Droit des biens – Leçon 1 – Guillaume BEAUSSONIE page 1/22 Cours : Droit des bi
Droit des biens – Leçon 1 – Guillaume BEAUSSONIE page 1/22 Cours : Droit des biens Auteur : professeur Guillaume BEAUSSONIE Leçon 1 : La notion de propriété Pré-requis : introduction au droit et droit des personnes (cours de L1). Objectifs : établir les bases dune théorie générale de la propriété à partir du Code civil et de la jurisprudence. Description : étude de la notion de propriété. Conseils méthodologiques : … Durée de la leçon : 4 h 30 Sommaire : Première partie : Les relations élémentaires entre les personnes et les biens ................ 2 Titre 1 : la propriété ............................................................................. 2 CHAPITRE 1 : la notion de propriété......................................................................... 4 section 1 : un droit fondamental ..................................................................... 4 § 1 : Le droit de propriété ........................................................................... 5 A) L’histoire ............................................................................................ 5 B) Les analyses ......................................................................................10 1. L’analyse classique ..............................................................................10 2. L’analyse rénovatrice ...........................................................................12 3. La valse des analyses ..........................................................................14 § 2 : Les autres droits ................................................................................18 section 2 : une institution fondamentale .........................................................19 § 1 : une importance fondamentale .............................................................19 § 2 : une valeur fondamentale ....................................................................20 Droit des biens – Leçon 1 – Guillaume BEAUSSONIE page 2/22 PREMIÈRE PARTIE : LES RELATIONS ÉLÉMENTAIRES ENTRE LES PERSONNES ET LES BIENS Par « relation élémentaire », il faut d’abord entendre rapport simple : il ne saurait exister, en ce sens, aucun intermédiaire entre une personne et son bien. Aucun intermédiaire juridique : la personne est dite propriétaire de son bien ; aucun intermédiaire factuel : on dit alors qu’elle le possède. Simple n’est cependant pas simpliste : outre que ce rapport, constitué à la fois de fait et de droit, est donc de nature à se dédoubler, il arrive effectivement que propriétaire et possesseur soient deux personnes différentes (exemples : le paysan qui laboure son champ un peu au-delà de ses limites possède la bande de terrain qu’il usurpe, celle-ci étant pourtant la propriété d’un autre ; le voleur d’une chose en est possesseur sans, bien sûr, en être propriétaire). Pour cette raison, il faut étudier séparément la propriété et la possession. Par « relation élémentaire », il faut ensuite entendre rapport premier. La propriété entretient un lien à ce point intense avec le bien, qu’elle participe de sa définition ; le bien est une chose appropriée, un objet de propriété, autrement dit une propriété objective. Son autre composante (avec la propriété) est la réalité – toute chose représentant une portion de réalité : une pomme, une table, un hôtel, une idée etc. –, réalité dont la diversité impose un pluriel à la notion de « biens ». Le bien possédé est donc inéluctablement approprié. Pour cette raison, et parce que le droit est précisément créé pour l’emporter sur le fait, l’étude de la propriété, relation de droit entre une personne et une chose (titre 1), précédera celle de la possession, relation de fait (titre 2). TITRE 1 : LA PROPRIÉTÉ Étymologiquement, la propriété renvoie au caractère propre d’une chose qui en fait un bien (du latin proprietas) : ainsi parle-t-on de sa propriété, sa maison, sa voiture. Dans le Code civil, cependant, la propriété est définie comme un droit, plus précisément comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » (article 544) : le droit sur sa maison ou sur la voiture plutôt que la maison ou la voiture elles-mêmes. Droit des biens – Leçon 1 – Guillaume BEAUSSONIE page 3/22 Cette polysémie, qui fait de la propriété, tout à la fois, la marque et la relation d’appartenance1, n’a néanmoins pas à être combattue, car elle est « cohérente » – pour reprendre les mots du doyen Cornu2. D’une part, il existe un lien évident entre ces différents sens : le propriétaire ayant un droit de propriété sur sa chose, qui en fait le maître absolu, sa chose est l’objet d’un tel droit ; elle est donc appropriée par ce propriétaire ou, si l’on préfère, elle constitue sa propriété. D’autre part, cette dualité de la notion de propriété s’explique historiquement et se vérifie actuellement. Les Romains ont fini par distinguer la proprietas du