1 Le droit administratif demeure-t-il jurisprudentiel ? Allusion à l’article de
1 Le droit administratif demeure-t-il jurisprudentiel ? Allusion à l’article de G. Vedel, EDCE 1979-80. Le doyen Vedel démontrait les limites du caractère jurisprudentiel du droit administratif : ce droit est de connaissance , d’accès difficile. La critique est d’autant plus forte aujourd’hui dès lors que le Conseol constitutionnel a dégagé un objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité au droit et d’intelligibilité du droit. D’ailleurs, le législateur depuis une dizaine d’années a entrepris un effort de codification. C’est ce que a entraîné F. Melleray à reprendre la discussion. Replacer le sujet dans l’histoire : arrêt Blanco, le juge administratif issu de l’administration a utilisé des méthodes, développé un droit susceptible de soumettre l’administration au droit. Pendant très longtemps, le droit administratif a été le résultat d’un dialogue entre le juge administratif et l’administration ; le premier n’imposant que ce que la seconde était prêt à accepter. Les choses ont changé : les contraintes externes au juge administratif se sont développées (I) ce qui ne veut pas dire que le juge administratif a perdu toute autonomie pour dégager des règles propres (II). Sans doute, préciser dès l’introduction, les origines de cette évolution : CE 1989 Nicolo, le droit français, y compris la loi postérieure, est soumis au droit international et communautaire. 2 Introduction en droit français du recours individuel devant la Cour européenne des Droits de l’Homme. Acceptation, par le Conseil d’Etat, de l’autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel (1985). I) Un droit tributaire des normes constitutionnelles et des normes externes Il n’est pas possible de nier que, sous l’influence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice des communautés européennes et de la Cour européenne des Droits de l’Homme, le juge administratif doit appliquer des règles qu’il n’a pas découvertes, qu’il ne maîtrise pas. 1) Inlfuence de la jurisprudence constitutionnelle L’une des manifestations les plus importantes du pouvoir jurisprudentiel du Conseil d’Etat est la « découverte » des principes généraux du droit. Sans prétendre être exhausif, grâce à ces principes, le Conseil d’Etat a pu soumettre le pouvoir réglementaire autonome (CE 1959 Syndicat général des ingénieurs conseils). Ou encore le Conseil d’Etat a encore contrôlé le recrutement desagents publics. Dans le célèbre arrêt Barel de 1954, le Conseil d’Etat a proclamé le principe d’égal admissibilité aux emplois publics qui puise sa source dans l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme. 3 Or, désormais, ces principes non écrits sont relayés par la référence à la Constitution elle-même. Le Conseil constitutionnel exerce son contrôle sur les lois en les confrontant à des « règles et principes de valeur constitutionnelle » au nombre desquels figurent des principes tels que ceux de l’égalité devant la loi, de l’égalité devant les charges publiques ou de l’égalité devant la justice. Ces principes de valeur constitutionnelle sont l’exacte réplique des principes généraux du droit que les arrêts du Conseil d’Etat consacrent. René Chapus a alors soutenu que si les principes découverts par le Conseil d’Etat et ceux découverts par le Conseil constitutionnel ont un contenu identique, il n’en demeure pas moins qu’ils sont de nature différente : le Conseil constitutionnel applique des principes écrits contenus dans le Préambule de la Constitution tandis que le Conseil d’Etat découvre des principes non écrits. R. Chapus pense donc qu’il y a dédoublement de l’ordre juridique. Deux systèmes coexistent. Ils se rejoignent par leur contenu mais ils sont deux. L’un est fait de normes constitutionnelles de droit écrit. L’autre est fait des normes jurisprudentielles consacrées par le Conseil d’Etat et se situant à un nioveau infra-législatifs et supra-décrétale : ce sont notamment les principes généraux du droit. Le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel font respecter le droit, chacun en ce qui le concerne, dans leur ordre juridique respectif. L’idée que le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel se meuvent dans des ordres juridiques différents et font respecter des 4 règles distinctes, s’accordait mal avec l’article 62 de la Constitution en vertu duquel les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à toutes les autorités. Bruno Genevois, conseiller d’Etat et ancine secrétaire général du Conseil constitutionnel soutenait, au contraire : « à notre avis, un principe général du droit ne change ni de nature, ni de valeur juridique selon l’instance qui en assure le respect. Les