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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928 Site Internet : www.icj-cij.org Compte Twitter : @CIJ_ICJ Chaîne YouTube : CIJ ICJ Page LinkedIn : Cour internationale de Justice (CIJ) Communiqué de presse Non officiel No 2019/9 Le 25 février 2019 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 La Cour dit que le processus de décolonisation de Maurice n’a pas été validement mené à bien lorsque ce pays a accédé à l’indépendance et que le Royaume-Uni est tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos LA HAYE, le 25 février 2019. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal des Nations Unies, a donné ce jour son avis consultatif sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965. Dans cet avis, la Cour 1) à l’unanimité, dit qu’elle est compétente pour répondre à la demande d’avis consultatif ; 2) par douze voix contre deux, décide de donner suite à la demande l’avis consultatif ; 3) par treize voix contre une, est d’avis que, au regard du droit international, le processus de décolonisation de Maurice n’a pas été validement mené à bien lorsque ce pays a accédé à l’indépendance en 1968 à la suite de la séparation de l’archipel des Chagos ; 4) par treize voix contre une, est d’avis que le Royaume-Uni est tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos ; 5) par treize voix contre une, est d’avis que tous les Etats Membres sont tenus de coopérer avec l’Organisation des Nations Unies aux fins du parachèvement de la décolonisation de Maurice. Raisonnement de la Cour I. HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE La Cour rappelle tout d’abord que les questions sur lesquelles un avis consultatif est demandé à la Cour sont énoncées dans la résolution 71/292 que l’Assemblée générale a adoptée le 22 juin 2017. Elle rappelle également que ces questions se lisent comme suit : a) «Le processus de décolonisation a-t-il été validement mené à bien lorsque Maurice a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la séparation de l’archipel des Chagos de son territoire et au regard du droit international, notamment des obligations évoquées dans les résolutions de l’Assemblée générale 1514 (XV) du 14 décembre 1960, 2066 (XX) du 16 décembre 1965, 2232 (XXI) du 20 décembre 1966 et 2357 (XXII) du 19 décembre 1967 ?» ; - 2 - b) «Quelles sont les conséquences en droit international, y compris au regard des obligations évoquées dans les résolutions susmentionnées, du maintien de l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, notamment en ce qui concerne l’impossibilité dans laquelle se trouve Maurice d’y mener un programme de réinstallation pour ses nationaux, en particulier ceux d’origine chagossienne ?». II. COMPÉTENCE ET POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE Lorsque la Cour est saisie d’une demande d’avis consultatif, elle doit commencer par déterminer si elle a compétence pour donner l’avis sollicité et, dans l’affirmative, examiner s’il existe une quelconque raison pour elle d’exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser de répondre à une telle demande. La Cour relève que l’Assemblée générale a compétence, en vertu du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte, pour lui demander un avis consultatif sur toute question juridique. Elle considère qu’une demande d’avis tendant à ce qu’elle examine une situation à l’aune du droit international, comme c’est le cas en l’espèce, entre dans cette catégorie. Elle en conclut que la demande a été soumise conformément à la Charte et que les deux questions portées devant elle revêtent un caractère juridique. La Cour a donc compétence pour donner l’avis consultatif demandé par la résolution 71/292 de l’Assemblée générale. Que la Cour ait compétence ne signifie pas, cependant, qu’elle soit tenue de l’exercer. La Cour n’en garde pas moins à l’esprit que sa réponse à une demande d’avis consultatif constitue sa participation à l’action de l’Organisation et, en principe, ne devrait pas être refusée. Ainsi, conformément à sa jurisprudence constante, seules des «raisons décisives» peuvent la conduire à opposer un refus à une demande d’avis. La Cour note à cet égard que certains participants à la présente procédure ont invoqué l’existence de telles raisons, parmi lesquelles figurent les suivantes : premièrement, la procédure consultative ne serait pas indiquée pour régler des questions de fait complexes et controversées ; deuxièmement, la réponse de la Cour n’aiderait nullement l’Assemblée générale dans l’exercice de ses fonctions ; troisièmement, il ne serait pas approprié que la Cour réexamine une question déjà réglée par le tribunal arbitral constitué en application de l’annexe VII de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer dans sa sentence en l’Arbitrage concernant l’aire marine protégée