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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Avec la pandémie, Viktor Orbán déroule encore plus le tapis rouge à la Chine PAR CORENTIN LÉOTARD ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 10 FÉVRIER 2021 Xi Jinping accueille Viktor Orbán au second forum des Nouvelles routes de la soie à Pékin en avril 2019. © Andrea VERDELLI/POOL/AFP La célèbre université Fudan de Shanghai prévoit d’ouvrir un campus dans la capitale hongroise à l’horizon 2024. Un résultat de la stratégie d’« ouverture vers l’est » de Budapest accélérée par la pandémie. Le premier ministre veut se faire inoculer le vaccin chinois. Budapest (Hongrie).– C’est dans le sud de Pest, sur la rive gauche du Danube, juste avant qu’il ne se sépare en deux bras qui entourent l’île de Csepel, que le gouvernement veut bâtir la « ville étudiante de Budapest ». C’est là que, à l’horizon 2024, doit s’implanter Fudan, une université d’élite chinoise. Basée à Shanghai, elle est considérée comme la troisième plus prisée de l’empire du Milieu et figure en bonne position dans les différents classements mondiaux. Viktor Orbán a rencontré le président de Fudan en octobre 2019, un protocole d’accord a été signé le 16 décembre dernier à Shanghai par le ministère hongrois de l’innovation et de la technologie, et le Journal officiel de janvier indique que l’État va consacrer 821 millions de forints (soit 2,3 millions d’euros) pour l’achat des titres de propriété. À l’échelle de la Hongrie et de ses dix millions d’habitants, le projet est gigantesque. Fudan prévoit de former 5 à 6 000 étudiants de niveau master dans quatre filières qui totalisent 20 000 étudiants sur tout le pays, en médecine, économie, relations internationales et sciences de l’ingénieur. L’université d’Europe centrale, fondée par le milliardaire George Soros, aurait fait pâle figure avec ses 1 500 étudiants mais, harcelée par le gouvernement, elle a de toute façon déplacée la majeure partie de ses activités à Vienne, dans l’Autriche voisine, à la rentrée 2019. Xi Jinping accueille Viktor Orbán au second forum des Nouvelles routes de la soie à Pékin en avril 2019. © Andrea VERDELLI/POOL/AFP Hormis une école de commerce ouverte par l’université de Pékin à Oxford en 2019, Fudan sera le premier campus chinois sur le territoire de l’Union européenne. Que ce soit la Hongrie qui l’accueille n’a rien d’étonnant : bien que très asymétriques, les relations entre Budapest et Pékin sont excellentes et Viktor Orbán semble disposé à faire de la Hongrie une tête de pont de la Chine en Europe. « L’ouverture prévue du campus pourrait promouvoir des investissements chinois supplémentaires en Hongrie et la création de centres de recherche et de développement d’entreprises chinoises en Hongrie », a estimé le ministre de l’innovation et de la technologie, László Palkovics. La crise sanitaire sert d’accélérateur Le prestige dont jouit Pékin aux yeux de la droite nationaliste au pouvoir a augmenté d’un cran à la faveur de la crise du coronavirus et des livraisons de matériel médical chinois au printemps 2020. Le chef du gouvernement l’a fait savoir le 29 janvier à la radio publique : en ce qui le concerne, c’est le vaccin chinois qu’il souhaite se faire inoculer. « C’est celui en lequel j’ai le plus confiance », a-t-il expliqué. Son ministre des affaires étrangères, Péter Szijjártó, annonçait le même jour la signature d’un contrat avec l’entreprise chinoise Sinopharm pour la livraison de cinq millions de doses, suffisant pour vacciner (avec un rappel) un quart de la population du pays. Un décret sur mesure et la mise hors jeu de Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 l’agence des médicaments (OGYEI) va permettre d’accélérer le processus de validation. S’y ajouteront deux millions de doses déjà commandées du vaccin russe Spoutnik V, dont les premières livraisons ont débuté et s’échelonneront jusqu’à la fin avril. La Hongrie qui, avec près de 13 000 décès, enregistre un taux de mortalité supérieur à celui de la France (1 300 morts contre 1 200 par million d’habitants, selon l’université Johns-Hopkins), n’a pas attendu après la Commission européenne, qui tente d’harmoniser les stratégies des États membres. Les déconvenues actuelles de cette dernière pour se procurer des vaccins apportent de l’eau au moulin de Viktor Orbán qui y voit un nouveau signe de faiblesse des démocraties libérales et de l’Union, et le conforte dans ses choix géostratégiques. À son retour au pouvoir en 2010, le Fidesz a fait de « l’ouverture vers l’est » le nouveau pilier de la politique étrangère hongroise, poursuivant l’objectif de développer ses échanges notamment avec l’Asie centrale et orientale et ainsi réduire sa