""'''"''"'',JI.J 1 V E R S 1 TÉ ,e:,,:1fc""""~,,~ ERNA T 10 NA L du Professeur
""'''"''"'',JI.J 1 V E R S 1 TÉ ,e:,,:1fc""""~,,~ ERNA T 10 NA L du Professeur Du puy CHAPITRE TRENTE-CINQ NOTES SUR LA« FRAGMENTATION» DU DROIT INTERNATIONAL: DROIT DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX ET DROITS DE L'HOMME Alain Pellet* Associée au droit international, la «fragmentation» est une notion à la mode même si sa nature reste incertaine: s'agit-il d'un «concept »1 ? ou n'est-ce qu'un terme chic et commode pour désigner un phénomène difficilement saisissable2 ? Le mot a été popularisé lorsque la Commission du Droit international a inscrit dans son programme à long terme le thème : « Les risques que pose la fragmenta- tion du droit international »3 et a constitué un groupe d'étude sur le sujet. Dans le cadre de cet exercice, la «fragmentation» a été définie comme «l'apparition de ~ Professeur à l'Université Paris-Ouest, Nanterre La Défense; ancien Président de la Commission du Droit international des Nations Unies; Associé de l'Institut de Droit international. J'adresse de très vifs remerciements à Benjamin Samson, pour l'aide qu'il m'a apportée dans les recherches préalables et la finalisation de cette contribution- qui est issue d'une conférence donnée à la Harvard Law School dans le cadre d'une journée d'étude organisée le 6 avril 2012 par le Half'ard Human Rights journal (Symposium: Fragmentation - Human Rights & International Investment Law). 1 Selon le dictionnaire Larousse onlîne, un concept est une '' idée générale et abstraite que se fait l'esprit humain d'un objet de pensée concret ou abstrait, et qui lui permet de rattacher à ce même objet les diverses perceptions qu'il en a, et d'en organiser les connaissances» (disponible à l'adresse suivante : http:/ /www.larousse.fr/dictionnaires/ francais/ co ncept/1787 5). 2 Le dédicataire de ces lignes semble l'assimiler aux selfcontained regimes qui ne seraient que des régimes sui generis (v. P.M. Du puy,« L'unité de l'ordre juridique international. Cours général de droit international public», Recueil des cours de L'Académie de droit internationaL, 297, 2002, 90 et 436); il me semble que les deux phénomènes (postulés) ne se recouvrent pas complètement; et je ne suis pas non plus convaincu que l'expres- sion latine traduise exactement <'régimes se suffisant à eux-mêmes» ; mauvais début pour une contribution à des Mélanges! Mais, pour l'essentiel, on le verra, je suis en très large accord avec ce que P.-M. Dupuy a écrit sur ou autour du thème de ces <'notes >>-. 3 Assemblée Générale des Nations Unies (AGNU), cinquante-cinquième session, Supplé- ment no 10, UN Doc. A/55/10, cha p. IX.A.l, para. 729. 758 ALAIN PELLET règles ou d'ensembles de règles, d'institutions juridiques et de domaines de pra~ tique juridique spécialisés et (relativement) autonomes »4. En 2006, le Groupe d'étude de la fragmentation du droit international, très efficacement animé par Martti Koskenniemi, a adopté ses conclusions. Ce document a pmu sous-titre« Dif- ficultés découlant de la diversification et de l'expansion du droit international>15 , le terme « difficultés » ayant été préféré à« risques »6. Et, pour de bonnes raisons; la diversification et l'expansion du droit international ne simplifient assurément pas la vie des juristes, mais elles peuvent être considérées comme une source de progrès et d'enrichissement du droit international. On peut cependant avoir des doutes sur la portée et la profondeur de ce phé- nomène. Certes, le droit international est en expansion constante et de plus en plus techniquement sophistiqué; il n'existe plus de «domaine réservé » ; plus de «matières qui, bien que pouvant toucher de très près aux rêts de plus d'un État, ne sont pas, en principe, réglées par le droit international>> et pour lesquelles« chaque État est seul maître de ses décisions »7. Aujourd'hui, il n'est aucun aspect des relations entre les États ou entre les êtres humains qui ne soit régi- ou susceptible d'être régi- par le droit international. Mais à vrai dire, s'il existe une «fragmentation», elle se trouve davantaP'e: dans l'esprit des juristes, qu'ils soient enseignants, chercheurs ou praticiens, à cause de cette complexification et de cette extension du droit internatiom spécialisent à l'excès dans un domaine particulier- soit par paresse intellectuelle:,- ( il est plus rassurant de s'enfermer dans sa boîte noire que d'affronter la plexité des choses), soir par goût (certains trouvent plus excitant de s'inté aux droits de l'enfant ou à la protection des baleines que d'essayer de compren~ dre les mécanismes austères du système de responsabilité en droit international ou de résoudre les mystères de la formation de la coutume). Ils ne sont plus« juristes de droit international »,mais« droits-de-l'hommistes >>, '' environnemen « investissementistes »,voire ~~ droit-de-la-meristes », lorsqu'ils ne se posent eux-mêmes en tant que spécialistes du plateau continental, des droits cultu- ou de la conservation des rhinocéros blancs. Le droit international n'est pas menté- ou plutôt, s'il se fragmente, c'est surtout parce que les universitaires les praticiens en traitent de manière fragmentéeS. 