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Extrait de la publication Dette 5000 ans d’histoire Voici un livre capital, best-seller aux États-Unis – près de 100 000 exemplaires vendus – écrit par l’un des intellectuels les plus influents selon le New York Times et initiateur d’Occupy Wall Street à New York. Un livre qui, remettant en perspective l’histoire de la dette depuis 5 000 ans, renverse magistralement les théories admises. Il démontre que le système de crédit, apparu dès les premières sociétés agraires, précède de loin l’invention des pièces de monnaie. Quant au troc, il n’a été qu’un pis-aller et ne s’est réellement développé que dans des situations particulières ou de crise. La dette a donc toujours structuré nos économies, nos rapports sociaux et jusqu’à nos représentations du monde. David Graeber montre que le vocabulaire des écrits juridiques et religieux de l’Antiquité (des mots comme « culpabilité », « pardon » ou « rédemption ») est issu en grande partie des affrontements antiques sur la dette. Or il fonde jusqu’à nos conceptions les plus fondamentales du bien et du mal, jusqu’à l’idée que nous nous faisons de la liberté. Sans en avoir conscience, nous livrons toujours ces combats… Selon l’auteur, l’endettement est une construction sociale fondatrice du pouvoir. Si autrefois les débiteurs insolvables ont nourri l’esclavage, aujourd’hui les emprunteurs pauvres – qu’il s’agisse de particuliers des pays riches ou d’États du tiers-monde – sont enchaînés aux systèmes de crédit. « L’histoire montre, explique Graeber, que le meilleur moyen de justifier des relations fondées sur la violence, de les faire passer pour morales, est de les recadrer en termes de dettes – cela crée aussitôt l’illusion que c’est la victime qui commet un méfait. » Trop d’économistes actuels perpétuent cette vieille illusion d’optique, selon laquelle l’opprobre est forcément à jeter sur les débiteurs, jamais sur les créanciers. Ils oublient aussi une leçon déjà connue de la civilisation mésopotamienne : si l’on veut éviter l’explosion sociale, il faut savoir « effacer les tablettes »… Un essai essentiel et foisonnant qui nous permet de mieux comprendre l’histoire du monde, la crise du crédit en cours et l’avenir de notre économie. David Graeber David Graeber est docteur en anthropologie, économiste et professeur à la London University. Il est l’un des intellectuels les plus en vue du moment et les plus ancrés dans les réalités socio-économiques actuelles. ouvrage édité avec le concours du centre national du livre Titre original Debt : the first 5000 years © 2011 by David Graeber ISBN : 979-10-209-0073-9 © Les Liens qui Libèrent, 2013 Extrait de la publication David Graeber Dette : 5 000 ans d’histoire Traduit de l’anglais par Françoise et Paul Chemla Éditions Les Liens qui Libèrent Extrait de la publication Titre original Debt : the first 5000 years © 2011 by David Graeber ISBN : 979-10-209-0059-3 © Les Liens qui Libèrent, 2013 ouvrage édité avec le concours du centre national du livre 7 Chapitre 1 L’expérience de la confusion morale Dette nom commun. 1) somme due ; 2) situation du débiteur ; 3) sentiment de gratitude pour une faveur ou un service. Oxford English Dictionary Si tu dois 100 000 dollars à la banque, elle te tient. Si tu lui en dois 100 millions, tu la tiens. Proverbe américain Il y a deux ans, par une série d’étranges coïncidences, je me suis retrouvé dans une garden party à Westminster Abbey. Non sans un léger malaise. Les invités étaient agréables et cordiaux, et le père Graeme, organisateur de cette petite fête, est le plus charmant des hôtes, mais ma présence en ces lieux me semblait assez incongrue. Au cours de la soirée, le père Graeme m’a signalé qu’il y avait là, près d’une fontaine, une personne qui allait sûrement m’intéresser. C’était une jeune femme soignée, bien mise, une avocate – « mais du genre militant. Elle travaille pour une fondation qui apporte une aide juri- dique aux associations anti-pauvreté de Londres. Vous aurez proba- blement beaucoup à vous dire ». Nous avons bavardé. Elle m’a parlé de son travail. Je lui ai dit que je participais depuis des années au mouvement pour la justice mondiale – le mouvement « altermondialiste », comme l’appellent volontiers Extrait de la publication 8 dette : 5000 ans d’histoire les médias. Cela l’intrigua. Seattle, Gênes, les gaz lacrymogènes, les combats de rue, elle avait lu quantité d’articles sur tout cela, mais… étions-nous vraiment arrivés à quelque chose, concrètement ? – Certainement, ai-je répondu. C’est même assez stupéfiant, tout ce que nous avons fait en quelques années. – Par exemple ? – Par exemple, nous avons presque entièrement détruit le