Chapitre 16 – Stratégies et soutenabilité du développement : A la suite du proc

Chapitre 16 – Stratégies et soutenabilité du développement : A la suite du processus de décolonisation dans la seconde moitié du 20e siècle, les pays nouvellement indépendants vont accomplir différentes stratégies pour sortir du sous-développement. Dans un premier temps (1950s-1980), l’Etat va se voir accorder un rôle primordial tant à l’Ouest où domine le keynésianisme qu’à l’Est où domine le socialisme (I). Dans un second temps, face aux défaillances des PED dans leurs stratégies autonomes de développement révélées par la crise de la dette des 1980s, et pour les aider à surmonter leurs blocages structurels et rembourser leurs dettes, les institutions financières internationales vont prôner le désengagement de l’Etat et le libre jeu du marché (II). Mais au regard de la brutalité et de l’échec de l’ajustement structurel, un nouveau paradigme du développement émergera dans les 1990s (III). I- Les stratégies d’industrialisation (1950s-début 1980s) : A) Les fondements des stratégies d’industrialisation : -Influencés par A. Lewis, la plupart des pays du tiers-monde vont choisir de privilégier l’industrie au détriment de l’agriculture, pour bénéficier des effets d’entrainements sur les autres secteurs par l’intermédiaire des gains de productivité et d’un accroissement de la qualité de la main-d’œuvre. -Mais dans quelles branches de l’industrie investir ? Deux thèses s’opposent alors. R. Nurske et P-R Rodan se feront les chantres de la « croissance équilibrée », consistant à répartir les investissements dans toutes les branches industrielles afin d’assurer simultanément l’équilibre en l’offre et la demande pour éviter tout déséquilibre. De l’autre côté, A. Hirschman (Stratégie du développement économique, 1958), F. Perroux (L’économie du XXe siècle, 1961) et G. Destanne de Bernis prônent la « croissance déséquilibrée », stratégie inspirée du modèle stalinien, consistant à concentrer les investissements dans les industries lourdes (cad à fort coefficient de capital K L ). La croissance généralisée sera censée en découler, via les effets d’entrainement. B) Le développement autocentré : -A la suite de spécialisations défaillantes (souvent dues à un passé de colonie) et d’une dégradation des termes de l’échange, les PED vont fonder leur industrialisation sur le développement du marché intérieur. La majorité d’entre eux suivent la voie préconisée par la CEPAL et R. Prebisch, qui reprennent le « protectionnisme éducateur » de F. List, à savoir « l’industrialisation par substitution aux importations » (ISI). Il s’agit de se libérer de la dépendance envers le centre en substituant progressivement la production nationale aux importations. Elle suppose un financement des investissements massifs, dont se chargera la Banque mondiale. Le développement doit être assuré par une stratégie de « remontée de filière » en amont, consistant à produire d’abord des biens de consommation basique (alimentaires, textiles) puis des biens plus élaborés (chimie, puis biens industriels, puis biens d’équipement). A terme donc, cette stratégie doit aboutir à une production industrielle diversifiée. -Une autre voie, suivie en particulier par l’Inde dans les 1950s et l’Algérie à partir de 1967, est la stratégie des « industries industrialisantes » : l’idée est de construire une industrie non vers l’amont mais vers l’aval grâce à une politique volontariste de l’Etat et une planification. Inspirée de l’expérience soviétique et des thèses de la « croissance déséquilibrée », elle consiste pour l’Etat à investir dans les secteurs stratégiques pour constituer des « pôles leaders » qui, via des effets d’entrainements, propageront le développement dans tous les secteurs industriels en aval (industrie « industrialisante »). -Mais ces deux stratégies sont autant d’échecs : force est de constater que la pauvreté et les inégalités sont toujours fortement présentes. Pourquoi ? Ces pays ont un marché intérieur fondamentalement insuffisant à assurer les débouchés aux produits industriels, et les biens d’équipement ne sont pas compétitifs sur le marché international ; en effet, le protectionnisme réduit la concurrence et l’innovation. De plus, l’ISI nécessitait d’importer initialement les technologies et les biens d’équipement des PDEM, ce qui va générer un déficit important de leur balance des paiements, qui va déboucher sur la « crise de la dette » à partir de 1982. C) Le développement extraverti : -Une partie du tiers-monde va suivre une autre stratégie, celle du « développement extraverti », passant par une participation croissante au commerce international, suivant en cela les principes ricardiens des avantages comparatifs. Cette stratégie prend une première forme, celle de « l’industrialisation par exportation de produits primaires ». Ce sont en particulier les PED dotés de ressources naturelles abondantes comme le pétrole. L’idée est que les bénéfices tirés de ces exportations doivent permettre d’importer