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1 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon CONCOURS ENM 2019 Droit pénal Le choix de la peine pour les personnes majeures La multitude des textes intervenus ces dernières années, ayant vocation à régir le choix de la peine pour les personnes majeures démontre combien une telle décision se caractérise par sa complexité, et se trouve au cœur des préoccupations sociétales et juridiques contemporaines. Se sont ainsi succédées, pour n’en citer que quelques-unes, les lois du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive, du 10 août 2007 instituant les peines planchers, la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation de la peine par le juge, ou encore, plus récemment, la loi de programmation pour la justice du 23 mars 2019. La notion de peine renvoie aux sanctions pénales prononcées par une juridiction de jugement après qu’elle ait reconnu la culpabilité du prévenu ou de l’accusé, en matière criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle. Convoquer la notion de « peine » invite donc à exclure les mesures susceptibles d’intervenir antérieurement au jugement, telles la garde à vue ou la détention provisoire. En revanche, s’interroger sur le choix de la peine impose de dépasser la lettre pour percevoir l’esprit, en incluant au propos les mesures de sûreté. En effet, d’une part, la distinction entre peines et mesures de sûreté est devenue trop ténue pour être fiable, et, d’autre part, certaines mesures de sûreté, à l’instar de la rétention de sûreté, ont pour support nécessaire la peine, dont elles constituent la suite, et en même temps de laquelle elles sont prévues. Seul le « choix » de la peine des personnes majeures doit en outre retenir l’attention. Choisir la peine c’est décider, parmi toutes les possibilités offertes par le législateur, quelle(s) peine(s) sera(ont) applicable(s) aux personnes majeures. Se trouvent ainsi exclues les décisions susceptibles d’intervenir dans la phase de l’exécution de la peine, lesquelles viennent moduler une peine qui a déjà été choisie. Le « choix de la peine » correspond par conséquent à cette seule phase décisionnelle dans laquelle une juridiction répressive détermine la peine qui sera appliquée à une personne majeure, dont la culpabilité a préalablement été déclarée. Longtemps la question du choix de la peine des personnes majeures est demeuré un enjeu essentiellement législatif. En effet, après la proclamation du principe de la légalité criminelle dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (art. 8), les rédacteurs du premier Code pénal de 1791, désireux de rompre avec l’arbitraire judiciaire de l’ancien droit, ont fait de la loi, au sens formel du terme, la source unique, exclusive du droit pénal. Le législateur adopta en conséquence le système des peines fixes qui obligeait le juge à appliquer mécaniquement les peines prévues par la loi au titre de l’infraction commise. Cette application rigoureuse de la légalité allait de pair avec une conception objective de la peine privative de liberté. Suivant cette conception, la peine est rétributive, c’est-à-dire qu’elle représente le tarif que le condamné doit verser à la société pour le crime commis. L’infraction objective se traduisant essentiellement par la production d’un résultat, la peine représente la compensation exacte de ce résultat. Le choix de la peine n’avait alors d’autre ambition que celle de la rétribution, et le législateur en était l’unique l’artisan. Les enjeux du choix de la peine ont pris une ampleur nouvelle avec l’émergence du principe d’individualisation de la peine par le juge et l’assignation de nouveaux objectifs à la peine. En effet, sous l’impulsion d’un subjectivisme pénal prônant l’émergence d’une peine qui serait choisie fonction non plus de l’acte commis mais de la personnalité de son auteur, le choix de la peine a progressivement été délégué au juge par le législateur, et s’est enrichi de multiples possibilités. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’Ecole de la défense sociale nouvelle (Marc Ancel), proposa de permettre au juge d’adapter la peine aux condamnés pour permettre leur réinsertion, c’est-à-dire leur retour à la société. Ces thèses furent très vite relayées par le législateur, qui, entre 1945 et 1994, permis au principe d’individualisation de la peine et à l’objectif de réinsertion de se développer. Lors de l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, en 1994, ce sont ces conceptions que le législateur et le Conseil constitutionnel vinrent consacrer (l’article 132-24 CP fait du principe de l’individualisation judiciaire de la peine un principe directeur du droit pénal, et le Conseil constitutionnel lui confère une valeur constitutionnelle dans une décision du 22 juillet 2005). Mais, si la peine réinsertion, à laquelle la loi du 15 août 2014 a