1 Cours TD S2 Théorie Générale de Droit Constitutionnel Pr .BELMAHI Séance 4. 1

1 Cours TD S2 Théorie Générale de Droit Constitutionnel Pr .BELMAHI Séance 4. 19 mars 2020 Chapitre I: La constitution Préambule de la constitution 2011 du Royaume du Maroc Document n° 1. Bastid, P., L’idée de Constitution, 1962, rééd. Economica 1985, p. 186. Chez tous les États nouveaux, il est naturel que l’exercice du pouvoir constituant suscite l’enthousiasme. C’est évidemment la manifestation la plus haute de l’indépendance nationale. Tous les peuples récemment promus à une vie autonome ont échafaudé des constitutions, qui n’ont quelquefois qu’une valeur théorique, mais dont la rédaction atteste devant le monde leur existence. Cet état d’esprit est peu différent de celui des promoteurs du constitutionnalisme moderne qui ont célébré de la même manière l’avènement de leur pays à la liberté. Une foi généreuse et naïve les animait dans la vertu des textes fondamentaux édictés par leurs soins. À d’autres époques encore, nous avons vu réapparaître chez nous la confiance en la valeur des constitutions. Document n° 2. « Constitution », dans De Villiers M., Le Divellec A., Dictionnaire du droit constitutionnel, Sirey, 10e éd., 2015, p. 73-78. La notion qui a donné son nom à la discipline du « droit constitutionnel » est polysémique et peut être appréhendée de diverses manières, qu'il convient d'utiliser de concert. 1. Constitution descriptive Historiquement, en premier lieu, la Constitution a d'abord désigné un certain état de fait, un ensemble d'agencements et de relations par lesquels s'exerçait une domination au sein d'une collectivité humaine quelconque. De ce point de vue, il n'y a pas de société, grande ou petite, publique ou privée, qui n'ait une forme d'organisation de son autorité interne (par exemple, la manière dont ses dirigeants accèdent au pouvoir). On sait ainsi ce que les techniques constitutionnelles et électorales doivent aux pratiques très anciennes des ordres religieux. Essentiellement descriptive, cette notion renvoyait à un certain type d'ordre au sein d'un corps politique. De toutes les sociétés, celle qui a donné ses lettres de noblesse au droit 2 constitutionnel est la société politique organisée sous la forme de l’État moderne, apparu en Europe à partir du XVIe siècle. La Constitution apparaît alors comme la façon dont l’État est effectivement gouverné. On peut, par extension, qualifier la constitution ainsi comprise de « système politique » ou encore de « constitution réelle ». 2. Constitution normative Dans une deuxième approche, la Constitution renvoie à l'idée de contrainte, d'obligation. Elle ne désigne plus exclusivement un état de fait mais un certain ordre qui doit être, qui est censé se produire (même si cela ne correspond pas tout à fait à la réalité). Elle fait alors plus intimement corps avec l'idée de droit, de normativité. Ainsi comprise, la Constitution est un ensemble de règles, principalement (mais non exclusivement) juridiques, écrites ou non, qui prétendent poser un certain type d'organisation politique, énoncer des principes la structurant, créer ou reconnaître des institutions, prescrire des obligations et des procédures. Cette conception repose en grande partie sur l'idée de volonté. Cette idée permet d'imputer le caractère obligatoire d'une Constitution. Cette volonté peut être très évanescente ou très implicite, notamment lorsque la Constitution est vue comme un legs de l'histoire. Ainsi pour une constitution dite « coutumière » comme celle de la Grande-Bretagne : œuvre du temps, façonnée par les traditions, elle n'en comporte pas moins des aspects contraignants pour les gouvernants (qu'il s'agisse de lois écrites votées par le Parlement, ou bien de coutumes, c'està- dire de véritables règles de droit mais non écrites, auxquelles il faut ajouter les « conventions de la constitution », c'est-à-dire des règles politiques précisant la façon dont les organes doivent exercer leurs compétences. Au contraire, la volonté peut être plus explicite et exprimée de façon solennelle. Il était ainsi fréquent, jadis, que la constitution d'un État repose sur un pacte ou un contrat (par exemple, entre le monarque et le peuple ou ses représentants). À l'époque moderne, la constitution est le plus souvent réputée être l'expression de la volonté unique d'un souverain (ainsi notamment de monarques qui, au XIXe siècle, ont octroyé un texte constitutionnel ; de même, en démocratie, le peuple est réputé avoir « voulu » la constitution), que l'on peut appeler le pouvoir constituant. 3. Constitution écrite Divers courants de pensée (notamment le protestantisme, le rationalisme et une certaine pensée démocratique) ont convergé, à partir du XVIe siècle, pour privilégier la mise sous forme écrite des règles constitutionnelles auxquelles on souhaitait donner un caractère obligatoire. L'expérience américaine est ici particulièrement importante : elle a développé l'idée qu'une constitution devait être écrite et même consignée dans un document solennel. C'est ainsi que dès leur fondation au XVIIe siècle, les colonies d'Amérique du Nord puis, en 1787, les États-Unis d'Amérique eux-mêmes, se dotent de constitutions écrites. À partir de 1789, cette idée est reprise en France et va progressivement gagner la plus grande partie de l'Europe puis du reste du monde aux siècles suivants. Aujourd'hui, dans chaque État, de très nombreuses règles constitutionnelles sont écrites. Mais elles n'épuisent pas le sens de la Constitution. 