Chapitre 9 – La croissance économique La croissance se définit comme « l’augmen
Chapitre 9 – La croissance économique La croissance se définit comme « l’augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension pour une nation, le produit global net en termes réels » (F. Perroux, L’économie du 20 e siècle, Paris, PUF, 1961). I- La croissance économique : définitions, mesures, limites : -On distingue plusieurs types de croissance. La croissance potentielle (permise par la pleine utilisation des facteurs de production disponible) qu’on distingue de la croissance effective, la croissance extensive (augmentation des volumes de facteur L et K) qu’on distingue de la croissance intensive (augmentation de la PGF représentée par a dans la fonction Cobb-Douglas, 1928). -La croissance se distingue du progrès et du développement. Elle n’en est que la face quantitative : J-M Harribey note que « développement ne rime pas forcément avec croissance » (2004). La croissance peut même augmenter la pauvreté et les inégalités sociales, ou même être « appauvrissante » (J. Bhagwati, 1958) en raison de la détérioration des termes de l’échange ( indice des prix X indicedes prix M x100). Elle peut aussi aller à l’encontre d’une croissance verte et soutenable. -Mesurée à l’aide du PIB, la croissance ne prend pas en compte les activités non-marchandes, l’économie informelle, et intègre positivement les externalités négatives. Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi (septembre 2009) proposait ainsi de modifier la mesure du PIB en prenant en compte des facteurs qualitatifs. Nordhaus et Tobin eux insistaient sur la mesure du bien-être économique. A. Sen proposa lui en 1990 l’IDH. II- La croissance économique du 19 e siècle (1769-1914) : A) La première Révolution industrielle (1769-1840) : Une constellation d’innovations fait son apparition dans les 1760s en Angleterre (spinning jenny d’Hargreaves en 1765, water frame d’Arkwright en 1767, mule-jenny de Crompton en 1779) et constituent un « système technique » (B. Gille, Histoire des techniques, 1968). L’économie britannique passe progressivement du domestic system au factory system (P. Mantoux) avec une concentration des travailleurs dans les usines pour rationaliser la production et gagner en efficacité (M. Weber). Cette concentration est permise par les innovations agricoles (assolement triennal) qui permet la « révolution agricole », qui débouche sur un certain déversement, accompagné par le mouvement des enclosures (expulsion des cottagers) ; la combinaison des deux entraine l’exode rural qui vient fournir une main d’œuvre importante à l’industrie, une « armée de réserve » essentielle à l’existence d’un profit (K. Marx, Le Capital, 1867). De plus, la Grande-Bretagne entre dans la deuxième phase de sa « transition démographique » (F. Notestein, 1945) ce qui fait croitre la population et ce faisant la demande. Enfin, l’ouverture sur le monde est permise par la « révolution des transports » (R. Marx), qui permet l’accentuation des échanges : c’est d’abord le bateau à vapeur, puis progressivement le chemin de fer suite aux travaux de G. Stephenson. B) La deuxième Révolution industrielle (1870-1914) : Dans la phase B de Kondratiev qui correspond à la « Grande Dépression » (1873-1896), les innovations se succèdent : T. Edison met en place la 1e ampoule électrique (1879), Daimler construit la première voiture du nom de Daimler Stahlradwagen (1889). Ces innovations proviennent d’une « collaboration fructueuse entre industriels et savants » (Daumas), Joël Mokyr dans The Gifts of Athena (2003) nous rappelant que la Révolution industrielle est la conséquence d’une dialectique entre sciences et techniques. L'enseignement prend également une place de plus importante, et la figure de l’ingénieur devient majeure. III- Le marasme européen de l’entre-deux guerres (1918- 1945) : Après la « Grande Guerre », les Etats-Unis deviennent la première puissance industrielle et les créanciers du monde. Ils exploitent très tôt les innovations de la seconde Révolution industrielle, et mettent en place une organisation taylorisée précoce (années 1910s-1920s) notamment dans le secteur de l’automobile. Suite au krach, ils prennent même le luxe d’abandonner le libre-échange au profit du protectionnisme (Fordney- McCumber en 1922, Smoot-Hawley en 1930) dans la mesure où ils sont une puissance agricole autosuffisante. L’Europe, de son côté, s’enlise dans les réparations de guerre, et subit le krach de 1929. Après une période « d’années folles », le commerce mondial et la croissance chutent, les pays se replient sur eux-mêmes et se livrent à une guerre des monnaies. IV- Les Trente Glorieuses (1946-1975) : D. Landes, dans sa description du Paris de 1948, affirme que « La France n’était pas encore vraiment entrée dans le 20e siècle » (Richesse