donné une vigueur nouvelle, domine notre droit pénal, elle s’est peu à peu trouvée 2 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon concurrencée par un nouveau visage de la sanction pénale. En effet la dernière décennie a été marquée pour le pénaliste par l’émergence d’un nouveau déterminant du choix de la peine, d’inspiration subjective : l’objectif de neutralisation des condamnés dangereux. Est alors apparue pour la première fois dans notre droit positif une peine ayant vocation à neutraliser les condamnés identifiés comme dangereux en empêchant leur retour à la société (exemples de l’apparition de la perpétuité réelle, ou encore de la rétention de sûreté). Le choix de la peine des personnes majeures s’est ainsi considérablement élargi sous l’influence des subjectivismes social et sécuritaire, en se voyant assigner des enjeux nouveaux puisqu’il est devenu, en même temps que le moyen de la réinsertion, celui de la neutralisation des condamnés les plus dangereux. Toutefois, les possibilités offertes au juge dans le choix de la peine se sont tant diversifiées, au service d’objectifs parfois contradictoires (rétribution, réinsertion, neutralisation), que le terme de cette évolution laisse place à une confusion, laquelle alimente la crainte d’une résurgence de l’arbitraire judiciaire dans le choix de la peine. L’article 130-1 CP définissant les fonctions de la peine révèle d’ailleurs le caractère difficilement conciliable des objectifs assignés au choix de la peine en énonçant que « Afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : 1° De sanctionner l'auteur de l'infraction ; 2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion ». Le choix entre ces orientations, le plus souvent applicables à une même personne - la plus grande partie du contentieux pénal ne résidant pas dans les extrêmes (exemple du voleur récidiviste ou du violeur criminel primaire) - repose sur une évaluation de dangerosité dont la fiabilité est nécessairement sujette à caution. Là, pointe le risque d’arbitraire, lequel peut préjudicier aussi bien au condamné, qu’à la société. Il devient dès lors aisé pour les commentateurs de pointer tantôt une trop large mansuétude, tantôt une excessive rigueur de l’autorité judiciaire. C’est la raison pour laquelle les évolutions les plus récentes intervenues en législation et en jurisprudence tendent à restaurer un encadrement du choix de la peine. Cet encadrement se manifeste, d’une part, à travers l’édiction de nouvelles règles de fond. Dans cette perspective, la loi de programmation pour la justice du 23 mars 2019 a procédé à une restriction substantielle de la liberté du juge dans le choix de la peine en procédant à une réécriture de l’article 132-19 CP, de manière à favoriser le prononcé de peines plus efficaces que les courtes peines d'emprisonnement jugées inutilement désocialisantes et, dans le même temps, d’assurer la pleine exécution des peines d'emprisonnement effectivement prononcées. D’autre part, ont vu le jour de nouvelles exigences de forme entourant le choix de la peine ayant pour objet d’exclure l’arbitraire judiciaire d’une telle décision. La Cour de cassation a ainsi par plusieurs arrêts considérablement renforcé l’exigence de motivation des peines correctionnelles et contraventionnelles (Crim. 29 novembre 2016 (3 arrêts) ; 1er février 2017, 30 mai 2018). Le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue sur question prioritaire de constitutionnalité le 2 mars 2018, a quant à lui exigé des cours d’assises qu’elles motivent leurs verdicts dans leur volet relatif à la peine, exigence relayée par la loi du 23 mars 2019. Il semblerait donc que la crainte l’arbitraire justifie désormais une restauration de l’encadrement du choix de la peine. C’est pourquoi s’interroger aujourd’hui sur le choix de la peine des personnes majeures pose immanquablement le problème de savoir comment concilier la latitude indispensable à l’individualisation de la peine par le juge avec l’exclusion de l’arbitraire. S’il semble acquis depuis de nombreuses années qu’une grande latitude doit être laissée au juge le choix de la peine (I), la nécessaire exclusion de l’arbitraire commande aujourd’hui d’encadrer cette phase décisionnelle (II). I) Le choix de la peine des majeurs, un choix élargi Depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994, le législateur a laissé au juge de plus en plus de latitude dans le choix de la peine. Pour lui permettre d’adapter au mieux ce choix à la personnalité de l’auteur et aux circonstances de l’infraction, il a enrichi les possibilités judiciaires de nouveaux outils destinés à favoriser par cette décision aussi bien la uploads/S4/ penal-dissertation-2019.pdf

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  • Publié le Mai 07, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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