Février 2016 Un droit pour l ’innovation et la croissance Sophie Vermeille Math
Février 2016 Un droit pour l ’innovation et la croissance Sophie Vermeille Mathieu Kohmann Mathieu Luinaud www.fondapol.org Un droit pour l’innovation et la croissance Sophie Vermeille Mathieu Kohmann Mathieu Luinaud 4 La Fondation pour l’innovation politique est un think tank libéral, progressiste et européen. Président : Nicolas Bazire Vice Président : Grégoire Chertok Directeur général : Dominique Reynié Présidente du Conseil scientifique et d’évaluation : Laurence Parisot La Fondation pour l’innovation politique publie la présente note dans le cadre de ses travaux sur la croissance économique. 5 Fondation pour l’innovation politique Un think tank libéral, progressiste et européen La Fondation pour l’innovation politique offre un espace indépendant d’expertise, de réflexion et d’échange tourné vers la production et la diffusion d’idées et de propositions. Elle contribue au pluralisme de la pensée et au renouvellement du débat public dans une perspective libérale, progressiste et européenne. Dans ses travaux, la Fondation privilégie quatre enjeux : la croissance économique, l’écologie, les valeurs et le numérique. Le site www.fondapol.org met à disposition du public la totalité de ses travaux. Sa nouvelle plateforme « Data.fondapol » rend accessibles et utilisables par tous les données collectées lors de ses différentes enquêtes et en plusieurs langues, lorsqu’il s’agit d’enquêtes internationales. Par ailleurs, notre média « Trop Libre » offre un regard quotidien critique sur l’actualité et la vie des idées. « Trop Libre » propose également une importante veille dédiée aux effets de la révolution numérique sur les pratiques politiques, économiques et sociales dans sa rubrique « Renaissance numérique ». La Fondation pour l’innovation politique est reconnue d’utilité publique. Elle est indépendante et n’est subventionnée par aucun parti politique. Ses ressources sont publiques et privées. Le soutien des entreprises et des particuliers est essentiel au développement de ses activités. 6 7 Résumé Après une longue période de rattrapage économique entamée après la Seconde Guerre mondiale, la France se trouve aujourd’hui à la frontière technologique dans de nombreux secteurs de son économie. Pourquoi l’économie française semble-t-elle autant à la traîne dans les divers classements des économies les plus innovantes ? Pourquoi peine-t-elle autant à transformer le fruit de sa recherche fondamentale, dont elle est exportatrice nette, en applications industrielles créatrices de croissance ? Il existe aujourd’hui un risque important que les « institutions » (Douglass North) propres à l’économie française, dépassées par le temps, ne soient plus en phase avec les besoins d’une économie moderne tributaire de sa capacité à innover. Pour pouvoir renouer avec une croissance continue dans le futur, la France doit se doter des moyens qui lui permettront de franchir la frontière technologique atteinte par les acteurs de son économie. Malheureusement, le droit et la politique économique de la France sont trop souvent dans les mains d’un pouvoir politique sans boussole, avec pour conséquence une insécurité juridique et un manque d’adaptation plombant le potentiel dont dispose le droit pour devenir un élément facilitateur dans une économie de l’innovation. Aussi, la réforme de ses institutions est un des plus grands défis auxquels la France a à faire face. Malheureusement, la prise de conscience de l’ampleur de cet enjeu est aujourd’hui encore trop faible. Nous dressons ici six constats qui permettent d’articuler notre raisonnement et de présenter des pistes d’orientation pour refaire du droit en France un outil au service d’une économie prête à affronter les innovations et les enjeux technologiques de demain. 8 9 Introduction « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » Montesquieu 1 L’économie française se trouve aujourd’hui dans une période charnière. Après une longue phase de rattrapage économique entamée après la Seconde Guerre mondiale, la France se trouve aujourd’hui à la limite technologique dans un grand nombre de secteurs de son économie. Franchir cette frontière en basculant vers une phase d’innovations radicales est une des clés qui permettrait à la France de renouer avec une croissance continue pour les années à venir. Cette étape offrirait à la France et à ses acteurs économiques la possibilité de tirer pleinement profit des révolutions technologiques en cours. Néanmoins, et malgré une part de R&D publique relativement plus importante que dans d’autres pays contribuant à un niveau de recherche fondamentale de pointe, la France peine à franchir cette frontière 1. De l’esprit des lois, 6e partie, livre XXIX, chap. XVI, 1748. Un droit pour l’innovation et la croissance Sophie Vermeille Présidente de Droit & Croissance, avocate, chercheuse au laboratoire d’économie du droit de l’université Panthéon-Assas et enseignante à HEC Mathieu Kohmann Membre de Droit & Croissance, diplômé de Sciences Po Paris (Campus franco-allemand ; Princeton University) et étudiant en master droit économique (Sciences Po ; Stanford Law) Mathieu Luinaud Membre de Droit & Croissance, diplômé de Sciences Po Paris et de l’École polytechnique (MX2013), et diplômé en droit (université Panthéon-Assas et University of Pennsylvania) fondapol | l’innovation politique 10 technologique. Elle connaît en particulier des difficultés lorsqu’il s’agit de transformer le fruit de cette recherche en applications industrielles créatrices de croissance, ce qui explique que sa balance commerciale ne cesse de se dégrader alors qu’elle possède une balance technologique positive. Ces difficultés expliquent également qu’en 2015 2 la France était classée au douzième rang des pays de l’Union européenne en matière d’innovation, appartenant désormais au groupe des « suiveurs » de l’innovation, alors qu’elle occupait la onzième place en 2013. Ces difficultés traduisent également la faible adaptation des institutions françaises aux nouvelles exigences d’une économie de l’innovation et aux moyens d’y remédier. On entend ici par « institutions » la définition retenue par l’économiste Douglass North, soit l’ensemble des lois, règles écrites, contraintes informelles ainsi que les instruments qui conduisent à contrôler l’application et à sanctionner le non-respect de ces lois, règles et contraintes. Il existe un risque que ces institutions propres à l’économie française, et qui n’ont guère évolué depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, empêchent le pays de franchir la frontière technologique atteinte par ses acteurs économiques. En dépit d’une lente évolution au cours des vingt dernières années, les institutions françaises ne sont plus en phase avec les nécessités d’une économie moderne tributaire de sa capacité à innover. Or, comme le démontre le débat récent sur les différents services de la société Uber, le droit peut avoir une influence significative non seulement sur la capacité des entreprises ou des entrepreneurs à innover, mais aussi sur la protection de rentiers d’innovations passées et sur le taux de diffusion de nouvelles innovations dans une économie. La raison principale des insuffisances des institutions françaises, en particulier du droit français, n’est pas tant liée à son héritage napoléonien – le Code civil – souvent opposé de manière artificielle à la common law, qu’au fait que le droit français a manqué le virage du réalisme juridique. En effet, au cours du xixe siècle, les juristes français, contrairement aux juristes d’autres pays, ont continué à construire leur droit de manière autonome et abstraite, multipliant les typologies et les qualifications juridiques déconnectées des réalités économiques et dépourvues de considérations pour les enseignements que d’autres disciplines académiques auraient pu apporter au droit, comme les sciences économiques en premier lieu. Une des conséquences de cet immobilisme de la discipline juridique française est que, trop souvent, le législateur français ne raisonne pas suffisamment en 2. Commission européenne, Tableau de bord de l’Union de l’innovation 2015, 2015, p. 31. Un droit pour l’innovation et la croissance 11 termes d’efficacité ou de maximisation des richesses pouvant être produites dans une économie lorsqu’il décide de créer ou de réformer des lois. Pourtant, pour les économistes, le fait de vérifier qu’une règle de droit est efficace et maximise le bien-être social est une étape indispensable, devant précéder toute réflexion politique sur la répartition des richesses éventuellement créées dans une économie. Force aussi est de constater que les pouvoirs politiques français préfèrent réformer à petits pas, sans se préoccuper de la cohérence de l’ensemble des mesures individuelles mises en place pour réguler l’activité économique sur le territoire et sans adopter une perspective de long terme sur les capacités que le pays doit développer afin de favoriser la transformation de ses industries ainsi que l’émergence et l’exploitation d’innovations sur son territoire. Ainsi, le droit est dans les mains d’un législateur sans boussole et devient la source d’une insécurité juridique perpétuelle qui plombe le potentiel du droit français à devenir un véritable facilitateur d’une économie de l’innovation. Dans cette note, nous dressons six constats qui permettent d’articuler notre raisonnement et de présenter des pistes d’orientation pour refaire du droit en France un outil au service d’une économie prête à faire face aux innovations et aux enjeux technologiques de demain : 1er constat : La France se trouve aujourd’hui face à une frontière technologique qu’elle ne parvient pas à franchir. Il est urgent qu’elle favorise l’émergence d’innovations radicales et permette aux acteurs économiques nationaux de transformer les opportunités et la valeur créées par les innovations radicales. 2e constat : Étant désormais proche de la frontière technologique, la France a besoin de faire évoluer ses institutions pour basculer dans une phase plus propice à l’innovation radicale et répétée, et pour permettre à uploads/S4/ sophie-vermeille-mathieu-kohmann-et-mathieu-luinaud-un-droit-pour-l-x27-innovation-et-la-croissance.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 17, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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