d’arrêt exposé ci-dessous ne doit pas être pris comme le seul possible. Il est simplement conçu comme une aide et il appartient à chacun de l’adapter en fonction des circonstances ou des exigences de ses professeurs. Il faut encore signaler que le modèle de fiche d’arrêt présenté ci-dessous a été pensé à partir des décisions de justice françaises les plus courantes, qui soit tranchent un litige entre deux parties, soit statuent sur la bonne application du droit par une décision antérieure. Il n’est dès lors pas parfaitement adapté d’autres types de décisions, et notamment aux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne statuant sur une question préjudicielle. Le modèle proposé peut et doit donc être adapté, autant que de besoin, à ces décisions « atypiques ». Structure de la fiche d’arrêt. 1) Présentation (juridiction ayant rendu la décision, date de celle-ci et thème général auquel elle se rapporte) L’identification précise de la juridiction qui a rendu la décision est essentielle. Elle permet notamment de savoir si cette décision a été rendue en première instance, en appel ou en cassation. La date est également importante. Elle peut avoir une incidence quant à l’application de la loi dans le temps. Elle permet aussi, le cas échéant, de situer la décision dans une évolution jurisprudentielle. Il peut être utile de préciser dans la fiche d’arrêt le thème général auquel se rapporte la décision étudiée. Cela permet de situer celle-ci d’emblée. Le libellé de ce thème général peut cependant être plus délicat qu’il n’y paraît. Il ne doit pas être trop précis, et reprendre par exemple la question de droit, car il serait alors redondant ; mais il ne doit pas non plus être trop général, sauf à perdre tout intérêt. 2) Faits L’exposé des faits doit permettre au lecteur de comprendre le litige et de disposer des éléments qui ont permis aux juges de le résoudre. Il importe, dans cet exposé, d’éviter deux écueils. Le premier consiste à reproduire trop de faits. Dans l’exposé des faits tels qu’on peut le lire dans une décision de justice, il peut arriver que certains éléments ou informations soient superfétatoires, au sans où ils ne sont pas nécessaires à la compréhension et à la résolution du 2 litige. Tel est le cas, notamment, du nom des parties. Sauf dans certains litiges très particuliers (relatifs par exemple à l’emploi d’un nom de famille, ou en lien avec une affaire connue du grand public), il est sans importance, d’un point de vue juridique, de savoir si les parties au litige s’appellent Martin et Durand ou Dupont et Michaud. Au demeurant, presque toutes les décisions de justice sont aujourd’hui « anonymisées » lors de leur publication, c’est-à-dire que les noms des parties y sont remplacés par des initiales. On évitera de désigner dans une fiche d’arrêt les parties par ces initiales, qui ne renvoient à rien. On s’attachera au contraire à identifier les positions juridiques respectives des parties et à désigner celles-ci en conséquence. Par exemple, si un litige oppose M. X… qui a vendu une voiture à Mme Y…, laquelle refuse de payer, on parlera du vendeur et de l’acheteuse. Cela revient à qualifier la situation juridique des parties. Dans les cas où c’est justement cette qualification qui fait l’objet du litige (par exemple parce que le débat porte sur la question de savoir si le contrat en cause est un contrat de vente ou un contrat de location, auquel cas on ne peut qualifier les parties de vendeur et d’acheteuse sans préjuger de l’issue du litige), on pourra désigner les parties par leur situation dans le cadre de la procédure (demandeur ou défendeur, appelant ou intimé, demandeur ou défendeur au pourvoi ; v. infra les précisions sur ces termes). De la même manière, le plus souvent, la date à laquelle les faits se sont produits est sans importance du point de vue juridique (mais il arrive qu’il en aille autrement, par exemple en cas de litige relatif à l’application de la loi dans le temps). Le montant des sommes en jeu est lui aussi d’ordinaire indifférent (là encore, cependant, il y a des exceptions, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer la compétence d’une juridiction ou l’applicabilité de certaines règles de preuve). L’écueil opposé consiste à