des Chagos ; et, quatrièmement, les questions posées dans la présente procédure auraient trait à un différend bilatéral pendant entre deux Etats qui n’auraient pas consenti au règlement dudit différend par la Cour. Après avoir examiné ces arguments, la Cour parvient à la conclusion qu’il n’existe aucune raison décisive devant la conduire à refuser de donner l’avis demandé par l’Assemblée générale. III. LE CONTEXTE FACTUEL DE LA SÉPARATION DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS DE MAURICE Avant d’aborder les questions qui lui ont été soumises par l’Assemblée générale, la Cour estime qu’il est important d’examiner les circonstances factuelles de la séparation de l’archipel de Maurice et du déplacement des Chagossiens hors de celui-ci. Elle relève à cet égard que, avant que l’archipel des Chagos soit séparé de Maurice, des discussions officielles eurent lieu entre, d’une part, le Royaume-Uni et les Etats-Unis et, d’autre part, le Gouvernement du Royaume-Uni et les représentants de la colonie de Maurice. Au cours des discussions qui se tinrent dès février 1964 entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ces derniers manifestèrent de l’intérêt pour l’établissement d’une station de transmission militaire sur Diego Garcia, principale île de l’archipel des Chagos. Les discussions menées en 1965 entre le Gouvernement du Royaume-Uni et les représentants de la colonie de - 3 - Maurice portaient, quant à elles, sur la question du détachement de l’archipel des Chagos de Maurice. Elles aboutirent à la conclusion, le 23 septembre 1965, de l’accord de Lancaster House en vertu duquel les représentants de Maurice acceptèrent le principe du détachement en échange, notamment, d’une indemnité d’un montant de trois millions de livres sterling et de la restitution de l’archipel à Maurice lorsqu’il ne serait plus nécessaire d’y maintenir une base militaire. Le 8 novembre 1965, une colonie, intitluée «Territoire britannique de l’océan Indien» («BIOT»), constituée, entre autres, de l’archipel des Chagos détaché de Maurice, fut créée par le Royaume-Uni. En 1966, un accord fut conclu entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni concernant l’installation, par les Etats-Unis, d’une base militaire sur l’archipel des Chagos. Entre 1967 et 1973, les habitants de l’archipel des Chagos qui avaient quitté celui-ci furent interdits de retour. Les autres furent déplacés de force et interdits de retour. Le commissaire du BIOT prit, le 16 avril 1971, un décret relatif à l’immigration qui proscrivait l’entrée ou le séjour de quiconque dans l’archipel des Chagos en l’absence d’un permis. Par un accord conclu entre Maurice et le Royaume-Uni le 4 septembre 1972, Maurice consentit au versement à son profit d’une somme de 650 000 livres sterling à titre de quittance complète et finale de l’engagement pris en 1965 par le Royaume-Uni d’assumer les coûts de réinstallation des personnes déplacées de l’archipel des Chagos. Le 7 juillet 1982, un accord fut conclu entre les Gouvernements de Maurice et du Royaume-Uni, lequel prévoyait le versement à titre gracieux, par le Royaume-Uni, d’une somme de 4 millions de livres sterling, sans que cela implique la reconnaissance d’une quelconque responsabilité de la part de ce dernier, étant entendu que cette somme constituerait l’indemnisation totale en règlement définitif de toutes les réclamations quelles qu’elles soient visées par l’accord, émises par les Ilois ou en leur nom contre le Royaume-Uni. Cet accord imposait en outre à Maurice d’obtenir de chaque membre de la communauté îloise vivant à Maurice une renonciation signée à toute réclamation. Deux études de faisabilité furent réalisées par le Royaume-Uni aux fins de déterminer si une réinstallation des insulaires dans l’archipel était possible et, le cas échéant, sous quelles modalités. Il fut conclu que, si une telle réinstallation était possible, elle poserait d’importantes difficultés. A ce jour, les Chagossiens restent éparpillés dans plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, Maurice et les Seychelles. La loi britannique et les décisions des tribunaux du Royaume-Uni ne leur permettent pas de revenir dans l’archipel des Chagos. IV. LES QUESTIONS POSÉES À LA COUR PAR L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE La Cour considère, en l’espèce, que les questions qui lui sont soumises pour avis consultatif ne nécessitent aucune reformulation de sa part. En outre, nul n’est besoin pour elle de se livrer à une interprétation restrictive desdites questions. 1. La question de savoir si le processus de uploads/S4/avis-consultatif-de-la-cour-internationale-de-justice-sur-la-souverainete-de-maurice-sur-les-chagos.pdf
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- Publié le Nov 15, 2021
- Catégorie Law / Droit
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