FMI. Elle ne savait pas très bien ce que c’était, le FMI. Je lui ai dit qu’il s’agissait, en gros, des hommes de main chargés d’obliger les pays du monde à rembourser leurs dettes – le Fonds monétaire international, « c’est, disons, l’équivalent “haute finance” des armoires à glace qui viennent vous casser une jambe ». Sur quoi j’ai entamé un petit rappel historique : pendant la crise pétrolière des années 1970, les pays de l’OPEP avaient déposé une si large part de leur nouvelle richesse dans les banques occidentales que celles-ci se demandaient bien où investir tout cet argent ; la Citibank et la Chase avaient alors envoyé des émis- saires tous azimuts pour tenter d’amener dictateurs et politiciens du Tiers Monde à contracter des emprunts (activisme baptisé à l’époque le « go-go banking ») ; très bas lors de la signature de ces contrats, les taux d’intérêt étaient montés presque aussitôt à un niveau astrono- mique, autour de 20 %, à cause de la politique monétaire restrictive mise en œuvre par les États-Unis au début des années 1980 ; c’était cette situation qui, dans les années 1980 et 1990, avait provoqué la crise de la dette du Tiers Monde ; pour obtenir un refinancement, les pays pauvres avaient alors dû se soumettre aux conditions imposées par le FMI : supprimer tout « soutien aux prix » des denrées de base, voire renoncer à maintenir des réserves alimentaires stratégiques, et mettre fin à la gratuité des soins et de l’enseignement ; le résultat net avait été l’écroulement total des mécanismes publics fondamentaux qui soutenaient certaines des populations les plus pauvres et vulné- rables de la Terre. J’ai évoqué la pauvreté, le pillage des ressources publiques, l’effondrement des sociétés, la violence endémique, la mal- nutrition, le désespoir, les vies brisées. – Mais vous, quelle est votre position ? m’a demandé l’avocate. – Sur le FMI ? L’abolir. – Non, je veux dire : sur la dette du Tiers Monde ? – La dette ? Nous voulons l’abolir aussi. L’impératif immédiat était d’arrêter le FMI, de mettre un terme à ses politiques d’ajustement Extrait de la publication 9 L’expérience de la confusion morale structurel, cause directe de tous les dégâts, mais nous y sommes par- venus étonnamment vite. L’objectif à long terme est l’annulation de la dette. Un peu dans l’esprit du Jubilé biblique. Pour nous, trente ans de flux financiers des pays pauvres vers les riches, ça suffit ! – Mais ils l’ont emprunté, cet argent, a-t-elle répliqué, sur le ton de l’évidence. Il est clair qu’on doit toujours payer ses dettes. À cet instant, j’ai compris que notre conversation allait être très différente de ce que j’avais prévu. Par où commencer ? J’aurais pu lui dire que ces emprunts avaient été contractés par des dictateurs non élus qui avaient mis direc- tement l’essentiel des fonds sur leurs comptes personnels en Suisse ; lui paraissait-il juste d’exiger que les créanciers soient remboursés non par le dictateur, ni même par les bénéficiaires de ses largesses, mais en ôtant littéralement le pain de la bouche d’enfants affamés ? J’aurais pu lui faire remarquer que nombre de ces pays pauvres avaient déjà remboursé trois ou quatre fois la somme empruntée, mais que, par le miracle des intérêts composés, leurs versements n’avaient toujours pas réduit sensiblement le principal. Ou lui faire mesurer l’écart qui existe entre refinancer des prêts et imposer à des pays, pour obtenir ce refi- nancement, une politique économique libérale orthodoxe conçue à Washington ou à Zurich, que leurs citoyens n’avaient jamais acceptée et n’accepteraient jamais. Ou souligner qu’il y avait quelque malhon- nêteté à exiger que ces pays adoptent des constitutions démocratiques, puis à priver leurs élus, quels qu’ils fussent, de tout contrôle sur la politique nationale. Ou encore lui dire que la politique économique qu’imposait le FMI ne fonctionnait même pas. Mais il y avait un pro- blème plus fondamental : le postulat selon lequel les dettes doivent être remboursées. Ce qu’il faut comprendre, c’est que, même dans le cadre de la théorie économique admise, l’énoncé « on doit toujours payer ses dettes » n’est pas vrai. Tout prêteur est censé prendre un certain risque. Si l’on pouvait se faire rembourser n’importe quel prêt, même le plus stupide – s’il n’existait aucun code des faillites, par exemple –, les effets seraient désastreux. Quelles raisons les prêteurs auraient-ils de ne pas consentir de prêts extravagants ? – Ce que vous dites uploads/Finance/ dette-5000-ans-d-histoire 1 .pdf

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  • Publié le Mai 11, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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