Stratégique, chapitre 3, 8e édition Gerry Johnson, Kevan Scholes, Richard Whitt
Stratégique, chapitre 3, 8e édition Gerry Johnson, Kevan Scholes, Richard Whittington, Frédéric Fréry © 2008, Pearson Education France 1 eBay à l’écoute En 2007, on comptait dans le monde plus de 240 millions d’utilisateurs référencés d’eBay. Pour plus de 1,3 million d’entre eux, c’était d’ailleurs leur première ou leur deuxième source de revenus : eBay hébergeait plus de 630 000 magasins virtuels indépendants. Fondé en 1995, eBay était l’un des survivants de l’explosion de la bulle Internet, peut-être grâce à l’originalité de son modèle économique. Du record du produit le plus cher vendu en ligne (un jet privé à 4,9 millions de dollars) au plus improbable (un squelette de mammouth) en passant par le montant des transactions (plus de 1 800 dollars par seconde), toutes les statistiques sur eBay étaient stupéfiantes. « eBay est une nouvelle manière de faire du commerce », affirmait Meg Whitman, président-directeur général d’eBay depuis 1998. « Nous sommes en train de créer quelque chose qui n’existait pas auparavant. » Le modèle économique d’eBay Le principe d’eBay consistait à fournir une place de marché virtuelle à l’échelle mondiale et à prélever une taxe sur chacune des transactions. Le modèle économique s’appuyait avant tout sur les clients, qui se chargeaient à la fois du développement de produits, de la force de vente, du marketing, de la publicité et même de la sécurité. C’était très vraisemblablement la première des entreprises Web 2.0 (évolution d’Internet fondée sur l’interaction entre les utilisateurs). Selon les managers d’eBay, le point crucial consistait à écouter les clients : rester attentif à ce qu’ils voulaient vendre ou acheter et de quelle manière. Si le client s’exprimait, eBay écoutait. La technologie permettait ainsi de suivre à la trace le comportement de chaque utilisateur potentiel sur le site, ce qui fournissait de précieuses informations. Si les entreprises classiques dépensaient des sommes considérables pour obtenir des informations sur leurs clients et les convaincre de répondre à leurs diverses enquêtes de satisfaction, pour eBay, tout cela était le plus souvent gratuit et spontané. Pour autant, certaines des techniques utilisées par eBay pour récolter des informations sur ses clients ne s’appuyaient pas sur Internet et n’étaient pas gratuites. Il s’agissait notamment des opérations « Voix du Client », qui consistaient à inviter plusieurs fois par an une dizaine d’acheteurs et de vendeurs au siège de San Jose en Californie, afin de discuter en détail de l’entreprise. De même, des téléconférences étaient organisées pour débattre des nouvelles fonctionnalités du site et des évolutions du règlement, même si elles n’impliquaient que des changements mineurs. Des sessions d’ateliers et de cours permettaient d’apprendre aux clients à mieux utiliser le site. Après avoir suivi une de ces sessions gratuites des « Universités eBay », qui enseignaient à la fois comment acheter et comment vendre, les utilisateurs avaient tendance à doubler leur activité sur le site. Certains d’entre eux ouvraient leur propre site pour donner des conseils de vente. Selon certaines rumeurs, des acheteurs avaient conçu des programmes qui plaçaient des enchères au dernier moment. De nombreux anciens vendeurs partageaient leur expérience sur leur blog. L’entreprise était dirigée à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. Les acheteurs et les vendeurs se notaient les uns les autres à chaque transaction, ce qui générait des règles et des normes et assurait mécaniquement un autocontrôle du système. Chaque utilisateur construisait ainsi sa réputation, ce qui encourageait les comportements positifs et condamnait les dérives. La vente de produits illégaux entraînait invariablement l’exclusion du vendeur et le retrait de ses produits. Stratégique, chapitre 3, 8e édition eBay à l’écoute 2 © 2008, Pearson Education France Le management chez eBay Le style et l’expérience de Meg Whitman influençaient fortement le management d’eBay. Lorsqu’elle l’avait rejointe en 1998, l’entreprise n’était qu’un groupe d’informaticiens barbus, tous personnellement choisis par le fondateur de l’entreprise, le Français Pierre Omidyar. Ce dernier avait tout à fait conscience de l’aspect sympathique mais pas nécessairement professionnel de son équipe. C’est une des raisons qui l’avait poussé à recruter Meg Whitman, ancienne consultante, à la fois en tant que président-directeur général, responsable des opérations aux États-Unis, responsable des opérations internationales et vice- présidente du marketing. Le résultat n’avait pas tardé à se faire sentir : eBay était devenu une entreprise focalisée sur les mesures et les données. « On ne peut pas contrôler ce qu’on ne peut pas mesurer », affirmait Meg. Si dans les premiers temps il était possible de ressentir intuitivement comment fonctionnait l’entreprise, sa taille imposait désormais une approche plus méthodique. Riche de son expérience chez Procter & Gamble, Meg Whitman avait mis en place des category managers, qui étaient censés passer leurs