Ecole Supérieure des Affaires Marc R. FIEVET – comptabilité générale & droit co

Ecole Supérieure des Affaires Marc R. FIEVET – comptabilité générale & droit comptable – tome I Chapitre III CHAPITRE III : FONDEMENTS ET PRINCIPES DE LA COMPTABILITE EN PARTIE DOUBLE En guise d’introduction à ce chapitre extrêmement important, je vous propose de réfléchir sur les stratagèmes suivants, qui ont secoué le monde des affaires et perturbé Wall Street (la Bourse de New York) en ce début du XXIème siècle. « Imaginons que vous soyez glacier : comment faire fortune dans une activité aussi peu lucrative ? Eh bien, sachez que chaque gros scandale financier découvert ces temps-ci incarne une stratégie différente pour s’enrichir sur le plan personnel. Commençons par la stratégie Enron1. Vous signez des contrats par lesquels vous vous engagez à fournir un cornet de glace par jour et par client pendant les trente ans à venir. Vous sous-évaluez à dessein le coût unitaire de cette prestation, puis vous inscrivez au compte de résultat de l’exercice en cours l’ensemble des bénéfices que vous projetez de faire sur les futures ventes de cornets. Et voilà que tout le monde acclame soudain ce miracle de rentabilité. Ainsi vous pouvez vendre des actions à des prix exorbitants. Passons à la stratégie Dynegy2. La vente de crèmes glacées n’est manifestement pas rentable, mais vous parvenez tout de même à convaincre les investisseurs qu’elle finira par l’être. Ensuite, vous concluez discrètement un accord avec un autre glacier du quartier : chacun achètera des centaines de cornets à l’autre tous les jours. Ou, plutôt, chacun fera semblant de le faire : pourquoi se fatiguer à transporter tous ces cartons d’un établissement à l’autre ? Du coup, vous donnez l’impression d’être un acteur de premier plan sur un marché d’avenir. Ce qui vous permet de vendre des actions à des prix exorbitants. N’oublions pas la stratégie Adelphia3. Vous signez des contrats avec des clients, puis vous amenez les investisseurs à se concentrer sur le volant de contrats plutôt que sur leur rentabilité. Pas la peine, cette fois-ci, de simuler des transactions : il suffit d’inventer une foule de clients imaginaires. La croissance rapide de votre clientèle amène les analystes financiers à vous noter très favorablement. Ce qui vous permet de vendre des actions à des prix exorbitants. Pour finir, la stratégie WorldCom4. Dans ce cas, laissez tomber les ventes fictives ; escamotez plutôt vos coûts réels en intégrant les dépenses courantes – sucre, crème fraîche, nappage au chocolat – dans le prix d’acquisition d’un nouveau congélateur. Soudain, votre entreprise si peu lucrative apparaît sur le papier comme un modèle de rentabilité qui s’endette exclusivement pour financer le renouvellement de son matériel. Ce qui vous permet de vendre des actions à des prix exorbitants. 1 Enron était une gigantesque entreprise texane active dans le secteur du gaz naturel et le courtage en électricité. Elle fit faillite suite à ses énormes pertes (spéculation sur le marché de l’électricité) maquillées en super profit par des manipulations comptables. Le Cabinet de réviseur qui contrôlait ses comptes, Arthur Andersen, un des plus grands du monde, fut entraîné dans sa chute. 2 Entreprise texane de production d’électricité : faillite en 2002 (puis une nouvelle fois en 2012). 3 Adelphia Communication Corporation, cablo distributeur US qui fit faillite en 2002. 4 Entreprise US spécialisée en télécom, faillite en 2002 après avoir déclaré 11 milliards de $ de bénéfices fictifs. Ecole Supérieure des Affaires Marc R. FIEVET – comptabilité générale & droit comptable – tome I Chapitre III Ah, oui, j’ai failli oublier : comment vous enrichir personnellement ? Le moyen le plus facile consiste à vous attribuer beaucoup de stock-options et à profiter ainsi du gonflement artificiel du cours de votre action. Il vous est également possible de créer, à la manière d’Enron, des special purpose entities (entités ad hoc exclues du bilan de la maison mère et utilisées notamment pour loger ses pertes), d’ajouter des crédits personnels (comme chez Adephia) et ainsi de suite pour améliorer vos gains déjà spectaculaires. Comme il est bon d’être directeur général ! Ce menu de magouilles inspire quelques réflexions inquiétantes. D’abord, chacun des gros scandales révélés à ce jour repose sur une escroquerie différente. Du coup, se raconter que peu d’entreprises ont pu recourir aux mêmes astuces qu’Enron ou Worldcom n’est pas si rassurant puisque les « comptables créatifs » ont sans doute su en inventer d’autres. Ensuite, les ficelles utilisées n’auraient pas dû être si difficiles à déceler. La direction de WorldCom affirme à présent que 40 % des prétendues immobilisations du dernier exercice étaient bidon, qu’elles correspondaient en réalité à des frais