Amour et désir Il est parfois plus important de soutenir le problème posé que d
Amour et désir Il est parfois plus important de soutenir le problème posé que de le résoudre.1 En prologue : Pourquoi la psychanalyse s’intéresse-t-elle à l’amour ? C’est en introduction d’un des trois articles de sa psychologie de la vie amoureuse que Freud justifie une étude de l’amour par la psychanalyse : « Nous avons jusqu'ici laissé aux poètes le soin de nous dépeindre les « conditions déterminant l'amour » d'après lesquelles les hommes font leur choix d'objet et la façon dont ils accordent les exigences de leurs fantasmes avec la réalité. » Les poètes ont plus un souci d’esthétisme que de vérité. Je poursuis la citation :« en outre, ils ne peuvent montrer que peu d'intérêt pour l'origine et le développement des états de l’âme qu'ils décrivent sous une forme achevée. »2 Ces trois articles sont : « un type particulier de choix d’objet » 1910, « sur le plus général des rabaissements de la vie amoureuse » 1912 et « le tabou de la virginité » en 1918. J’en parlerai plus en détail puisque c’est là que nous trouvons les deux motions « tendresse et sensualité » qui semblent au premier abord recouper la distinction amour désir. Donc, cette précision de Freud signe le départ d’une psychologie de la vie amoureuse : l’amour devient analysable, dans les conditions qui le déterminent, dans son éclosion : « l’hainamoration » et dans ses ratages, ses différentes acceptions, déclinaisons, ou avatars… (Amour de transfert, amour mystique, courtois…etc.) Ceci étant dit, ça ne veut pas dire que la psychanalyse tend à épuiser le sujet, comment le pourrait-elle ! Traiter un tel sujet n’est pas le cerner, l’enfermer (nous en faisons l’expérience dans ce groupe). Voici ce que Freud répond en 1926 à une revue française qui lui avait demandé de répondre à la question de l’”au-delà de l’amour”. A cette requête, Freud avait répondu par un court billet, que cette revue publia et que l’on retrouve dans le tome XVIII des Œuvres complètes: “Très honoré Monsieur, Il m’est tout à fait impossible d’accomplir votre souhait. Vous exigez vraiment trop. Pour m’exprimer si globalement sur l’essence de l’amour j’ai jusqu’ici manqué de courage et je pense d’ailleurs que notre savoir n’y suffit pas.” 1 Jacques Lacan, Les Formations de l'inconscient, Paris, Seuil, 1998, p. 425 2 Un type particulier de choix d’objet chez l’homme (Freud) On ne sait pas ce qui a été exactement demandé à Freud comme article ; on connait juste le titre de la revue « au-delà de l’amour »…. Alors, juste pour rajouter à ce prologue, s’il est besoin de souligner les rapports de la psychanalyse et de l’amour, une petite citation que j’aime beaucoup , Lacan nous dit en 75 à l’université de Yale : « Il est certain que je suis venu à la médecine parce que j’avais le soupçon que les relations entre homme et femme jouaient un rôle déterminant dans les symptômes des êtres humains ». 3 Alors est-ce que les relations entre les hommes et les femmes recouvrent la question de l’amour ? On va faire l’hypothèse que oui ! Rappelez-vous le poème de Tudal : Entre l’homme et la femme, il y a l’amour, Entre l’homme et l’amour, il y a un monde, Entre l’homme et le monde, il y a un mur.4 J’ai choisi de traiter parmi ce vaste sujet qu’est l’amour, l’un des points que nous avons croisés, une des multiples questions rencontrées au cours de nos soirées de travail ces trois années : c’est la question de l’amour et du désir. Etudier la l’amour et le désir permettra de nous enseigner quelque chose sur l’amour : c’est le pari que je fais ou tout au moins ma supposition Amour et désir : l’articulation des deux termes est à entendre autant dans ce qui les distingue que dans ce qui les fait parfois se confondre. Car la question se pose : arrive-t-on toujours dans la clinique à distinguer ces deux champs que sont l’amour et le désir ? Peut-on les comparer ? Les juxtaposer ? Toujours est-il que nos patients nous amènent cette plainte : J’aime mais je ne désire pas …. Je désire mais je n’aime pas… Il me désire mais il ne m’aime pas Il m’aime mais ne me désire pas... La distinction amour/désir évoque donc deux courants de la vie amoureuse, dans ce qui les oppose mais aussi dans ce qui les réunis : Dissociation de l’amour et du désir : La distinction entre amour et désir Article L’amour de l’Abbé Yvon dans l’encyclopédie de Diderot et Alambert : « Le véritable amour interdit même à la pensée toute idée sensuelle, tout essor de l'imagination dont