et pauvreté des nations, 1998). Mais la situation va très vite évoluer. Soutenue par une main d’œuvre étrangère et un certain optimisme général (« retroussons nos manches ! »), la reconstruction au lendemain de la Seconde Guerre mondiale fait atteindre un pic de croissance de 9% entre 1946 et 1950. Toute une logique, inspirée des thérapeutiques de J-M Keynes et favorisée par l’action des multiplicateurs se met ensuite en marche ; elle se traduit par un consensus sur la nécessité d’agir sur la demande, aussi met-on en place un Etat-providence dans le cadre de la politique de hauts revenus du fordisme, permettant désormais à la consommation de masse de suivre la production de masse. Cette logique vertueuse est accompagnée par une certaine stabilité monétaire garantie par le système de Bretton-Woods (22 juillet 1944). D’un point de vue commercial, le GATT (30 octobre 1947) et ses différents cycles permettent un abaissement des tarifs douaniers et la reprise du commerce mondial ; côté européen, les traités de Rome (25 mars 1957) donnent naissance à la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et au projet d’une Europe économique. L’Europe se modernise, s’équipe en biens de consommation durables, et rattrape les Etats-Unis. V- De la crise de 1973 à la « nouvelle économie » : -L’inflation structurelle à l’œuvre pendant les Trente Glorieuses laisse place à une inflation de crise, et ne saurait désormais combattre le chômage en vertu de la relation de la courbe de Phillips (1960) : les politiques keynésiennes françaises se heurtent à la contrainte extérieure et aux mécanismes propres à une économie ouverte : en bref, « la stagflation contribua ainsi de façon décisive à remiser au placard les enseignements de la théorie keynésienne » (J. –P. Fitoussi, Le Théorème du lampadaire, 2013, p. 38). Les gouvernements s’orientent donc vers les thérapeutiques monétaristes, le passage aux changes flottants signe la « seconde mort de Keynes » (J. Rueff, « La fin de l’ère keynésienne », Le Monde, 19, 20 et 21 février 1976) et la priorité est donnée à l’éradication de l’inflation. C’est également la remise en cause du fordisme, comme le souligne l’Ecole de la Régulation, à la fois dans le rapport salarial, l’économie d’endettement (les marchés financiers sont libéralisés et on passe de plus en plus par un financement sur les marchés), et la demande de plus en plus segmentée et non plus standardisée. -A partir des 1990s, une nouvelle vague de croissance emporte les Etats- Unis, qui bénéficient de la « nouvelle économie » avec les NTIC. On entre alors dans une « économie de la connaissance » et de l’immatériel dans ce que Y. Moulier-Boutang qualifie de Capitalisme cognitif (2007). Cette société est marquée par la prépondérance des externalités puisque l’information est démultipliable à l’infini et qu’elle constitue un « bien public » aux rendements croissants. Ce n’est pas un hasard si la stratégie de Lisbonne (2000) en Europe ait visé à « faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde ». Mais de nouveaux problèmes apparaissent : les ouvriers les moins spécialisés dans ces technologies forment une « nouvelle armée de réserve » car l’économie s’est transformée en une économie de « superstars » (S. Rosen, 1981) ; de plus, l’accès inégal et différencié aux nouvelles technologies entre les territoires interroge sur la « fracture numérique » (J. Attali, 2008) ; J. Rifkin y voit « la fin du travail » (1995) puisque nous serions en marche vers « une société de l’information presque dépourvue de travailleurs » ; tandis que les travaux de G. Akerlof et J. Stiglitz (prix Nobel 2001) insistent sur le capitalisme du « bluff » et du doute dans lequel nous sommes entrés, à cause des asymétrie d’information. VI- Les théories de la croissance économique : A) Les théories traditionnelles de la croissance : Dès la fin du 18e siècle-début du 19e siècle, les classiques développent des théories sur la croissance. A. Smith développe une vision optimiste, mettant en avant que la croissance repose sur la division du travail et donc que la taille des marchés est essentielle (on parle de « croissance smithienne »). D. Ricardo et R. Malthus se font plus pessimistes, faisant tout deux reposer la fin de la croissance sur la croissance de la population. K. Marx reprendra Ricardo en annonçant la loi de la baisse tendancielle des taux de profit et la fin imminente du capitalisme. J-S Schumpeter enfin fera reposer la croissance sur le progrès technique et sa diffusion par « grappes ». B) Croissance équilibrée ou croissance déséquilibrée ? -Marqués par la dépression de 1929, les keynésiens Harrod (1948) et uploads/Finance/ chap-9-la-croissance-e-conomique.pdf
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- Publié le Apv 12, 2022
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