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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 La présidence Biden déjà menacée par le chaos au Congrès PAR ROMARIC GODIN ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 30 SEPTEMBRE 2021 © Photo Win McNamee / Getty Images via AFP Les divisions des démocrates placent les deux plans d’investissements dans les infrastructures et les dépenses sociales de Joe Biden dans l’impasse, alors même que l’opposition républicaine menace le pays d’un défaut de paiement en octobre. Le Capitole, siège du Congrès des États-Unis, est en plein chaos. Et cette fois, ce n’est pas le fait, comme en janvier dernier, d’une intrusion d’une meute d’extrême droite. C’est un chaos politique que la présidence Biden est incapable de réellement maîtriser et qui menace de ruiner une partie de ses ambitions affichées. Les élus états-uniens font face à deux immenses problèmes : le financement du gouvernement fédéral et le plan « Build Back Better », cœur du projet de Joe Biden. Sur les deux fronts, la présidence est très affaiblie par un Congrès divisé et morcelé. Un défaut des États-Unis en vue ? Le premier point est donc celui du financement du budget fédéral. Il se divise en réalité en deux volets. Le premier, c’est le budget fédéral lui-même. L’administration fédérale ne peut dépenser que ce que le Congrès a accepté de lui attribuer. Le budget fédéral arrive à expiration le 30 septembre et les deux chambres n’ont pas encore adopté ce financement. Au 1er octobre, les administrations fédérales se retrouveront à sec. C’est ce que l’on appelle le « government shutdown », ou mise à l’arrêt des activités gouvernementales. Ces dernières seront alors réduites à l’essentiel, la plupart des factures ne seront pas payées, tout comme une partie des salaires. Depuis dix ans, il y a eu trois shutdowns plus ou moins longs : seize jours en octobre 2003, trois jours en janvier 2018 et trente-cinq jours, record à ce jour, entre décembre 2018 et janvier 2019. Le Sénat américain lors d’une session nocturne à Washington, le 11 août 2021. © Photo Win McNamee / Getty Images via AFP Ce type d’événements n’est donc pas exceptionnel, mais la situation est plus complexe cette fois, car elle vient se doubler d’un blocage sur la « limite à l’endettement », le « debt ceiling ». Ce dispositif date de 1917 et limite la capacité d’endettement du gouvernement fédéral à un certain montant. C’est un dispositif avant tout politique destiné à rappeler la souveraineté du Congrès dans ce domaine. Depuis une vingtaine d’années, cette limite est régulièrement suspendue par le Congrès. Mais la dernière suspension a expiré le 1er août dernier et, désormais, le Trésor états-unien ne peut plus s’endetter au-delà de 28 400 milliards de dollars. Selon la secrétaire d’État au Trésor Janet Yellen, cette limite sera atteinte le 18 octobre. À cette date, il ne sera plus permis au Trésor d’émettre de nouvelles dettes. Le gouvernement des États-Unis ne pourra donc plus faire « rouler » sa dette, autrement dit s’endetter pour rembourser les dettes arrivant à échéance. Il fera donc défaut sur sa dette publique. Un tel scénario a, jusqu’ici, toujours été évité, malgré des menaces en 2006 et 2011. À ces dates, l’opposition avait obtenu des concessions de la présidence pour permettre une suspension de la limite. Si, cette fois, un tel scénario ne se reproduit pas, on entrera en territoire inconnu : la dette des États-Unis est plus qu’un moyen de financement du gouvernement fédéral, c’est aussi la principale réserve de valeur de nombreux gouvernements étrangers. C’est également la « matière première » du système financier mondial : avec les Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 bons du trésor états-uniens, on dispose d’un actif solide à son bilan que l’on peut apporter comme collatéral (garantie) auprès de toutes les banques centrales pour obtenir de la liquidité. Un défaut états- unien serait un désastre économique mondial. Seulement, pour l’éviter, il y a de nombreux obstacles au Sénat. Car, en matière budgétaire, un texte peut être bloqué indéfiniment par la « flibusterie parlementaire », une méthode consistant pour l’opposition à prendre indéfiniment la parole pour empêcher le vote. Pour contourner la difficulté et forcer au vote, il faut une résolution de 60 sénateurs sur 100. Dans le cadre actuel, il faut donc que dix sénateurs républicains acceptent le texte. Or les républicains sont décidés à ne pas entrer dans un processus de compromis et de négociations, à la différence de 2006 et 2011. Selon le leader de la minorité sénatoriale, Mitch McConnell, ce sont aux démocrates d’assumer le pouvoir et donc de se débrouiller pour passer l’obstacle. « La limite à