LA RESPONSABILITÉ DU CHEF DE L'ÉTAT Brèves observations comparatives Francis De
LA RESPONSABILITÉ DU CHEF DE L'ÉTAT Brèves observations comparatives Francis Delpérée Presses Universitaires de France | « Revue française de droit constitutionnel » 2002/1 n° 49 | pages 31 à 41 ISSN 1151-2385 ISBN 9782130527893 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2002-1-page-31.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Le juriste qui prend position dans ce contexte est aussitôt rangé dans le camp de l’un des protagonistes. Il risque, du même coup, d’être dis- qualifié sur le plan scientifique. Sans compter qu’il ne sera guère malaisé de lui opposer l’avis en sens contraire d’un autre expert. Pour peu que le juriste fasse preuve de prudence et émette une appréciation nuancée, il se voit, cette fois, reprocher sa pusillanimité. Il entend se situer au-dessus de la mêlée. Ses détracteurs l’accusent de noyer le poisson. Pauvre constitutionnaliste… Mais que dire alors du juriste étranger qui s’est prévalu, en toute naïveté, de sa qualité d’ami de toujours pour prendre, à son tour, parti? Il s’attire, lui, de doubles foudres. Il est accusé de tous les maux. Il est récusé d’office. De quoi se mêle cet intrus? La Belgique, mais le discours serait identique pour d’autres États, n’a-t-elle pas assez de problèmes institutionnels comme cela? Seule une réflexion dans l’espace national a droit de cité. J’accorde trop de prix aux études comparatives pour accepter ce type d’ukase. Je sais, par métier, qu’il y a des traditions constitutionnelles communes à l’échelle européenne. Qu’ils le veuillent ou non, tous les systèmes nationaux en portent trace. L’exception française n’est parfois que le masque de l’ignorance. Elle exprime, de manière subtile, le refus de regarder ultra muros. Elle peut traduire une difficulté à comparer, à confronter et à échanger les expériences institutionnelles. Lorsque les directeurs de la Revue m’ont demandé de rédiger quelques observations sur la responsabilité du chef de l’État, je n’ai pas cru devoir me dérober à leur invitation. La question est sans doute au cœur du © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 18/04/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.47.133.48) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 18/04/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.47.133.48) 32 Francis Delpérée débat français. Elle y est matière de choix pour les plus hautes juridic- tions. Mais, comment ne pas le souligner d’emblée?, le problème n’est pas spécifique à la Ve République. Il se pose, sinon dans les mêmes termes, du moins avec la même intensité, dans d’autres États européens. Pendant près d’un siècle et demi, le chef de l’État a été considéré comme une autorité et, souvent même, comme une personnalité qui méritait de rester hors débat. Cette époque est révolue. Le voici aujour- d’hui au cœur de la mêlée. Ici, c’est l’institution qui est mise en cause – à l’heure de la démo- cratie, la monarchie n’est-elle pas passée de mode? Là, c’est la personne du chef de l’État qui est contestée – l’hérédité procure-t-elle toujours de bons résultats? Le peuple ou ses représentants ont-ils fait le bon choix? Là encore, ce sont les agissements du chef de l’État qui sont livrés à la vindicte publique et soumis à l’attention du juge – pourquoi celui-ci ne rendrait-il pas sur-le-champ un verdict, sous forme d’une condamnation pénale ou civile? Parfois même, le débat débouche sur le terrain de la morale politique, mais, ici comme ailleurs, les conseilleurs ne sont pas les payeurs – la déontologie n’exige-t-elle pas que le Roi abdique ou que le Président se retire? Ces interrogations sont monnaie courante. Elles peuvent alimenter le dernier jeu à la mode, celui qui est pratiqué dans les salons, dans les offi- cines de parti ou sur les plateaux de télévision. La règle est simple. Il s’agit de mettre en cause, d’une manière ou d’une autre, le chef de l’État. Il faut se prononcer illico sur sa responsabilité, pour ce qu’il a fait ou pour ce qu’il aurait dû faire. Mieux encore, il faut essayer d’obtenir d’un juge, et spécialement du juge répressif, un résultat qu’il n’a pas été possible de réaliser par la voie politique. Bref, l’objectif est d’éliminer celui qui, à un moment ou à un