principes généraux qui ont valeur constitutionnelle l’ont aussi bien pour le Conseil constitutionnel que pour le Conseil d’Etat ». Louis Favoreu conteste également cette idée de dualité des ordres juridiques. Le Conseil d’Etat a donné raison aux partisans de l’unité de l’ordre juridique. Dans le célèbre arrêt Barel1, le Conseil d’Etat contrôle un refus du ministre d’admettre un candidat à se présenter à un concours par rapport au principe de l’égalité d’accès de tous les Français aux emplois et fonctions publics, un principe général du droit donc qui découle notamment de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme qui proclame l’égal accès de tous aux emplois publics. A partir des années 80, le Conseil d’Etat fera respecter cet égal accès en se référant directement à la Déclaration. Ainsi, dans des arrêts de 1988, le juge administratif, après avoir mentionné la Déclaration des Droits de l’Homme en tête de ses visas applique le principe d’égal accès des citoyens aux emplois publics proclamé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme2. Il y a là sans doute une 1 CE 28 mai 1954, GAJA 2007, n° 73. 2 . CE 2 mars 1988 Blet et Sabiani, DA. 1988, n° 250. Dans CE 16 décembre 1988 Bleton et autres c/ Sarrazin (Leb. p. 451, RFDA 1989, p. 523, concl. 5 manifestation supplémentaire du phénomène de banalisation du droit administratif. Quand le Conseil d’Etat « découvrait » les principes généraux du droit, il avait une grande liberté. Elle est moindre aujourd’hui avec la nécessité de se conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme. L’exemple du droit à la vie familiale normale peut être donné. Le Conseil d’Etat l’a d’abord consacré comme principe général du droit3. Puis, dans un arrêt de 1990, le Conseil d’Etat se réfère au « principe exprimé dans le Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement »4. Enfin, il se réfère à l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, en vertu duquel « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance »5. Certains principes généraux du droit « découverts » par le Conseil d’Etat sont devenus des principes à valeur constitutionnelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. C’est le cas par exemple, du principe d’égalité (décision de 1973). Le Conseil d’Etat utilise les principes généraux du droit pour censurer les actes administratifs. Le Vigouroux) ; CE 21 décembre 1990 Amicale des anciens élèves de l’ENS de Saint-Cloud et autres et Association des anciens élèves de l’ENA, Lebon, p. 378, RA 1991, note Ruiz-Fabri. 3 CE 8 décembre 1978 GISTI, Leb., p. 493, AJDA 1979 (3), p. 38. 4 CE 7 mars 1990 Union nationale des associations familiales (UNAF), n° 47651. 5 CE 18 janvier 1991 Beldjoudi, Lebon, p. 19, CE 19 avril 1991 Belgacem, Lebon, p. 152 et Mme Babas, Lebon, p. 162, concl. Abraham : dans cette affaire, le Conseil d’Etat vérifie qu’un arrêté de reconduite à la frontière ne méconnaît pas le droit à une vie familiale garanti par l’article 8. 6 Conseil constitutionnel utilise les seconds pour censurer des lois. Cependant, dans une décision de 1996, le Conseil d’Etat s’est reconnu compétent pour « découvrir » lui aussi des principes à valeur constitutionnelle6. M. Koné, ressortissant malien, contestait le décret autorisant son extradition. L'article 44 de l'accord de coopération franco-malien stipule que « l'extradition ne sera pas exécutée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme une infraction politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction ». Le Conseil d’Etat indique que ces stipulations doivent être interprétées conformément au principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l'Etat doit refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique ; qu'elles ne sauraient dès lors limiter le pouvoir de l'Etat français de refuser l'extradition au seul cas des infractions de nature politique et des infractions qui leur sont connexes. Il était déjà arrivé au Conseil d’Etat d’invoquer des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Ainsi, déjà sous la IVe République pour la liberté d’association ou plus récemment, à propos de la même liberté7. Mais, sous la IVe République, le Conseil constitutionnel n’existait pas et, par ailleurs, sous la Ve, rien n’empêche le Conseil d’Etat, au contraire, de faire respecter des principes constitutionnels consacrés par le juge constitutionnel. La 6 CE 3 juillet 1996 Koné, RFDA 1996, p. 882, note L. Favoreu, GAJA, 2007, n° 101. 7 CE 29 avril 1994 Haute Commissaire de la République en uploads/S4/corrige-de-la-dissertation-pdf-2.pdf
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- Publié le Oct 19, 2021
- Catégorie Law / Droit
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