Neptunus, e.revue Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes,
Neptunus, e.revue Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, vol. 22, 2016/1 www.cdmo.univ-nantes.fr LES SPÉCIFICITÉS DU RÉGIME JURIDIQUE DES PORTS DE PLAISANCE Robert RÉZENTHEL Docteur en droit Avocat au barreau de Montpellier Chargé de cours de droit portuaire dans les Universités Si les ports de commerce font partie des infrastructures de transport, ce n'est pas le cas pour les ports de plaisance. La vocation des premiers consiste à accueillir des navires de commerce et à permettre leur chargement et déchargement, tandis que les ouvrages affectés à la navigation de plaisance ont pour finalité le développement du tourisme ainsi que la pratique des loisirs et des activités sportives nautiques. Il n'est pas envisageable de soumettre tous les ports maritimes et fluviaux à un même régime juridique1 pour diverses raisons que nous allons exposer. Ce n'est d'ailleurs pas une situation exceptionnelle, les infrastructures de transport, les entreprises industrielles, les salles de spectacles et les équipements sportifs... ont leurs spécificités, chaque catégorie est soumise à un régime juridique particulier, lequel connaît souvent des variantes pour tenir compte de la taille et de la nature de l'activité en cause. On ne gère pas un grand aéroport international comme un aéroclub de province. En France, les conditions d'aménagement et de gestion des ports de plaisance sont distinctes de celles des ports de commerce et de pêche. Même si le terme « usager » est utilisé pour désigner les personnes et entreprises bénéficiant des services publics, la particularité des plaisanciers fréquentant les ports de plaisance est qu'ils ont la qualité de consommateur2, c'est-à-dire qu'ils sont protégés par le droit de la consommation, ce qui n'est pas le cas des usagers des ports de commerce et de pêche puisque ce sont des professionnels. I – Le régime juridique des ports La notion de port est rarement définie en droit national. Lorsqu'une définition est donnée, elle présente rarement un intérêt pratique. Au niveau international, la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer se borne à mentionner les systèmes portuaires3. Une définition très superficielle du port résulte d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, selon cette décision : « la notion de port comprend des infrastructures, même de faible importance, dont la fonction est de permettre l’embarquement et le débarquement des marchandises ou des personnes transportées par mer »4. La Convention de Genève du 9 décembre 1923 portant statut international des ports maritimes ne concerne que les ports de commerce. La question s'est posée sur le littoral du Languedoc-Roussillon de savoir si le port de plaisance « Port Marianne » réalisé sur le territoire de la commune de Montpellier et relié à la mer par un cours d'eau qu'il a fallu rendre navigable était un port maritime ou fluvial. Le Conseil d'État a écarté l'application de la Convention de Genève et a considéré qu'un port de plaisance était maritime s'il était implanté dans la circonscription de l'administration des affaires maritimes5. Le port peut être administré dans sa totalité par une seule entité, toutefois la loi permet qu'une collectivité 1 « Plaisance : des ports pas comme les autres » R. Rézenthel, DMF 2006 p. 249. 2 TGI Narbonne 8 octobre 1998, M. H. Maris c/ Régie du port de Leucate, DMF 1999 p. 579 note R. Rézenthel ; « Plaisance et droit de la consommation » R. Rézenthel, DMF 2004 p. 1047 ; Cass. 1 ère ch civ. 8 décembre 2009, M. X… c/ Société Port Deauville, pourvoi n° 08-20413 (application du droit de la consommation au paiement des redevances portuaires) – DMF 2010 p. 83 note R. Rézenthel. 3 Art. 11 de la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer. 4 CJCE 9 mars 2006, Commission c/ Espagne, aff. n° C-323/03 point 33. 5 Avis CE sect trav publ 7 et 14 janvier 1992, dossier n° 348.015. territoriale puisse assurer la gestion d'une partie individualisable « d'un seul tenant » et sans enclave d'un port6. C'est ainsi que le vieux port de Marseille affecté à la plaisance et le port de plaisance des Minimes sont respectivement administrés par des collectivités territoriales et non par les grands ports maritimes à proximité desquels ils se trouvent. En matière fiscale, le Conseil d'État a considéré que la notion de port de plaisance concernait « non seulement les ports qui sont entièrement affectés à l'accueil de bateaux de plaisance et dont la gestion fait l'objet de "concessions de port de plaisance", mais aussi les ensembles d'installations, équipements et outillages portuaires qui, dans un port principalement destiné au commerce ou à la pêche et géré selon le régime de la "concession