des biens d’équipement pour favoriser l’industrialisation du pays ; mais spécialisés dans une monoculture, ces pays subissent une dégradation des termes de l’échange, la forte volatilité des cours des produits primaires ainsi que les pratiques protectionnistes des pays du Nord. De plus, conformément à la loi d’Engel (1857), la part du revenu allouée aux dépenses alimentaires est d’autant plus faible que le revenu est élevé ; à cela s’ajoute que le progrès technique dans les PDEM permet de substituer des matières synthétiques aux matières premières. Enfin, à l’exception des pays de l’OPEP, les PED qui mettent en place cette stratégie sont touchés par la « malédiction des ressources naturelles » (R. Auty, 1990), due à la captation des richesses par une oligarchie corrompue (comme Mobutu au Zaïre) et font aujourd’hui partie des PMA et du « milliard d’en bas » (P. Collier, The Bottom Billion, 2007) du fait de cette spécialisation défaillante. -La seconde forme de développement extraverti est la stratégie « d’industrialisation par substitution aux exportations ». Elle est initiée dès les 1950s par Hong-Kong et Singapour, rejoints dans les 1960s-1970s par la Corée du Sud et Taïwan (qui deviennent les « Dragons » ou « NPIA ») et certains pays d’Amérique latine comme le Brésil, le Chili ou le Mexique. Dans les 1980s, la Thaïlande, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines les rejoignent (ce sont les « Tigres »). Il s’agit de substituer progressivement aux exportations de produits primaires des produits de plus en plus élaborés par la « remontée de filières » (modèle de développement en « vol d’oies sauvages », Kaname Akamatsu, 1937), tout en s’ouvrant aux IDE des FMN par une politique de main d’œuvre bon marché, pour bénéficier des technologies à la pointe, et en acceptant un rôle de l’Etat soutenu (stratégie « governed market », Robert Wade, 1990). Cette stratégie fut un succès éclatant pour les NPIA : elle conjuguait à merveille protectionnisme éducateur (développement des industries naissantes exportatrices) et ouverture au commerce international. L’insertion de la Chine dans l’économie mondiale se rapproche de ce modèle d’industrialisation : D. Xiaoping à partir de 1978 lance sa politique des « quatre modernisations » pour libéraliser l’économie chinoise et crée les premières zones économiques spéciales (ZES) en 1979 pour attirer les IDE étrangers. II- Le tournant libéral des modèles de développement (1980s) - Entre 1968 et 1980, la dette du tiers-monde est multipliée par 12. Cela est dû à la forte demande des PED pour financer leur industrialisation au cours des 1960s et 1970s car ils sont en besoin de financement (S-I < 0). Ce recours à l’endettement a été facilité par les taux d’intérêt nominaux très bas pratiqués par la Fed. Mais en 1979, quand Volcker relève les Fed Funds à 19% pour lutter contre l’inflation, le remboursement des prêts des PED se voit renchérit. Le Mexique se déclare en cessation de paiement en 1982, avant d’être suivi par le Brésil et l’Argentine : c’est la « crise de la dette », qui marque l’entrée dans « la décennie perdue du développement » (H. Singer). -Les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) vont alors consentir à de nouveaux prêts en contrepartie de l’application de « plans d’ajustements structurels » (PAS) : l’idée est que l’échec des stratégies de développement autocentré est causé par une place trop importante de l’Etat dans l’économie et une trop faible ouverture au commerce international ; les concepts de libéralisation, de privatisation et de dérégulation sont donc au cœur de ces plans, et relèvent du terrain d’expérimentation libéral du « consensus de Washington » (J. Williamson). -Mais les PAS subissent de nombreux échecs qui font éclater leur remise en en cause au cours des 1990s. Elles ne suscitent pas la croissance économique espérée, et provoquent même parfois la pauvreté et l’enfoncement supplémentaire dans le sous-développement : en effet, le démantèlement forcé du service public, la réduction des dépenses publiques de santé ou d’éducation imposés provoquent des reculs importants en terme d’alphabétisation ou de mortalité infantile. La charge de la dette s’accroit, et la critique des PAS atteint son paroxysme lorsque se multiplient les crises financières dans les PED (Mexique en 1994, Asie en 1997, Russie en 1998, Brésil en 1999, Argentine en 2002). J. Stiglitz est la figure de proue de cette critique ; dans La Grande Désillusion (2002), il reprochera aux institutions financières internationales d’avoir une conception uniquement libérale du développement qu’il qualifie de « fanatisme du marché » avec un modèle prétendument généralisable à tous les pays : cette « thérapie de choc » (J. Sachs) que sont les PAS, uploads/Finance/ chap-16-strate-gies-et-soutenabilite-du-de-veloppement.pdf

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  • Publié le Sep 29, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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