la délicatesse de l'objet aime pourroit être offensée(…): mais si les attraits qui vous charment 3 Lacan J., Yale University Kanzer Seminar1975-11-24, Scilicet n° 6/7, 1975, pp. 7-31, 4 J. LACAN, Le savoir du psychanalyste, inédit, séance du 6 janvier 1972, version AFI, p. 47 font plus d'impression sur vos sens que sur votre ame; ce n'est point de l'amour, c'est un appétit corporel. » C’est à cette distinction que Freud dans sa psychologie de la vie amoureuse opère une formalisation de la problématique de l’impuissance psychique chez certains hommes5 : La nécessité pour un homme de rabaisser la femme pour pouvoir la désirer (sur le plus général des ravalements de la vie amoureuse, c’est le titre de l’article en question) : si la partenaire rappelle quelque chose du premier objet d’amour, la mère, alors le tabou de l’inceste prendra le pas et il sera alors impossible à ce monsieur d’entrer dans un commerce sexuel avec sa partenaire. Freud distingue ces deux courants dans la vie amoureuse : la tendresse et la sensualité : il nous dit qu’une vie amoureuse normale est la confluence de ces deux courants, le tendre et le sensuel à la manière d’un tunnel que l’on percerait en partant des deux extrémités. Le ravalement L’étude de l’impuissance psychique par Freud montre qu’elle survient lorsqu’un trait dans les objets choisis rappelle l’objet incestueux à éviter. Le principal moyen de protection face à un tel trouble, est le rabaissement psychique de l’objet sexuel, tandis que la surestimation, qui lui est normalement attachée, est réservée à l’objet incestueux et à ses représentants. Ainsi dans certains cas d’impuissance, les seuls objets recherchés par le courant sensuel resté actif sont ceux ne rappelant pas les personnes incestueuses. La vie amoureuse de tels hommes est alors clivée selon ce que l’art appelle « amour terrestre » et « amour céleste ». C’est le clivage fait par la philosophie, celui d’Éros et d’agapé, de l’amor concupiscentiae et de l’amor beneficientiae. Freud en donne donc cette formulation : « là où ils aiment, ils ne désirent pas et là où ils désirent, ils ne peuvent aimer »6. En effet, la sensualité doit être écartée de l’objet d’amour afin de pouvoir désirer. Cet objet d’amour est donc investi de tendresse, alors que l’objet « désiré » est investi de sensualité. Les deux voies du percement du tunnel ne se rejoignent pas… L’objet désiré ainsi privé de tendresse subit un rabaissement ( Erniedrigung), un ravalement pour reprendre la traduction qu’utilise Lacan. Freud ajoute plus loin dans le texte que, en fait, un certain degré d’impuissance psychique caractérise la vie amoureuse de l’homme. Il cite par exemple ceux qui sont atteints d’anesthésie psychique, de frigidité, que ce soient des hommes ou des femmes, et chez qui l’acte est non défaillant, mais n’ayant pas de plaisir. Il ajoute même que presque toujours, l’homme se sent limité dans son activité sexuelle par le respect pour la femme et ne développe sa pleine puissance qu’avec un objet rabaissé. Freud note que « pour être, dans la vie amoureuse, vraiment libre, et par-là, heureux, il faut avoir surmonté le respect pour la femme et s’être familiarisé avec la représentation de l’inceste avec la mère ou la sœur. »7 Freud note que chez les femmes on observe moins le besoin d’un objet rabaissé. Mais c’est parce qu’elles ne « surestiment » pas comme l’homme. Sa sexualité étant longtemps mise à l’écart, sa sensualité reste donc longtemps dans le domaine des fantasmes : il lui est 5 « Sur le plus général des rabaissements de la vie amoureuse »(1912), in Psychologie de la vie amoureuse, in La vie sexuelle, Paris : Puf, 1999 6 Ibid., p. 59 7 Ibid., p. 61 donc difficile de ne plus l’associer à l’interdit, et elle s’avérera alors frigide quand cette activité lui est permise. Freud note dans Le tabou de la virginité que « les jeunes filles disent souvent que leur amour perd à leurs yeux de la valeur si d’autres l’apprennent. »8 C’est ici la raison pour laquelle la capacité d’avoir des sensations normales est rétablie dès que les conditions de l’interdit sont restaurées, dans les relations cachées notamment. Voyons maintenant ce que reprends Lacan de cette distinction ? L’une des premières occurrences concerne les visées respectives de l’amour et du désir. L’amour vise l’être et le désir uploads/Finance/ amour-et-desir-laurent-cantonnet.pdf
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- Publié le Mai 03, 2022
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