Axiomatisation et r´ eduction des paradigmes sociologiques: Note sur le program
Axiomatisation et r´ eduction des paradigmes sociologiques: Note sur le programme w´ eb´ ero-simm´ elien Dominique Raynaud To cite this version: Dominique Raynaud. Axiomatisation et r´ eduction des paradigmes sociologiques: Note sur le programme w´ eb´ ero-simm´ elien. L’Ann´ ee sociologique, 2005, 55 (1), pp.231-257. <halshs- 00005697> HAL Id: halshs-00005697 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00005697 Submitted on 16 Nov 2005 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. 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En outre, cette réduction des paradigmes permet de souligner la continuité existant entre tous les programmes de recherche qui revendiquent l'un ou l'autre de ces héritages (actionnisme, analyse stratégique, relationnisme, interactionnisme concret, sociologie des réseaux). Les différences constatées ne tiennent pas à une incommensurabilité des paradigmes, mais au fait que ces programmes de recherche se focalisent sur des aspects différents d'un même paradigme. Mots-clefs : Simmel, Weber, programmes de recherche, axiomatisation, sociologie nominaliste. Summary: A wide range of paradigms is often taken as a sign of the prescientific status of a discipline. That's why this paper is focused on the reduction of sociological paradigms. It is shown that, beyond the differences between Simmel's formal sociology and Weber's comprehensive sociology, they are reduceable to the common paradigm of nominalist sociology, of whom we propose the axiomatisation. Moreover, the paradigms' reduction accentuates the continuity between all the programmes that claim one or the other of those legacies (actionnism, strategical analysis, relationism, practical interactionnism, network sociology). Such differences don't result from the incommensurability of paradigms; they are due to the fact that these research programmes focuse on different facets of a same paradigm. Key words: Simmel, Weber, research programmes, axiomatisation, nominalist sociology. Introduction Une des raisons pour lesquelles le statut scientifique de la sociologie est souvent mis en doute tient au fait qu'il existe, dans cette discipline, une grande diversité de paradigmes. C'est ce qui donne l'impression à l'observateur extérieur que la sociologie serait « un marécage, un mélange sombre de ce qui est évident et de ce qui est obscur », selon le mot du biologiste 1 Université Pierre-Mendès-France, BP 47, 38040 Grenoble Cedex 9, dominique.raynaud@upmf-grenoble.fr. AXIOMATISATION ET RÉDUCTION DES PARADIGMES 2 John Tyler Bonner rapporté par Bunge (1983: 163). Un travail d'articulation et de réduction des paradigmes est donc à même de contribuer à une meilleure perception du statut de cette discipline. Il conviendrait, en premier lieu, de remplacer le terme de « paradigme » — qui ne compte pas mois de quatorze acceptions distinctes dans le texte de Kuhn (1983) — par le terme plus régulier de « programme de recherche » proposé par Lakatos (1994). Le bénéfice est que ce terme ne renvoie pas à un cadre flou mais à des opérations concrètes de pensée. Nous nous inspirons ici des recommandations de Berthelot, qui définit le programme comme « une orientation de recherche inscrite dans un corps d'axiomes défini et susceptible de s'appliquer à des domaines de réalité divers » (2001: 498). Cela suggère très directement de viser cette clarification par une axiomatisation de la sociologie, qui se présenterait comme une suite articulée de propositions fondamentales (notions premières et définitions, axiomes, théorèmes, lemmes et corollaires), un peu à la manière des Éléments d'Euclide. Quant au rapport entre les divers programmes de recherche de la sociologie, il sera perçu ici sous l'angle de la réduction. Le travail que nous nous proposons de faire s'inscrit dans une perspective d'épuration logique et de suppression des doublons. Nous nous rapprochons en cela de la ligne d'approche développée par Merton (1953), Coenen-Huther et Hirschhorn (1994), Boudon (1995a), Berthelot (2001), etc. dans leur tentative d'articuler ou de clarifier le contenu des différents programmes sociologiques. Mais à la différence de certains travaux, remarquables par ailleurs, nous viserons des auteurs proches sur l'échiquier de la sociologie — quoiqu'on ait fait valoir certaines difficultés à rapprocher Weber et Simmel2 — et nous souhaitons entreprendre ce travail par le bas (analyse de programmes particuliers) plutôt que par le haut (survey de la sociologie). Il nous paraît en effet prématuré de viser directement la reconstruction d'une théorie d'arrière-plan des sciences sociales. Quant aux objections de principe adressées à cette perspective d'analyse rationnelle et de réduction des programmes de recherche — elle réduirait la multiplicité des formes de production; elle privilégierait la structure logique au détriment des contenus — il leur a été opposé des arguments3 sur lesquels nous ne jugeons pas utile de revenir. 