d'outillage public", seraient affectés à ce même accueil »7. Les ports de plaisance ont été les premiers à faire l'objet d'un transfert de compétence de l'État au profit des communes8. Le législateur a estimé qu'ils ne présentaient pas une préoccupation d'intérêt national. La second étape de la décentralisation en matière portuaire a offert la possibilité pour les collectivités gestionnaires de port de plaisance d'en obtenir le transfert de propriété à titre gratuit9. Cependant, il est apparu que certaines collectivités territoriales n'étaient pas en mesure d'assumer la gestion des ports qui leur avait été transférée, le législateur a donc permis un transfert des ports départementaux au profit de la région10 ou une autre collectivité territoriale ou un groupement de collectivités11. La décentralisation en matière portuaire montre que le législateur qui a défini le domaine public peut en transférer la propriété à d'autres personnes publiques. Actuellement, l'inaliénabilité de ce domaine ne vaut aujourd'hui en France qu'à l'égard des personnes de droit privé. D'ailleurs, même dans cette dernière hypothèse, la loi permet le déclassement du domaine public pour faire entrer les biens immobiliers en cause dans le domaine privé, lequel est cessible. II – Le service public portuaire Indépendamment de la circonstance que les activités portuaires s'exercent, pour la plupart d'entre elles, sur le domaine public, il est de jurisprudence constante qu'en France l'exploitation d'un port constitue une mission de service public. Toutefois, il convient d'observer que toute occupation du domaine public n'implique pas l'existence d'un service public, c'est le cas par exemple pour les commerçants sur les marchés ou des chauffeurs de taxi exerçant leur profession sur le domaine public routier. Les principaux ports de commerce ont été classés dans la catégorie des ports d'intérêt majeur en cas de crise grave ou de guerre12. Ce régime a été supprimé et désormais ces ports sont soumis aux mesures de protection des installations d'importance vitale pour la nation13. Ainsi, le service public se rapportant à la gestion des ports de commerce peut difficilement être supprimé. Ce n'est pas le cas pour les ports de plaisance dont l'exploitation est qualifiée par la jurisprudence de mission de service public à caractère industriel et commercial14 et qui ne présente pas de caractère stratégique au regard de la défense nationale et de la protection des populations en cas de crise grave ou de guerre. La gestion d'un port de plaisance ne relève pas d'un service public obligatoire. En effet, la jurisprudence considère que cette activité n'est pas utile à l'ensemble des habitants d'une commune et que celle-ci n'a pas l'obligation d'en supporter les charges de gestion 15 . L'assouplissement jurisprudentiel du principe 6 Art. 30-II de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 modifiée. 7 CE 23 avril 1997, CCI de Nice Côte d'Azur, req n° 157850 à 157852. 8 Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 modifiée. 9 Art. 30-X de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 modifiée. 10 Art. 30-V de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 modifiée. 11 Art. 22 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015. 12 Décret n° 91-338 du 5 avril 1991. Un arrêté du Premier ministre du 7 septembre 1993 (JO 11 septembre 1993 p. 12735). 13 Art. L 1332-1 et suiv. et art. R 1332-1 et suiv du code de la défense. 14 CE 13 décembre 2002, société international sporting yachting club de la mer (ISYCM), req n° 248591 ; CE 25 février 1998, Préfet deHaute-Corse, req n° 168726. 15 CAA Marseille 30 avril 2013, commune de La Ciotat, req n° 12MA02656. d'intangibilité des ouvrages publics a donné lieu à un arrêt du Conseil d'État estimant16 que le juge administratif pouvait ordonner la démolition d'un port de plaisance construit dans des conditions illégales, dès lors que l'ouvrage n'était pas indispensable à l'exercice de la navigation de plaisance. Pour la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la gestion d'un port ne constitue pas obligatoirement une activité d'intérêt économique général17, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas toujours d'une activité relevant de l'autorité de l'État ou soumise obligatoirement à un étroit contrôle d'une personne de droit public. Si les ports de plaisance ont un poids économique important, ils ne représentent toutefois pas un enjeu national, au même titre que les ports de commerce et de pêche. III – L'aménagement des ports de plaisance Au regard du droit uploads/S4/ rezenthel-ports-de-plaisance-pdf 1 .pdf
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- Publié le Jan 23, 2021
- Catégorie Law / Droit
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