l’endettement sera levée comme d’habitude, mais par les démocrates eux-mêmes », a-t-il martelé. Les républicains ne demandent donc rien, ils refusent simplement toute action bi-partisane. Dès lors, la proposition démocrate de permettre le financement du gouvernement fédéral après le 30 septembre et de relever la limite d’endettement a été rejetée lundi 27septembre par les républicains sans aucune forme de négociation. Leur calcul est simple : en cas de défaut, la faute en reviendrait dans l’opinion à Joe Biden et aux démocrates ; en cas de relèvement du plafond de la dette, ils pourraient rester sur leurs positions « vertueuses » et faire oublier les dérapages extrêmes du déficit sous la présidence de Donald Trump. En ligne de mire, on sent déjà les midterms, les élections de mi-mandat, qui se tiendront dans un an. En face, les démocrates sont divisés sur l’action à mener. La seule manière de contourner l’obstacle est la procédure de « réconciliation ». Elle permet de contourner la flibusterie en limitant à 20 heures les débats parlementaires et offre donc la possibilité d’un vote majoritaire simple. Mais cette procédure a plusieurs inconvénients. D’abord, elle est assez longue à mettre en place dans le calendrier parlementaire actuel. Il faut donc se hâter de la lancer ou elle risque d’arriver trop tard. Ensuite, elle ne permet que de relever la limite d’endettement, pas de la suspendre, ce qui est plus délicat et risque de conduire à un nouveau blocage rapidement, d’autant que, on va le voir, les plans Biden nécessitent de nouvelles ressources. Enfin, elle romprait une certaine unanimité bipartisane sur la question de la dette qui rassure les marchés en considérant que la dette états-unienne est acceptée par l’ensemble du spectre politique. C’est pour cette raison que le chef de la majorité sénatoriale Charles Schumer rejette cette option et a préféré déposer sur le bureau de la Chambre haute un projet de texte assurant le financement du gouvernement fédéral après le 1er octobre sans toucher, pour l’instant, à la limite d’endettement. Ce serait certes éviter l’arrêt des activités fédérales jusqu’à début décembre, mais ce serait aussi ignorer la question centrale de l’endettement qui va se reposer immédiatement. D’où la demande de la présidente (« speaker ») de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, de lancer au plus tôt une procédure de réconciliation. L’indécision des démocrates et le silence de la Maison- Blanche font dès lors peser une menace sur la première économie mondiale. Déjà, le président de JPMorgan Chase, Jamie Dimon, a annoncé, mardi 28 septembre, que sa banque se préparait pour un événement « potentiellement catastrophique ». L’impasse du plan Biden Mais il est vrai que les parlementaires états-uniens ont d’autres problèmes et pas des moindres. Car les deux plans de Joe Biden sont en discussion en ce moment et, sans surprise, cela ne se passe pas très bien. Pour faire face aux difficultés parlementaires, le président avait divisé en deux son plan de relance et l’avait réduit de 6000 à 4000 milliards de dollars. C’était un moyen d’apaiser les deux sénateurs démocrates centristes, Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 Kyrsten Sinema et John Manchin. Opposés aux plans Biden, ces deux sénateurs menaçaient de rejeter tout le plan si l’on ne parvenait pas à un accord bipartisan avec les républicains. Joe Biden avait donc accepté une proposition de centristes républicains et démocrates sur les investissements, ramenant le plan à 1 200 milliards de dollars sur dix ans, mais avec seulement 550 milliards de dollars de dépenses nouvelles. L’idée était de monnayer ce compromis pour obtenir un vote des deux sénateurs centristes sur un plan global de 3 500 milliards de dollars comprenant des dépenses sociales et des investissements d’avenir dans l’industrie et la transition écologique. Ce dernier plan, baptisé « Build Back Better » (BBB), devait faire l’objet, précisément, d’une procédure de réconciliation, contournant l’opposition républicaine. Seulement, comme on pouvait s’y attendre, les deux sénateurs centristes n’ont pas du tout joué ce jeu. Ils ont rapidement profité de leur droit de veto de fait sur le plan BBB pour demander que l’on en réduise le montant. John Manchin a estimé que 2 000 milliards de dollars étaient suffisants. En tout état de cause, la stratégie de Joe Biden semble avoir échoué : Manchin et Sinema refusent de voter ce plan. Mardi 28 septembre, ils ont été reçus à la Maison-Blanche, mais ont uploads/Finance/ article-985881.pdf

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  • Publié le Mar 05, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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