4 Rapporl du Groupe d'étude de la Commission du droit international: Difficultés de la diversification et de L'expansion du droit internationaL, UN doc. A/CN.4/L.682, para. 8. 5 Rapport de La Commission du droit internationaL sur les travaux de sa cinauante-huitièm session, UN Doc. A/61/10, 2006, 426-443, para. 251. 6 Sur le changement du titre du sujet, voir le Rapport de la Commission du droit tional sur les travaux de sa cinquante-quatrième session (2002) (A/57/10), Anr. la Comnission du Droit International, II, 2002, 2e partie, 103, para. 500. 7 Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI), Décrets de nationalité promulgués Tunisie et au Maroc, avis consultatif, 7 février 1923, Série B No 4, 23-24. 8 Dans le même sens, voir Dupuy, «L'unité de l'ordre juridique international», 436. NOTES SUR LA« FRAGMENTATION» DU DROIT INTERNATIONAL 759 y d'ailleurs quelque paradoxe à parler de fragmentation dans un monde glo- On s'attendrait à ce que, dans le« village global» popularisé par Marshall McLuhan9, tous les acteurs, qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises privées ou des autorités publiques, soient soumis à des règles uniformes dans des situations similaires. En ce sens, la mondialisation (ou l'internationalisation) des sociétés humaines (ou peut-on utiliser le singulier:« de la société humaine»?) semble être un bouclier contre la fragmentation des règles juridiques. Selon la définition claire et équilibrée donnée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS): Globalization, or the increased interconnectedness and interdependence of peoples and countries, is generally understood to include two interrelated elements: the opening of borders to increasingly fast flows of goods, services, finance, people and ideas across international borders; and the changes in institutional and policy regi- mes at the international and nationallevels that facilitate or promote such flowsiO. Si on accepte cette définition, la notion « post-moderne» de droit global11 est clairement « défragmentante » en ce qu'elle nie ou, du moins, défie les limites des bons vieux États souverains - dont la coexistence souveraine et sourcilleuse était et demeure le facteur principal de la fragmentation du droit international. Mais on notera également que la définition de l'OMS est « economy-oriented ». À JI en croire, le monde semble se réduire à une sorte de zone de libre-échange dont le seul objectif est d'augmenter la productivité économique tout en ignorant tota- lement le but ultime qui est- ou devrait être - le bien-être de la population- ou des peuples- de ce monde unifié. D'où la définition vindicative donnée par les militants antimondialistes du Forum international sur la mondialisation: 3. Globalization is the present worldwide drive toward a globalized economie system dominated by supranational corporate trade and banking institutions that are not accountable to democratie processes or national governments12• Il n'est pas besoin de trancher entre la définition économiquement étriquée de l'OMS et celle, grinçante, des antimondialistes; il suffit de constater que leur 9 M. McLuhan, The Gutenberg Galaxy: The Making of Typographie Man, Toronto, Univer- sity of Toronto Press, 1962, 293. ID Glossaire de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), disponible à l'adresse suivante: http:/ /vvww.who.int/trade/glossary/story043/en/index.html (page non disponible en français). u Voir B. Kingsbury et A. Pellet, « Views on the Development of a Global Administrative Law>~, in C. Bories ( dir.), Un droit administratif global ?/A Global Administrative Law?, Actes du Colloque du Centre de Droit international de Nanterre (CEDIN) des 16 et 17 juin 2011, Paris, Pedone, 2012, 11-23. 12 International Forum on Globalization, Analysis, disponible à l'adresse: http:/ /vvww.ifg .org/ analysis.htm. 760 ALAIN PELLET confrontation pose un problème fondamental: peut-on, dans le monde global, concilier les intérêts économiques (privés - puisque, à tort ou à raison, ils sont considérés comme les meilleurs promoteurs du développement), et le respect des normes protectrices de l'ordre public international, à commencer par celles qui garantissent les droits fondamentaux de la personne humaine ? La présente contribution ne permet évidemment pas de couvrir, même cur- sivernent, tout le champ de cette vaste question. Tout au plus peut-elle l'occasion de s'interroger sur la manière dont le droit des investissements en compte le « droit des droits de l'homme » et, inversement, de se demander si et comment celui-ci tient compte des règles de celui-là - étant entendu ces notes cursives ne prétendent nullement à une grande rigueur scientifique moins encore, à l'exhaustivité. uploads/S4/ pellet-2014-investissement-et-droits-de-l-x27-homme-pdf 1 .pdf
Documents similaires
-
12
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 28, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 2.4759MB