Commentaire n°1_ Commentaire du texte extrait du Dictionnaire de droit et de pr
Commentaire n°1_ Commentaire du texte extrait du Dictionnaire de droit et de pratique de Claude-Joseph de Ferrière « La monarchie royale ou légitime est celle où les sujets obéissent aux lois du monarque, et le monarque aux lois de la nature, demeurant la liberté naturelle et propriété des biens aux sujets ». Cette affirmation de Jean Bodin issue de son œuvre principale, Les Six Livres de la République, publiée en 1576 trouve un écho percutant dans cet extrait du Dictionnaire de droit et de pratique de Claude-Joseph de Ferrière. Le Monarque crée, ainsi, des lois que ses sujets doivent suivre. Néanmoins, ces lois sont justes et encouragent le bien commun tant les lois du Prince doivent respecter les préceptes divins, la Loi divine. Cet ouvrage rédigé en 1740 est une analyse et un recueil du droit en vigueur à l’époque pouvant parfaitement correspondre à un manuel d’enseignement du Droit. En cela il constitue un ouvrage doctrinal destiné aux étudiants en droit ainsi qu’un ensemble de conseils intéressant le Monarque afin qu’il promulgue, abroge ou modifie des lois en connaissance de cause. Claude-Joseph de Ferrière est un juriste français du XVIIIème siècle. A l’époque de la rédaction de son Dictionnaire de droit et de pratique il est alors doyen des professeurs de droit de Paris. Son œuvre est inspirée du droit romain et plus spécialement du Corpus Juris Civilis, véritable compilation du droit romain antique, de l’empereur Justinien puisque son père, Claude de Ferrière, étudia notamment le « digeste » et les « novels ». Par ses ouvrages, il se positionne ainsi comme un relai de la connaissance juridique, un ordonnateur du droit positif de son temps plutôt que comme un innovateur législatif. Claude-Joseph de Ferrière vit dans une époque marquée par la monarchie absolue sous le règne de Louis XV, arrière-petit fils du Roi Soleil. Cette période voit croitre l’essor des idées des Lumières bien qu’en 1740 celles-ci n’aient pas encore parasité le système législative et ne cristallisent pas encore toutes les attentions intellectuelles. Cette œuvre de Claude-Joseph de Ferrière se caractérise par une vision très conservative du droit : le droit est dicté par le Prince, celui-ci s’inspirant de la Loi divine. Ses sujets n’ont d’autres choix que de respecter ses lois considérées comme justes et assurant le bien commun. Aussi ce texte se positionne comme une justification de la légitimité législative du Prince, comme une justification de la législation typique de la Monarchie de Droit divin. Cet extrait évoque, en effet, pourquoi seules les lois monarchiques doivent être légitiment respectées par l’ensemble des sujets du royaume. Après avoir prouvé que Claude- Joseph de Ferrière justifie que les lois du Prince respectent les préceptes divins, nous nous intéresserons à étudier son argumentation afin de légitimer la position d’unique législateur du Monarque. I. Le Droit positif, véritable reflet de la Loi divine Claude-Joseph de Ferrière argumente que le bien collectif est l’unique dessein des lois du Prince (A). Puis, il met en évidence l’importance de la Jurisprudence, en tant que science du Droit, celle-ci permettant au Prince de toujours garder à l’esprit la nécessité d’améliorer l’application de ses lois pour le bien de ses sujets (B). A. Le Bien collectif, unique dessein des lois monarchiques Le juriste affirme que le droit de faire les lois est la preuve la plus « éminente de la souveraineté ». Or cette souveraineté du Prince étant offerte par Dieu, ses lois doivent impérativement être en accord avec les préceptes divins, les préceptes de la religion chrétienne, véritable région d’état du XVIIIème siècle. Le droit est censé, en effet, être le reflet de la volonté divine puisque c’est Dieu qui inspire les lois humaines. En cela elles doivent assurer le bien du peuple placé sous l’autorité du monarque. Aucune inégalité ne saurait être justifiée. Ainsi, ces lois devront être uniformes, c’est-à- dire être les mêmes pour tous les sujets, peu importe leurs origines ou leurs conditions sociales. Les lois sont les mêmes en tout point du territoire : nul ne peut échapper à la loi. Deux personnes ayant commis le même délit ou le même crime devraient subir la même procédure législative et le cas échéant recevoir la même sanction. En outre, elles doivent assurer la tranquillité et le bonheur des hommes. Elles règlent les relations et les comportements entre tous les sujets du royaume sans distinction. C’est en cela qu’elles assureront « la tranquillité et […] la félicité de tous [l]es sujets » du Prince. Enfin, le droit pour Claude-Joseph de Ferrière est l’art