PRÉFACE Pourquoi un traité du droit international de la mer ? Et pourquoi un tr
PRÉFACE Pourquoi un traité du droit international de la mer ? Et pourquoi un traité en français ? Ce sont les questions qui surgissent immédiatement devant cet imposant volume. L’utilité d’un examen détaillé et systématique du droit international de la mer, ce que l’idée même de traité suggère, me paraît évidente. Le droit international de la mer a fait l’objet d’interminables efforts de codification couvrant, avec des courtes interruptions, un demi-siècle, de la conférence de la Société des Nations de 1930 à la conclusion de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer en 1982. A la suite de ce processus, la communauté internationale se trouve maintenant dotée d’un instrument de base, d’un point de référence incontournable pour toute question de droit de la mer. Cet instrument est la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, entrée en vigueur en 1994. Elle est aujourd’hui obligatoire pour 168 Etats, y compris l’Union européenne et même les Etats qui n’y sont pas parties, comme notamment les Etats-Unis, s’y réfèrent régulièrement. Un traité du droit international de la mer – trente-cinq ans après l’adoption de la Convention et plus de vingt ans après son entrée en vigueur – se doit de ne pas se limiter à un examen approfondi de ce texte. Une pratique étendue des Etats et des cours et tribunaux internationaux requiert maintenant que l’analyse des questions de droit international de la mer s’étende au-delà de la Convention. Une jurisprudence abondante donne une perspective nouvelle à l’étude du droit international de la mer. Elle provient non seulement des organes prévus par la Convention, la Cour internationale de Justice, le Tribunal international du droit de la mer et les tribunaux arbitraux mentionnés à l’annexe VII, mais aussi d’autres cours et tribunaux internationaux, notamment la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour et le Tribunal de première instance de l’Union européenne, et de nombreuses institutions judiciaires internes. De plus, de nouveaux instruments internationaux sont venus s’ajouter à la Convention – souvent liés à celle-ci par des références croisées et par l’emprunt par ces nouveaux instruments des mécanismes de règlement des différends prévus par la Convention. Au nombre des instruments internationaux récents qu’on ne peut oublier se trouvent également les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies au titre du chapitre VII de la Charte, notamment en matière de piraterie et de transport par mer d’armes de destruction massive. En outre, les Etats – et l’Union européenne – se sont rendus compte des implications des obligations prévues par la Convention pour le droit interne. Dans la plupart des Etats s’est développé ainsi un réseau complexe de lois, © Editions A. Pedone I.S.B.N. 978-2-233-00850-3 PRÉFACE 4 règlements, pratiques administratives, dont la compatibilité avec la Convention peut quelquefois faire l’objet de doutes. Tous ces développements indiquent que la Convention reste au centre du droit international de la mer mais qu’elle n’est point isolée. L’examen de n’importe quelle question de droit international de la mer doit aujourd’hui faire appel à une multitude de sources internationales et internes, y compris de l’Union européenne. Cela vaut pour ce qui est de l’examen scientifique du droit international de la mer, qu’il est devenu absurde de considérer comme un système se suffisant à lui-même (self contained regime). Cela vaut d’autant plus pour l’application pratique et judicaire de ce droit dans l’optique de laquelle aux questions surgissant de la pluralité de sources de droit matériel s’ajoutent celles concernant la compétence et les conflits de compétence qui surgissent de la pluralité des règles sur la solution des différends et de la pluralité de cours et tribunaux internationaux. Un traité qui envisage le droit international de la mer dans cette perspective, un traité de la post-codification, est aujourd’hui une entreprise scientifique nécessaire et utile dans une perspective pratique et non seulement académique. Le droit international de la mer intéresse de plus en plus non seulement les praticiens du droit international public qui voient se multiplier les affaires portant sur cette branche du droit, mais aussi les praticiens agissant devant les juridictions internes, de l’Union européenne ainsi que des droits de l’homme. Mais pourquoi un traité en langue française ? L’anglais – on ne saurait le cacher – est devenu la langue la plus utilisée dans les négociations et les différends internationaux, ainsi que celle qu’utilisent la plupart des auteurs dont la langue maternelle n’est pas l’anglais et qui s’occupent de droit international. Et c’est en anglais que sont rédigés les