3 4. Constitution matérielle et constitution formelle • Au sens matériel, c'est-à-dire envisagée sous l'angle de sa matière, de son contenu, la constitution désigne l'ensemble des règles juridiques selon lesquelles les gouvernants exercent l'autorité au nom de l'État. Il est délicat de déterminer très précisément le périmètre d'une constitution matérielle. On considère généralement qu'elle inclut les règles gouvernant les institutions politiques ainsi que, dans l'esprit du constitutionnalisme libéral moderne, les droits et libertés essentiels reconnus aux individus (droits de l'Homme, droits fondamentaux). Ces règles peuvent avoir un statut très différent : être écrites ou non, avoir une valeur juridique différenciée (certaines seront juridiquement supérieures à d'autres). Tout État moderne possède une constitution au sens matériel. • Au sens formel (c'est-à-dire envisagée sous l'angle de sa forme), en revanche, la constitution désigne un acte écrit consigné dans un document solennel unique (la Constitution fédérale américaine et la Constitution française actuelle en sont deux exemples ; en revanche, la Constitution du Royaume-Uni n'est pas formelle car si elle comporte, elle aussi, quelques textes écrits, ils ne sont pas rassemblés dans un document unique et l'essentiel des règles de droit constitutionnel britannique sont coutumières ou conventionnelles). Ce document peut porter des noms divers : « constitution », « charte », comme en France en 1814, « statut », ou encore « loi fondamentale » comme en Allemagne depuis 1949. Certains cas sont moins nets : ainsi, la « Constitution » de la IIIe République se composait de trois « lois » (écrites) distinctes, l'une « relative à l'organisation des pouvoirs publics », une autre « relative à l'organisation du Sénat », la dernière « sur les rapports entre pouvoirs publics ». De même, Israël ne possède pas un document unique appelé constitution mais plusieurs « lois fondamentales » écrites adoptées à des dates différentes et réglant des sujets différents (l'organisation du Parlement, le président de l'État, le gouvernement, le budget de l'État, la justice, etc.). Dans la France de la Ve République, le « bloc de constitutionnalité » a peu à peu débordé très largement la Constitution formelle promulguée le 4 octobre 1958. La constitution matérielle et la constitution formelle se correspondent dans une très large mesure. Toutefois, il n'y a jamais identité totale entre elles : outre des règles non écrites, de nombreuses règles écrites matériellement constitutionnelles sont placées en dehors de la constitution formelle (ainsi, par exemple, les règles relatives à l'élection des députés et sénateurs en France sont consignées dans des lois organiques et ordinaires). À l'inverse, il arrive que soient intégrées dans une constitution formelle des dispositions dont l'objet n'est manifestement pas constitutionnel. Ainsi, par exemple, la Constitution fédérale suisse de 1874 contenait-elle depuis 1893 un article interdisant de « saigner les animaux de boucherie sans les avoir étourdis préalablement ». La tendance contemporaine est de multiplier les dispositions de détail dans les constitutions écrites, même si leur objet n'est pas matériellement constitutionnel. 5. Constitution souple (ou flexible) et constitution rigide 4 Il convient de souligner que, contrairement à une erreur répandue, la constitution formelle ne possède pas toujours une valeur juridique supérieure aux autres règles de droit dans un ordre juridique donné. Certaines constitutions formelles peuvent être qualifiées de « souples » (ou « flexibles »), parce qu'une simple loi suffit en principe à les modifier. Tel était par exemple le cas des Chartes constitutionnelles françaises de 1814 et 1830, ou encore du Statut Albertin italien de 1848. À l'inverse, sont qualifiées de « rigides » les constitutions qui ne peuvent être modifiées que par une loi spéciale, adoptée selon des exigences différentes de celles imposées aux lois ordinaires (on parle alors de loi constitutionnelle au sens formel). Ce type de constitution est le plus répandu aujourd’hui dans le monde. (Il existe quelques cas, rares, de pays dans lesquels la constitution est essentiellement souple, mais comporte certaines dispositions « rigides », comme en Nouvelle-Zélande). L'idée fondamentale des constitutions rigides est la volonté de faire échapper les règles essentielles d'un État aux caprices des gouvernants d'un uploads/S4/ pr-belmahi-siham-cours-s2-td-theorie-generale-de-droit-constitutionnel.pdf

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  • Publié le Jui 29, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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