d’exploitation. Comment se fait-il que des acteurs pleinement conscients des risques de fraude – auditeurs, banquiers, autorités de réglementation - n’aient pas remarqué quelque chose d’aussi énorme ? La réponse est, bien sûr, qu’ils ne voulaient pas le voir – ou qu’on les a empêchés de remédier à la situation. » Ce texte est extrait d’une chronique intitulée « Parfums de fraude » publiée en juin 2002 dans le New-York Times par le Professeur Paul KRUGMAN5. Les managers responsables de ces fraudes parlent de « pratiques comptables agressives » ; aux yeux des tiers, les comptabilités de ces sociétés paraissaient on ne peut plus régulières, par ailleurs certifiées par les plus grand cabinets mondiaux de réviseurs (Arthur Andersen dans le cas d’Enron). Si nous avons tenu à exposer ces fraudes, c’est pour que vous compreniez ceci : la simple application de « techniques comptables » peut mener à des aberrations ; ces techniques doivent être encadrées par un DROIT COMPTABLE qui pose les fondements juridiques de la comptabilité et définit les obligations et les règles d’évaluation applicables. Une règle d’évaluation décrit (et impose) la manière dont les montants des postes du bilan et du compte de résultats doivent être valorisés, « calculés » ; ces règles se trouvent essentiellement dans l’AR/CSoc. Exemples :  les stocks de marchandises sont valorisés à leur prix d’achat (hors TVA), sauf si le prix du marché (de revente) lui est inférieur ;  les créances client doivent faire l’objet de réduction de valeur dès lors que l’on a des doutes sur leur solvabilité ;  le prix d’achat (que l’on inscrit au compte de résultat) inclut un certain nombre de frais connexes, tels que les frais de transport et les taxes non récupérables6. 5 Paul Krugman (1953), économiste US, Université de Princeton, USA, prix Nobel 2009 – textes repris dans son ouvrage « L’Amérique dérape », pages 120-121, Flammarion, 2004 6 Les règles d’évaluation seront décrites avec précision ultérieurement, notamment dans le tome 2. Ecole Supérieure des Affaires Marc R. FIEVET – comptabilité générale & droit comptable – tome I Chapitre III Section 1 : fondements légaux PERSONNALITE COMPTABLE & « GOING CONCERN » Juridiquement, l’entreprise constitue une entité distincte de l’entrepreneur individuel (personne physique) ou des associés (sociétés et autres associations). Alors que seules les sept formes de société prévues par le Code des Société disposent de la personnalité juridique, toutes les « entreprises » telles que définies à l’article III.83 du CDEco ont une « personnalité comptable » ; l’article spécifie les champs d’activités couverts par la comptabilité. Dans ce domaine, la durée de vie de l’entreprise est considérée comme illimitée (PRINCIPE DE CONTINUITE DE L’ENTREPRISE OU « GOING CONCERN ») ; les règles d’évaluation de son patrimoine seront donc mises en œuvre dans cette perspective ; ainsi, les éléments d’actif tels que les immobilisations seront évalués en fonction de leur utilisation et non de leur réalisation (= de revente) ; tel est le prescrit de l’article 28 §1 AR/CSoc. Ceci implique, sauf exception dûment justifiée, la PERMANENCE DES METHODES COMPTABLES, imposée par l’article 30 AR/CSoc : les règles d’évaluation, une fois fixées conformément à l’article 28 §1, seront appliquées de manière identique d’un exercice à l’autre. ENREGISTREMENT DES OPERATIONS L’article III.86 al.1 du CDEco précise : « toute écriture s’appuie sur une pièce justificative datée et porte un indice de référence à celle-ci ». Les pièces justificatives doivent être conservées, en original ou en copie, durant 7 ans et être classée méthodiquement. Ce délai est réduit à 3 ans pour les pièces qui ne sont pas appelées à faire preuve à l’égard de tiers. Par PIECES JUSTIFICATIVES, on entend notamment :  factures et documents assimilés ;  extraits de comptes bancaires ;  pièces de caisse ;  bulletins de paie du personnel ;  tableau d’amortissement d’immobilisés ;  inventaire des stocks ;  avertissement extrait de rôle fiscal ;  ………. (liste non exhaustive – voyez les avis CNC 2011/21 et 174/1, III.B.). L’article III.83 cité ci-dessus implique l’UNIVERSALITE de la comptabilité de l’entreprise ; aucune opération (au sens large) n’y échappe. Ecole Supérieure des Affaires Marc R. FIEVET – comptabilité générale & droit comptable – tome I Chapitre III PRINCIPE DE NON COMPENSATION Un principe très important (vraiment « very » important) est celui de la NON COMPENSATION, prescrit par l’article 25 §2 AR/CSoc. Exemples :  si l’entreprise est à la fois fournisseur et cliente d’une autre entreprise, uploads/Finance/ chapitre-3-compta.pdf

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  • Publié le Nov 27, 2021
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
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