ne pas faire état de certains faits, mentionnés dans la décision, et qui ont joué ou auraient pu jouer un rôle dans la détermination de la solution. Dans ce cas, le lecteur se trouve privé d’un élément décisif pour la compréhension du litige et de la décision rendue. Exposer les faits n’est donc pas un exercice de recopiage de la décision commentée. Il suppose au contraire de distinguer, parmi tous les faits dont il est fait état, ceux qui sont pertinents et ceux qui ne le sont pas. Bien évidemment, cette distinction ne peut être faite que lorsqu’on a véritablement compris la décision rendue. Rédiger une fiche d’arrêt est donc déjà rentrer dans l’analyse de la décision. 3) Procédure La procédure qui a abouti à la saisine de la juridiction ayant rendu la décision analysée doit être expliquée. Il faut indiquer qui a pris l’initiative de saisir les tribunaux et dans quel sens ont statué les juridictions saisies avant celle dont la décision est analysée. La position de la précédente juridiction à s’être prononcée mérite une attention particulière, puisque c’est par rapport à elle que la juridiction ayant rendue la décision analysée a été amenée à prendre position. Il faut donc, si c’est possible, synthétiser brièvement le raisonnement tenu par la précédente juridiction pour justifier sa position. Lorsque la décision analysée est un arrêt de la Cour de cassation, les indications disponibles ne portent le plus souvent que sur la décision qui a précédé immédiatement cet arrêt. Cela signifie que lorsqu’ont été successivement saisies une juridiction de première instance, une juridiction d’appel et la Cour de cassation, l’arrêt de celle-ci permet seulement de connaître le sens de l’arrêt d’appel, et non celui de la décision de première instance. Cela n’est pas réellement gênant puisque, comme il a été dit, c’est la position de la juridiction précédemment saisie qu’il importe avant tout de connaître et de comprendre. Il arrive toutefois que la Cour de cassation indique le sens de la décision de première instance. Lorsqu’elle parle de l’arrêt confirmatif attaqué, à propos de l’arrêt d’appel, cela signifie que celui-ci a confirmé le jugement de première instance et s’est donc prononcé dans le même sens que lui. Inversement, lorsqu’il est question de l’arrêt infirmatif attaqué, cela indique que les juges d’appel se sont prononcés en sens contraire de celui retenu par les juges de première instance. 3 4) Prétentions des parties Il faut à ce stade indiquer qui a pris l’initiative de saisir la juridiction ayant rendu la décision analysée. Il faut également, dans la mesure du possible, faire état des arguments des parties devant cette juridiction. Lorsque la décision analysée est un arrêt de la Cour de cassation, cependant, les arguments du défendeur au pourvoi ne sont en principe pas connus. Quant à ceux du demandeur, ils ne sont normalement indiqués que lorsqu’il s’agit d’un arrêt de rejet, auquel cas il convient d’exposer brièvement les arguments figurant dans le(s) moyen(s) du pourvoi. Lorsque l’arrêt est de cassation, les arguments du demandeur au pourvoi ne sont en principe pas mentionnés et on se contentera donc d’indiquer la justification donnée par la juridiction précédemment saisie au soutien de sa décision. 5) Question de droit C’est là sans doute l’élément le plus délicat de la fiche d’arrêt. Il s’agit d’identifier la question à laquelle a répondu la juridiction saisie, non pas sous l’angle de l’espèce particulière qui lui était soumise (par ex. : M. X… est-il le vendeur ou le prêteur de la voiture ? ; la dette de M. X est-elle prescrite ?), mais de manière en quelque sorte abstraite, en montrant quelle problème juridique était en jeu dans la solution du litige (par ex. : quel est le critère de distinction entre la vente et le prêt ? ; quel est le délai de prescription applicable à une dette issue d’un contrat de vente ?). En principe, la question de droit peut être trouvée en confrontant les positions contradictoires, qu’elles uploads/S4/ methodologie-fiche-d-arret-cours-m-borghett-2014-2015-pdf.pdf

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  • Publié le Jul 11, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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