dépendance aux autres pays européens. « Nous naviguons sous pavillon occidental, mais le vent souffle de l’est », avait exposé Viktor Orbán. Connu en Europe de l’Ouest pour ses tirades nationalistes, le dirigeant hongrois présente un visage différent dès lors qu’il est question de relations internationales. Aux côtés d’al-Sissi au Caire, il prend soin de se démarquer d’un Occident donneur de leçons, souligne que « la Hongrie n’a pas de passé colonial » et s’enchante de sa rencontre avec l’imam de la mosquée Al-Azhar, un haut représentant religieux (« L’Islam est une grande civilisation et le monde musulman ne peut être assimilé au flot de migrants », dira-t-il à son retour, à la radio publique hongroise). En Chine, il met en avant les racines asiatiques de la Hongrie qui, affirme-t-il, sont aujourd’hui enviées après avoir été longtemps moquées en Europe. Pour soigner ses relations avec l’Asie centrale, il fait adhérer la Hongrie au Conseil turcique qui réunit les États turcophones et avance la très douteuse origine turco-mongole des Hongrois, « descendants des enfants d’Attila [le Hun] », une thèse que privilégie l’extrême droite antisémite pour se distancier de l’Occident. « Il est désormais clair que l’ordre mondial ancien s’est effondré, dont le dogme voulait que l’argent et le savoir viennent de l’Occident riche et puissant pour ruisseler vers les pays pauvres de l’Est », déclare-t-il lors du sommet du Conseil turcique au Kirghizistan en septembre 2018. Des résultats encore incertains C’est naturellement la Chine qui suscite toutes les convoitises. Le gouvernement hongrois adhère sans réserve à son projet géostratégique des « nouvelles routes de la soie », qui doit ouvrir de nouveaux débouchés commerciaux avec les continents africain et européen. Il est un membre enthousiaste du format « 17 + 1 », la plateforme de coopération entre la Chine et les pays d’Europe centrale et orientale, lesquels y voient un espoir de passer d’une position périphérique au sein du monde transatlantique à une position centrale au sein du monde eurasiatique. « Nous n’avons jamais vécu le rôle de leader de la Chine dans le nouvel ordre mondial comme une menace, mais comme une opportunité », a déclaré le chef de la diplomatie hongroise, Péter Szijjártó, lors de son précédent sommet en novembre 2017 à Budapest. Le dernier s’est déroulé mardi 9 février par visioconférence. Concrétisation de cette projection chinoise vers l’ouest de l’Eurasie, la ligne de chemin de fer entre Budapest et Belgrade, la capitale de la Serbie distante de 400 kilomètres, va être rénovée pour devenir une ligne à grande vitesse, la première en Hongrie. Un consortium sino-hongrois assure les travaux, financés à 85 % (de 2,5 milliards d’euros) par l’État chinois sur le tronçon hongrois. Pour la Chine, il s’agit d’acheminer ses marchandises qui entrent en Europe par le port du Pirée en Grèce. Péter Szijjártó s’en réjouit : « Avec la rénovation de la ligne de chemin de fer reliant Budapest à Belgrade, la Hongrie offrira la voie de transport la plus rapide pour les marchandises chinoises entre le sud-est et l’ouest de l’Europe. » Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 Toutefois, cette nouvelle influence chinoise ne doit pas être exagérée. Soucieux de montrer que sa diplomatie, très décriée par les partis de l’opposition, fonctionne, le gouvernement avance le chiffre de cinq milliards d’euros d’investissements directs chinois en Hongrie. Mais la communauté des chercheurs est sceptique. En excluant les acquisitions d’entreprises étrangères par la Chine en Hongrie, ils tombent à moins de deux milliards d’euros. « Même si nous acceptons le chiffre le plus élevé de cinq milliards d’euros, cela reste une toute petite part du stock total d’IDE [investissements directs étrangers – ndlr] en Hongrie », explique Tamás Matura, politologue spécialiste de la Chine. « On voit une véritable volonté politique côtés hongrois et chinois, mais cette coopération trouvera ses limites avec la taille de l’économie hongroise. La Hongrie a peu à offrir à la Chine », précise pour sa part l’analyste Pawe# Paszak, dans un podcast réalisé par le centre d’analyse des relations internationales Warsaw Institute. De façon plus générale, la politique étrangère d’« ouverture vers l’est » du Fidesz tarde à livrer des résultats : plus des trois quarts des échanges de la Hongrie se font encore avec les autres pays de l’Union européenne, une part qui n’a pas diminué au cours de la dernière décennie. Tensions avec Washington La lune de miel sino-hongroise n’est pas faite pour uploads/Finance/ article-939468.pdf
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- Publié le Dec 03, 2021
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