LE DROIT MUSULMAN EXPOSÉ D'APRES LES SOURCES PAR M. NICOLAS DE TORNAUW, Ex-vice

LE DROIT MUSULMAN EXPOSÉ D'APRES LES SOURCES PAR M. NICOLAS DE TORNAUW, Ex-vice-gouverneur de la province Caspienne, conseiller actuel de l'empire de Russie, procureur général du Sénat dirigeant de Saint-Pétersbourg, membre de la société orientale d'Allemagne; TRADUIT EN FRANÇAIS PAR M. ESCHBACH, Professeur de Code Napoléon à la Faculté de droit de Strasbourg, ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats, chevalier de la Légion d'honneur. PARIS COTILLON, ÉDITEUR, LIBRAIRE DU CONSEIL D'ÉTAT , Au coin de la rue Soufflot, 23. 1860 LE DROIT MUSULMAN. Paris.-Imprimé par E. Thunot et C, rue Racine, 26. LE DROIT MUSULMAN EXPOSÉ D'APRÈS LES SOURGES PAR M. NICOLAS DE TORNAUW, Ex- vice gouverneur de la province Caspienne, conseiller actuel de l'empire de Russie, procureur général du Sénat dirigeant de Saint-Pétersbourg, membre de la société orientale d'Allemagne; TBADUIT EN FRANÇAIS PAR M. ESCHBACH, Professeur de Code Napoléon à la Faculté de droit de Strasbourg, ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats, chevalier de la Légion d'honneur. @ PARIS COTILLON, ÉDITEUR, LIBRAIRE DU CONSEIL D'ÉTAT, Au coin de fa rue Soufflot, 23. 1860 © PREFACE. Puisque j'entreprends d'exposer dans le présent ouvrage les traits fondamentaux du droit musulman, je me regarde comme obligé envers mes lecteurs d'insister sur les circonstances qui m'ont amené à faire ce travail, rédigé primitivement en langue russe et destiné à la Russie. Le droit mahométan a préoccupé depuis longtemps le monde savant en Europe, et dans ces derniers temps, il a attiré tout particulièrement l'attention des États européens qui comptent parmi leurs sujets des sectateurs de l'islamisme, parce que ces États ont compris combien est importante, pour l'administra- tion des pays peuplés de musulmans, la connaissance de l'élé- ment qui forme l'essence de tous les rapports politiques et sociaux des mahométans. Néanmoins., quelque étendue que soit en Occident, et principalement sur des spécialités, la connaissance de l'Orient, les pays européens ne peuvent pas encore se vanter de posséder un ouvrage qui présente le droit musulman d'une manière exacte et approfondie en toutes ses parties et qui expose, sous le point de vue dogmatique et pra- tique, toutes les règles sociales et juridiques particulièrement issues de l'islamisme. Le savant orientaliste docteur Worms signale énergiquement cette lacune, lui qui, appelé à prendre part à l'administration de l'Algérie, était parfaitement en position d'en faire l'expé - rience sur place. Pour procéder à ses Recherches sur la consti- tution de la propriété territoriale dans les pays musulmans, il 1 2 PRÉFACE. commença par se familiariser avec tout ce qui avait été écrit en Europe sur ce sujet, puis, seulement après, il aborda l'étude des sources desquelles découle tout le droit musulman. — Il acquit ainsi la conviction et démontra clairement que les écrits les plus célèbres étaient peu utiles et peu sûrs pour l'explica- tion de la vie pratique des sectateurs de l'islamisme. Car il fut démontré que les savants d'Europe qui avaient cherché à ap- prendre des musulmans eux-mêmes la science de leur droit, avaient été induits par ceux-ci en toutes sortes d'erreurs, les musulmans prenant à tâche de dissimuler soigneusement aux Européens la connaissance de leurs lois et se retranchant der- rière des articulations vagues et équivoques. — D'autres qui avaient voulu vérifier les sources mêmes, s'étaient dirigés vers des écrits dont la rédaction en aphorismes créait des énigmes, non-seulement pour les savants européens, mais encore pour la plus grande partie des lettrés musulmans. Que s'il arrivait à l'un ou à l'autre de découvrir des sources plus sûres et plus faciles à comprendre, il ne pouvait cependant s'en servir que d'une manière restreinte, car il n'en faisait pas des traductions directes et immédiates, mais il s'en faisait faire un translat ex- plicatif par la bouche de savants musulmans, sans avoir des garanties suffisantes de leur bonne foi et de leur science. Le docteur Worms donne, dans son ouvrage susrelaté, d'in- téressants renseignements sur les difficultés contre lesquelles le gouvernement français a eu à combattre en Algérie dans l'or- ganisation des rapports avec les indigènes, — difficultés qui se reproduiront plus ou moins partout où un État européen do- minera sur des pays habités par des musulmans. « Les Français » lors de la conquête d'Alger en 1830, dit le docteur Worms, » laissèrent, par suite d'une politique aussi sage que juste, les » indigènes se régir par leur législation antérieure fondée sur » la religion. Comme cette législation était peu' connue des >> conquérants, ceux-ci furent dans la nécessité de remettre aux » mains des indigènes le soin de l'appliquer. Au lieu d'abréger » la durée de cette situation difficile par l'étude de la langue, « des lois et des moeurs du peuple conquis, les Français s'en PRÉFACE. 