journées à mesurer l’activité et à prendre des décisions en fonction de ces mesures. À la différence de leurs homologues de chez Procter & Gamble, les category managers d’eBay ne contrôlaient leurs produits que de manière très indirecte. Ils ne pouvaient pas puiser dans des stocks pour se réapprovisionner en dentifrice ou en lessive lorsque leurs rayons étaient vides. En revanche, ils pouvaient améliorer les outils mis à disposition des utilisateurs afin qu’ils puissent mieux acheter et mieux vendre. Comme le soulignait Meg Whitman : Ce qu’ils peuvent faire, c’est continuellement essayer d’obtenir de petits progrès dans leur catégorie, disons une légère augmentation du tonnage de ferraille industrielle proposée à la vente ou l’inscription de quelques nouveaux acheteurs d’albums de bandes dessinées. Pour y arriver, ils utilisent des techniques de marketing qui consistent par exemple à aider les utilisateurs à mieux présenter leurs produits ou à leur donner des outils leur permettant de mieux acheter ou de mieux vendre. Selon le témoignage d’anciens employés, l’ambiance de travail chez eBay pouvait être dure et ultracompétitive. Les changements survenaient le plus souvent après avoir été validés par de nombreux échanges de présentations PowerPoint entre responsables opérationnels, qui étaient ensuite soumis aux niveaux hiérarchiques supérieurs et approuvés par une procédure qui impliquait tous les départements. Au cours du temps, eBay s’était assuré une relative indépendance face aux aléas technologiques. Jusqu’à la fin des années 1990, le site avait régulièrement subi diverses avaries informatiques, dont la plus grave, en 1999, avait provoqué une fermeture pendant 22 heures, du fait d’une panne de système et de l’absence de solutions de sauvegarde. L’ancien directeur informatique du constructeur de micro- ordinateurs Gateway, Maynard Webb, avait alors été recruté par eBay en tant que président du département technologies, afin de remédier à ce type de situations. En 2005, Chris Corrado avait été recruté comme vice-président en charge des systèmes d’information. Maynard Webb avait déclaré à cette occasion : Chris est l’un des meilleurs experts au monde en plates-formes technologiques d’entreprise et nous sommes particulièrement fiers qu’il nous rejoigne. Le fait que nous ayons pu attirer Chris est une preuve de la formidable réputation de l’organisation technologique d’eBay. Meg Whitman n’était pas seulement le président d’eBay, elle en était également un fervent utilisateur. Elle avait ainsi vendu pour 35 000 dollars la décoration intérieure de son chalet du Colorado, afin de comprendre réellement comment fonctionnait le site, ce qui faisait d’elle un des premiers vendeurs parmi les membres du personnel. Cette expérience lui avait également permis de gagner en crédibilité auprès des managers opérationnels et des autres dirigeants : elle savait vraiment de quoi elle parlait lorsqu’elle évoquait le comportement des utilisateurs. Elle était également connue pour écouter attentivement tous les employés d’eBay et elle attendait de ses managers qu’ils fassent de même. Toute fausse manœuvre opérationnelle ou maladresse stratégique pouvait causer de véritables révoltes à l’intérieur de la communauté qu’était devenu eBay, ce qui rendait l’entreprise indissociable de ses clients. eBay à l’écoute Stratégique, chapitre 3, 8ème édition © 2008, Pearson Education France 3 Par-dessus tout, eBay faisait son possible pour rester attentif et flexible. Presque toutes les nouvelles catégories de produits qui connaissaient la plus forte croissance sur le site avaient émergé d’offres publiées par les utilisateurs, qu’il avait fallu ensuite promouvoir au bon moment. C’est ainsi qu’après avoir remarqué quelques ventes de voitures, eBay avait créé en 1999 un site distinct nommé eBay Motors, qui incluait des fonctions spécifiques telles que la révision des véhicules et la livraison. Quatre ans plus tard, eBay hébergeait pour un milliard de dollars de vente de voitures et de pièces détachées, la plupart proposées par des distributeurs professionnels. Le fonctionnement démocratique d’eBay, même s’il était largement plébiscité par les utilisateurs, pouvait imposer un certain délai d’apprentissage. Les nouveaux managers avaient parfois besoin de six mois pour bien s’imprégner de la culture. « Certains des termes que vous apprenez dans les écoles de commerce – leadership, implication, pouvoir – ne s’appliquent pas », remarquait l’ancien responsable de PepsiCo William Cobb, désormais vice-président en charge des opérations internationales d’eBay. « Ici, nous écoutons, nous nous adaptons, nous facilitons. » Compétition et coopération Alors que la concurrence s’exacerbait sur Internet, eBay n’était pas resté immobile. En 2005, l’entreprise avait acheté Skype, le spécialiste de la téléphonie sur Internet, pour 2,6 milliards de dollars, un montant à l’époque jugé très élevé par les observateurs. Pour uploads/Finance/ 02-cas-ebay.pdf
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- Publié le Sep 22, 2021
- Catégorie Business / Finance
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