dominium, la première désignant la qualité qu’a une chose d’être propre à quelqu’un, le second se reportant aux prérogatives du propriétaire sur cette chose (il est en le dominus, i. e. le maître, bref le propriétaire)3. Dans une continuité parfaite sur ce point, le Code civil fait parfois référence à la propriété-objet (article 545 par exemple : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété… »4) et parfois à la propriété-droit (article 544 : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses… »5). Au-delà de cela, peut-être par extension de son sens objectif, la propriété représente aussi une notion fondamentale, que l’on trouve consacrée dans tous les grands textes fondateurs des sociétés modernes6. C’est que la propriété, en ce qu’elle préserve les droits de chacun et autorise le commerce juridique entre tous les membres d’une société (pour faire le commerce d’une chose, encore faut-il en être propriétaire !), est indispensable à toute vie en société, à un point tel qu’elle se trouve défendue contre la société elle-même. 1 Cf. F. Zenati-Castaing, Th. Revet, Les biens, n° 163. 2 G. Cornu, Linguistique juridique, Domat Montchrestien, 3e éd., 2005, n° 21. 3 Cf. M. Villey, « Les Institutes de Gaïus et l’idée de droit subjectif », in Leçons d’histoire de la philosophie du droit, chap. 8, Dalloz, 2e éd., 2002, p. 186. 4 V. aussi : art. 1094-1 (libéralités entre époux), 1601-3 (vente en l’état futur d’achèvement) et 2477 (purge des privilèges et hypothèques) C. civ. ; art. 17 DDHC, art. 34 C58 et art. 1er du 1er prot. add. à la CEDH. 5 V. aussi : art. 543 (liste des droits sur les biens), 621, 815-5, 815-18, 818, 819, 833, 899, 1429, 1873-18 (nue-propriété), 2372 (propriété-garantie) et 2511 (dans titre applicable à Mayotte) C. civ. 6 Cf. R. Libchaber, « La propriété, droit fondamental », in Libertés et droits fondamentaux, 19e éd., Dalloz, 2013. Droit des biens – Leçon 1 – Guillaume BEAUSSONIE page 4/22 La notion de propriété (chapitre 1) ne se résume donc pas au domaine (chapitre 2) et au droit (chapitre 3) qu’elle constitue au principal. CHAPITRE 1 : LA NOTION DE PROPRIÉTÉ De bien des façons, la propriété se distingue des autres droits, que ceux-ci soient des droits réels ou des droits personnels. Par sa structure, tout d’abord, la propriété s’apparente davantage à une liberté qu’à un droit : alors que tout droit ne représente qu’une autorisation dans un domaine où l’interdit demeure la règle (exemples : droit de passer sur le terrain d’autrui ; droit d’obtenir une prestation quelconque), la propriété laisse son titulaire libre de l’usage de sa chose, sauf à faire ce qui a été exceptionnellement interdit (sens de l’article 544 du Code civil). Par sa valeur, ensuite, la propriété est un droit que la société a consacré dans ses normes les plus importantes (Déclaration de 1789, Constitution de 1958, Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales etc.), ce qui est loin d’être le cas de tous les droits. Cela révèle que, non seulement, la propriété n’est pas n’importe quel droit : elle est un droit fondamental (section 1). Mais cela dévoile aussi que la propriété constitue, au- delà, un mécanisme fondamental du Droit7, une institution si l’on préfère (section 2). SECTION 1 : UN DROIT FONDAMENTAL C’est peut-être parce que le pullulement contemporain des droits8 fait, d’un certain point de vue, penser à la complexité du système féodal, que la doctrine a tendance à se reporter aux grilles d’analyse de l’époque. Pour ne retenir que l’essentiel, du point de vue de la théorie classique, il y aurait des droits qui porteraient directement sur les choses, les droits réels, en ce compris la propriété, et des droits qui ne concerneraient que les engagements entre personnes, les droits personnels. La modernité, dans ce schéma simpliste, n’aurait alors pris la forme 7 Cf. F. Zenati-Castaing, « La propriété, mécanisme fondamental du droit », RTD civ. 2006. 445. 8 Cf. J. Carbonnier, Droit et passion du droit sous la Ve République, Champs Flammarion, 1996. Droit des biens – Leçon 1 – Guillaume BEAUSSONIE page 5/22 que de l’invention du « droit subjectif », qualification à laquelle chacun de ces droits serait susceptible de prétendre – ce qui la prive donc de tout intérêt. En réalité, il y a, on l’a dit, une profonde différence de structure, donc de nature, entre le droit de propriété et tous les autres droits, qu’ils soient réels ou personnels. Le droit de propriété est l’expression d’un pouvoir : celui d’imposer sa volonté aux autres, ce qui ne peut se faire qu’à propos d’une chose que l’on possède (on ne peut pas forcer les autres à faire ce que l’on veut, en revanche on peut les obliger à respecter ses choix concernant un bien). À l’inverse, uploads/S4/l3biens2020-2021-lecon1.pdf
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- Publié le Mar 19, 2021
- Catégorie Law / Droit
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