deux ouvrages collectifs concernant le droit de la mer les plus récents : le Oxford Handbook of the Law of the Sea paru en 2015 et le Commentaire de la Convention du droit de la mer dirigé par Alexander Proellss paru en 2017. Cela nonobstant, ou peut-être à cause de cela, il est important que la doctrine du droit de la mer, française ou non, continue à utiliser le français. Il y a là une nécessité juridique et une nécessité de tradition doctrinale. La nécessité juridique réside dans le fait que la convention des Nations Unies sur le droit de la mer a un texte français qui fait foi, comme le texte anglais et ceux dans les autres langues officielles des Nations Unies. Souvent l’analyse comparée des textes dans les différentes langues officielles porte à l’éclaircissement de leur signification. En outre, le français est langue officielle de la Cour internationale de Justice et du Tribunal international du droit de la mer. Il serait regrettable que les juges et les plaideurs ne puissent puiser pour leur préparation dans des ouvrages complets et à jour dans la langue qu’ils sont en droit d’utiliser dans leurs délibérations et plaidoiries. © Editions A. Pedone I.S.B.N. 978-2-233-00850-3 TRAITÉ DE DROIT INTERNATIONAL DE LA MER 5 La nécessité dérivant de la tradition culturelle est, à mon avis, encore plus importante. C’est en français qu’est rédigé le monumental Droit international public de la mer de Gilbert Gidel, l’ouvrage qui a dominé la doctrine dans la période entre la conférence de la Haye de 1930 et celle de Genève de 1958. C’est en français que René-Jean Dupuy et Daniel Vignes invitèrent un groupe international et multilingue d’auteurs, la plupart desquels avaient participé à la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, à contribuer au Traité du droit international de la mer, paru en 1985. La littérature en français sur le droit international de la mer a été florissante au cours des décades suivant l’adoption de la Convention de 1982. On ne saurait oublier, parmi d’autres ouvrages, l’imposant (et malheureusement inachevé) livre de Laurent Lucchini et Michel Voelkel sur Le droit de la mer dont trois volumes sont parus entre 1990 et 1996 et les travaux pour la plupart en français de l’Association internationale du droit de la mer, fondée par Daniel Vignes, et de l’Institut du droit économique de la mer de Monaco, fondé par Laurent Lucchini et aujourd’hui animé par Annick de Marffy-Mantuano. La publication d’un traité du droit international de la mer de nouvelle génération, dirigé par des spécialistes reconnus du droit international, mais qui n’ont pas vécu l’expérience de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, est ainsi un développement naturel et opportun. Et il est aussi naturel et opportun que l’équipe réunie pour la rédaction des chapitres soit composée pour la plupart de jeunes chercheurs et universitaires français, mais sans exclure quelques autorités des générations les moins jeunes et un bon nombre de collaborateurs non-français et non-francophones. Le résultat des efforts de Mathias Forteau et Jean-Marc Thouvenin et de leur équipe est un Traité de droit international de la mer qui correspond aux nécessités d’un temps où la Convention de 1982, tout en restant au centre du système, coexiste avec d’autres instruments portant sur le droit de la mer, avec une pratique de plus en plus abondante et qui voit un enchevêtrement avec d’autres secteurs du droit international. Le lecteur de ce Traité y trouvera les analyses nécessaires de la Convention ; il y trouvera une attention privilégiée aux aspects institutionnels concernant non seulement les institutions établies par la Convention, mais aussi d’autres institutions ayant un rôle dans le droit de la mer. Au nombre de celles-ci, l’Union européenne fait l’objet de développements particulièrement détaillés. Les reflets sur le droit interne (il n’était pas possible de s’aventurer dans un examen comparé étendu) sont limités à un chapitre exemplaire sur la France. Les sujets les plus actuels, et non envisagés par la Convention de 1982, tels que le régime des ressources génétiques des mers au- delà des limites de la juridiction nationale, l’impact des changements climatiques, l’acidification des océans, font l’objet de beaucoup d’attention dans les différents chapitres du Traité. Dans une partie finale le lecteur trouvera un examen détaillé – ce qui est nouveau dans les ouvrages généraux sur le droit international de la mer – des rapports entre le droit international de la mer et d’autres branches du droit international : le maintien de uploads/S4/ presentation-du-traite-du-droit-de-la-mer.pdf
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- Publié le Fev 15, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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