3 » sont aveuglément rapportés aux déclarations faites, touchant » les relations endémiques, par les indigènes dissimulés et » trompeurs, et ont ainsi créé en Algérie un état de choses qui » rend peut-être impossible tout progrès et toute création du- » rable. Averti par la connaissance du caractère de la popula- tion algérienne, — continue le docteur Worms,—il a, en «jetant les yeux sur quelques-uns des rares manuscrits de leurs » lois que les musulmans n'étaient point parvenus à soustraire «aux conquérants, découvert avec surprise les nombreuses » contradictions qui se manifestaient à chaque pas entre les ré- » ponses données par les indigènes au nouveau gouvernement >> sur leur législation et les véritables solutions de celle-ci. » Et pourtant il y avait là le vif sentiment de légalité que le » musulman étend aux choses les moins essentielles de la vie do- » mestique et du culte — chose connue et non à dénier. Dès lors »il était nécessaire, pour trouver la solution, de remonter aux » dernières sources du droit musulman ; entreprise hérissée de » difficultés que Muradgea d'Ohsson a déjà démontrées ample- » ment relativement à la Turquie. Les indigènes de l'Algérie se » font un devoir de garder le silence le plus absolu sur l'état des » rapports politiques et religieux, tels qu'ils existaient avant la » conquête, et quand ils sont forcés de rompre ce silence, ils » ont recours au mensonge. Il n'y a que celui qui les connaît » qui peut se faire une idée du peu de valeur de leurs perpé- » tuelles protestations d'amitié et de soumission envers leurs nou- » veaux maîtres. Le gouvernement ne peut pas se fier sûrement » à un seul de ses nouveaux sujets; tous ils haïssent les con- » quérants comme étrangers et mécréants, quelle que soit d'ail- >> leurs leur affectation de dévouement. La religion de Mahome t » est la seule qui ne demande pas de ses adeptes l'épreuve du » martyre : elle leur permet de postposer la profession de leur » foi et toutes les conséquences de leur croyance religieuse à » l'acquisition du bien-être et à la conservation de la vie. » Parmi les travaux accomplis jusqu'à présent dans le domaine du droit musulman, je remarque, au sujet de l'ouvrage juste- ment renommé du célèbre orientaliste Muradgea d'Ohsson , 4 PRÉFACE. Tableau général de l'empire ottoman, que les parties V et VI de cet ouvrage qui traitent du droit musulman, ne contiennent que des extraits du travail Multeko-el-ebhor relatif au droit en vi- gueur dans l'empire turc sans donner un aperçu général sur la législation musulmane. L'essai de Mouradgea d'Ohsson d'aban- donner la division et la distribution des matières du Multeko- el-ebhor pour y substituer (comme il le dit à la page 24 de sa préface) un système plus clair et plus facile à saisir, ne peut pas être considéré comme heureux. Car bien que quelques par- ties spéciales du droit musulman aient entre elles une con- nexité nécessaire, cependant les théories qu'elles contiennent ne se laissent pas commodément ramener à des principes fon- damentaux qui n'existent pas du tout chez les mahométans, sans immédiatement renverser l'ordre et la suite établis dans chaque matière et sans introduire des idées contraires au génie de l'islamisme. Ainsi, par exemple, il a placé dans les règles de politique et dans le Code de la guerre beaucoup de choses que les musulmans regardent comme des devoirs religieux, tels que le Zekalt, le Djehod et autres ; le chapitre de la prise de possession violente Ghesb a été reporté par d'Ohsson, avec les idées de l'Occident, dans le Code pénal, tandis que les musul- mans n'y voient qu'un acte dont les conséquences sont pure- ment civiles. — D'Ohsson a aussi tenté de réunir ce qui n'a qu'une apparence purement extérieure de connexité, mais qui diffère complètement par son essence et son fondement. Ainsi, par exemple, on ne peut pas ranger la dédicace Wakf qui est le résultat de la libre volonté, avec le Zekalt qui est pour tout musulman un impôt obligatoire. Parmi les productions les plus importantes dans le domaine du droit musulman, se place incontestablement, dans ces der- niers temps, le Droit musulman, par J. Pharaon et Th. Dulau (1839). Néanmoins cet ouvrage, bien que, d'après son titre, on dût s'attendre à ce qu'il parcourrait la circonférence entière du uploads/S4/ tornauw-nicolas-1860-le-droit-musulman.pdf

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  • Publié le Aoû 22, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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