autre, peut apparaître comme « le maillon faible ». Voire « le maillon fort », celui que ses amis, mais y a-t-il des amis en politique?, souhaitent écar- ter parce qu’il leur fait de l’ombre. Faut-il entrer dans cette logique éliminatoire? Convient-il plutôt d’analyser les réalités institutionnelles à l’échelle européenne et de rap- peler quelques-unes des règles qui commandent traditionnellement le statut du chef de l’État? L’exercice, j’en conviens aisément, a une portée limitée. Ce qui se fait ailleurs ou ce qui se fait depuis toujours n’est pas nécessairement bon. Il y a peut-être lieu de procéder, en cette matière comme en d’autres, à un aggiornamento institutionnel. Mais, au moins, faut-il savoir dans quel contexte le débat mérite d’être ouvert et quelles solutions d’autres États européens retiennent ou préconisent. Des mythes institutionnels circulent. Les rois, y compris ceux d’Eu- rope, disposeraient, dit-on, d’une immunité absolue pour leurs faits et gestes. Les présidents, eux, devraient être traités dans une société égali- taire comme de simples citoyens. Pourquoi, dans ces conditions, faire un © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 18/04/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.47.133.48) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 18/04/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.47.133.48) La responsabilité du chef de l’État 33 sort particulier au Président de la République française? Pourquoi lui bâtir un statut privilégié qui rappellerait peu ou prou celui des monarques d’ancien ou de nouveau régime? Ces quelques lignes ont pour objet de montrer que le point de départ du raisonnement est erroné et que les réalités institutionnelles sont plus nuancées qu’on ne le dit. Il est exact que le roi et le président disposent d’un statut distinct (I). Mais il est tout aussi vrai que, dans la plupart des États européens, ils bénéficient tous deux d’un statut proche au regard de l’action répressive et de l’action civile (II). Les légendes dussent-elles être contredites, il faut convenir que les ressemblances l’emportent largement sur les différences et que, sur ce point, en tout cas, la France ne fait pas cavalier seul. Sans s’en apercevoir, l’Europe des chefs d’État se construit. I – LE STATUT DISTINCT DU ROI ET DU PRÉSIDENT Les monarchies et les républiques vivent sous des régimes, et même selon des rythmes, différents. Un chef d’État désigné par le procédé de l’hérédité ne peut revendiquer les mêmes attributions qu’un président choisi, de manière directe ou médiate, par le corps électoral. Certes, il y a place, selon l’expression consacrée, pour des républiques couronnées ou pour des monarchies républicaines. Les réalités politiques peuvent aussi gommer quelques-unes des différences inscrites dans les constitutions. Il n’empêche. Le statut personnel qui revient au chef de l’État n’est pas, en tout point, comparable dans l’un et l’autre systèmes. A – L’ATTRIBUTION DE LA FONCTION La monarchie s’inscrit, par définition, dans la continuité1. Le roi n’est qu’un dans une lignée. La continuité se comprend de manière fonctionnelle La fonction royale s’exerce à vie. Au surplus, les règles de succession au trône ont cette finalité précise : éviter le vide du pouvoir. Mise à part la période de l’interrègne, qui est requise pour assurer l’installation du nouveau roi et pour entendre sa prestation de serment – « je jure d’observer la Consti- tution… » –, l’adage reste d’application. Le roi est mort, vive le roi. La continuité s’entend aussi de manière plus personnelle – on serait tenté d’écrire : plus physique. En cours de règne, la personne du roi est 1. La monarchie est l’expression tangible de la pérennité de l’État (F. Delpérée, « Six monarques à Maastricht », Le Monde des débats, février 1993). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 18/04/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.47.133.48) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 18/04/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.47.133.48) 34 Francis Delpérée mise à l’abri des uploads/S4/ rfdc.pdf
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- Publié le Aoû 25, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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