2 Voir en particulier Watier (1996), à propos de la critique de Simmel par Weber, dont le texte est donné par Villa (1998), et la position de Edward Shils dont il est rendu compte dans Parsons (1998). 3 « — La thèse de l'irréductibilité et de la multiplicité des formes du réel […] a le défaut majeur d'être stérilisante AXIOMATISATION ET RÉDUCTION DES PARADIGMES 3 1. L’axiomatique simmélienne Georg Simmel (1858-1918) a exposé dans plusieurs textes le paradigme que lui semble devoir suivre la sociologie qu'il qualifie de « sociologie formelle » [formale Soziologie]. On trouvera ci-après les passages qui ont un caractère nettement programmatique. « Si l'on veut que la sociologie existe comme science particulière a, il faut donc que le concept de société en tant que tel […] soumette les données socio-historiques à une abstraction et à une réorganisation nouvelles […]. Il y a société là où il y a action réciproque [Wechselwirkung] de plusieurs individus b. Cette action réciproque naît toujours de certaines pulsions ou en vue de certaines fins. » (1999: 43). « Tout ce que les individus, le lieu immédiatement concret de toute réalité historique, recèlent comme pulsions, intérêts, buts, tendances, états et mouvements psychiques, pouvant engendrer un effet sur les autres ou recevoir un effet venant des autres — voilà ce que je définis comme étant le contenu c de la socialisation4 […]. » (1999: 44). « Les formes d de l'action réciproque ou de la socialisation ne peuvent être réunies et soumises à un point de vue scientifique unitaire que si la pensée les détache des contenus e, qui ne deviennent des contenus sociaux que par elles — voilà, me semble-t-il, le seul fondement qui rende pleinement possible une science f spécifique de la société en tant que telle. » (1999: 45). « Tout comme la géométrie, la sociologie abandonne à d'autres sciences l'étude des contenus g qui se présentent dans ses formes […]. On prélève ce que ces phénomènes complexes ont de régulier, par une sorte de coupe transversale, ce qui a pour effet de neutraliser ce qu'il y a en eux d'irrégulier — autrement dit ici les intérêts liés au contenu. Par conséquent, il faut travailler sur toutes les grandes relations et actions réciproques h qui forment la société […]. » (1999: 49-50). « Il semble en revanche qu'on élargira le classement en distinguant, dans la théorie des relations entre les hommes, celles qui sont constitutives d'une unité, c'est-à-dire des relations entre les hommes au sens le plus et triviale; ce n'est qu'en recherchant des principes d'ordre et de réduction qu'en philosophie des sciences comme ailleurs, on peut produire une science digne de ce nom, c'est-à-dire susceptible d'être soumise à l'épreuve de recherches concrètes et de rectifications successives; — L'accent mis sur la structure logique interne des théories, permettant de les rattacher en dernière instance à des programmes et des schèmes, plutôt qu'à des idéologies, des visions du monde, des styles discursifs ou des rhétoriques résulte du postulat rationaliste et analytique selon lequel, dans sa visée, toute discipline scientifique ambitionne de fournir une explication rationnelle et fondée de son domaine de réalité. » (Berthelot, 2001: 485-486). 4 Quoique la tendance actuelle soit de rendre Vergesellschaftung par « socialisation » (e.g. Simmel, 1999) on a parfois traduit le mot par « sociation » de manière à éviter certaines ambiguïtés, cf. Freund (1981: 84). AXIOMATISATION ET RÉDUCTION DES PARADIGMES 4 strict du terme, des autres relations, qui agissent contre l'unité i. Mais il faut songer maintenant que toute relation historique réelle participe ordinairement de ces deux catégories j. » (1999: 266). Voici, de prime abord, comment il nous semble devoir retranscrire les propositions fondamentales uploads/Finance/ axiomatisation-as.pdf
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- Publié le Aoû 29, 2021
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