de pratiquer la Justice. A ce titre, les lois devraient aussi avoir pour rôle majeur et primordial d’éduquer, de contribuer à l’amélioration de la morale propre à chaque sujet du Prince : elles doivent aider chaque sujet à se dépasser. L’auteur de ce dictionnaire ne conseille-t-il pas de mettre en vigueur des lois « salutaires » pour le peuple ? Aussi ont-elles une double mission sociale : d’une part elles ajustent au mieux les relations entre les hommes ; d’autre part elles s’intéressent au for intérieur de chacun. Elles sont motivées par l’élévation morale de chacun. En cela, l’auteur rejoint les recherches de Saint Augustin qui plaçait justement dans le droit la conception d’amélioration morale du sujet. La loi doit préparer à la vie éternelle. L’individu assujetti à la loi est alors forcément encouragé à se dépasser afin d’atteindre une félicité intérieure en accord avec les attentes divines. En d’autres termes : respecter la loi c’est préparer son accès à la vie éternelle. C’est pour que la mort soit véritablement une libération de l’âme, un passage vers cette nouvelle vie que tous les sujets du Prince sont poussés à opter pour l’obéissance de la Loi à travers l’application des lois monarchiques. Suite à cette démonstration du caractère bienveillant des lois promulguées par le Prince, le juriste met en exergue l’importance de la Jurisprudence. B. L’importance de la Jurisprudence Dans la suite de son Dictionnaire de droit et de pratique, Claude-Joseph de Ferrière définit la Jurisprudence comme étant « la science [du] droit ». Dans notre texte, le Prince est alors invité à toujours garder à l’esprit la nécessité d’améliorer cette « science du droit ». En effet, c’est la Jurisprudence qui permettra de savoir si telle ou telle loi est bonne pour le peuple, que telle ou telle ordonnance est juste pour les sujets. La Jurisprudence, en d’autres termes, étudie si la loi nouvelle ou la loi modifiée est en accord avec les attentes divines, si elle procure le bien et si elle est une intervention salutaire pour le peuple. La Jurisprudence doit assurer que la loi ainsi en vigueur est objectivement bonne et moralement source de progrès et ce pour l’ensemble des sujets. Le Prince doit donc veiller à contrôler, surveiller si ces lois sont en accord avec les Lois divines. Nous reconnaissons ici une conception politique très proche de celle de Saint Thomas d’Aquin : le monarque doit être à l’écoute. Le Roi doit suivre les recommandations de ses conseillers, il ne gouverne pas seul. Ce texte en est la preuve. C’est pourquoi cet extrait peut être et doit être considéré comme jurisprudentiel au sens où il est une analyse du droit de son époque, une véritable évaluation scientifique rigoureuse du droit contemporain du roi Louis XV. En cela, le Dictionnaire de droit et de pratique peut être un manuel de conseil destiné au Roi. Ainsi la phrase « ce pouvoir suprême doit toujours avoir en vue de porter la Jurisprudence à une plus grande perfection » pourrait s’interpréter de la manière suivante : le Prince doit veiller à suivre les conseils de ses spécialistes en droit afin de s’assurer que la loi prochainement promulguée soit bienveillante envers son peuple. Claude-Joseph de Ferrière propose, suite à cette démonstration de la bienveillance des lois et donc du respect de la volonté divine, une justification de la légitimité législative du Prince. II. Le Prince le seul législateur sur Terre grâce à Dieu Après avoir justifié que seul le Monarque est apte à créer les lois terrestres (A), l’auteur de ce dictionnaire mettra en lumière qu’à travers le règne du Prince, c’est finalement la gouvernance de Dieu qui prévaut. (B) A. Le Prince unique créateur des lois Claude-Joseph de Ferrière affirme dans ce passage que Dieu a remis le pouvoir de faire les lois au Prince. Le Prince est le seul détenteur de ce pouvoir, personne ne peut promulguer une loi de son propre chef, sans son avis. Cette affirmation est explicitement mentionnée par le juriste : « il n’y a que lui seul qui en puisse dispenser ». Une fois qu’une loi a été promulguée par le Prince, ses sujets doivent la suivre et ce de manière obligatoire, pratiquement de manière automatique. Ils connaissent la loi et doivent donc l’appliquer en conscience. Si le Prince est le créateur de la loi, Dieu en est l’inspirateur ; par-là la loi du Prince est pourvue de l’autorité divine : les sujets n’ont pas d’autres choix que de respecter en conscience cette loi. uploads/S4/ commentaire-droit-dictionnaire-droit-ferriere 1 .pdf
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- Publié le Jan 10, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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