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1 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon CONCOURS ENM 2014 Droit pénal « L’appréhension pénale du terrorisme » Corrigé proposé par Céline Garçon Le terrorisme pose d'emblée une difficulté sémantique. En effet, le mot a souvent valeur de slogan, et la multiplicité de ses occurrences est inversement proportionnelle à la consistance de la notion. Le phénomène est ancien – que l’on songe par exemple au terrorisme russe au XIXème siècle - mais il a pris de nouvelles couleurs au lendemain du 11 septembre 2001 qui marque, selon certains, l'entrée dans une ère d'« hyperterrorisme » (F. Heisbourg). Comment le droit pénal appréhende-t-il ce phénomène polymorphe ? L’appréhension pénale du terrorisme en France appelle d’emblée plusieurs précisions. En premier lieu, l'expression « modèle français », appliquée à la lutte contre le terrorisme, se justifie sur un point essentiel : les dispositifs de lutte contre le terrorisme, bien que dérogatoires au droit commun, sont maintenus à l'intérieur du système judiciaire classique. Concrètement, ce sont des magistrats professionnels et non des militaires qui ont à connaître des affaires de terrorisme. C’est là une différence notable avec le droit anglo-américain qui a très largement développé une législation d’exception dont Guantanamo constitue encore aujourd’hui le symbole. La législation française en la matière a été initiée par la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, soumise à un contrôle de constitutionnalité. Outre son volet indemnitaire – qui vise à assurer l'indemnisation des victimes sur le fondement de la solidarité nationale – la loi a cherché à accroître les pouvoirs de contrainte des autorités de poursuite. Les infractions terroristes sont définies aux articles 421-1 et suivants du Code pénal. Elles prohibent des comportements divers que regroupe la caractéristique commune d’être commis en relation avec « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Au premier regard, les infractions terroristes sont donc des infractions de droit commun. En effet, la loi oppose les infractions de droit commun aux infractions politiques, infractions militaires et infractions de presse (articles 132-30, 132-35 et 132-41 du Code pénal). Or, on sait que, du fait du rejet par le législateur d’une conception subjective de l’infraction politique reposant sur les mobiles poursuivis, le terrorisme ne doit pas être considéré comme relevant de cette catégorie. En second lieu, il importe de souligner qu'il n'a jamais été dans l'esprit de la loi de 1986 de consacrer une incrimination spécifique de terrorisme. Il s'agissait d'instaurer des procédures pénales dérogatoires, qui avaient vocation à s'appliquer lorsqu'un certain nombre d'infractions, limitativement énumérées et empruntées au droit commun, étaient en relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur. Ce n'est qu'ultérieurement, lors de la réforme du Code pénal, puis de l'adoption de la loi du 22 juillet 1996 que le terrorisme est devenu une infraction autonome, par référence à des actes bien définis, relevant par ailleurs du droit commun. Cependant, si la lutte contre le terrorisme reste en France dans les limites de l'État de droit, les infractions terroristes sont soumises à de nombreuses particularités, qu’ont notamment développées les interventions législatives les plus récentes (L. 22 juill. 1996, L. 15 nov. 2001, L. 9 sept. 2002, L. 18 mars 2003, L. 23 janv. 2006, L. 21 déc. 2012), et qui suscitent un certain nombre d’interrogations. D'abord, s’agissant des incriminations, le législateur privilégie en la matière le recours aux infractions obstacles, lesquelles, permettent au droit pénal d’intervenir très tôt sur l’iter criminis pour appréhender à titre autonome les simples actes préparatoires. Bien que pointées comme des facteurs d’insécurité juridique, les infractions obstacles terroristes se sont récemment multipliées, comme l’a démontré la loi du 21 décembre 2012 venue incriminer la provocation à participation à un groupement terroriste (art. 421-4-2 CP). Ce sont ensuite les pénalités encourues, souvent contestées au regard du principe de nécessité et proportionnalité des peines, qui illustrent la grande sévérité dont le législateur entend faire preuve à l’égard du terrorisme. Enfin, et surtout, la procédure 2 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon pénale applicable aux infractions terroristes connaît d’importantes dérogations souvent dénoncées comme portant atteinte au droit à la sûreté (exemple de la mesure de garde à vue d’une durée de 144 heures instituées par la loi du 23 janvier 2006), aux droits de la défense (exemple de la limitation de la liberté de choix de l’avocat instituée par la loi du 14 avril 2011 et partiellement censurée par une décision du conseil constitutionnel du 17 décembre 2012) ou encore au droit de chacun au respect de sa vie privée (exemple des perquisitions de nuit). Cette évolution consistant à faire échapper toujours davantage aux règles communes la législation applicable au terrorisme fait craindre à certains une contamination de l'ensemble du droit pénal par ces règles spécifiques. L'histoire démontre en effet que tout droit pénal de l'ennemi s'introduit par une voie exceptionnelle et jamais générale, mais que, bien souvent, l'exceptionnel a tendance à devenir normal et général. Aussi convient-il de s’interroger sur la pertinence actuelle de la classification du terrorisme parmi les infractions de droit commun. Les particularités de l’appréhension pénale du terrorisme contribuant à semer le doute quant à la persistance d’une telle classification, il s'agira de mesurer sa pertinence au regard de l'incrimination du terrorisme (I), puis de sa répression (II). I – L’incrimination élargie du terrorisme La lecture des articles 421-1 et suivants du Code pénal laisse apparaître deux grandes catégories d'infractions terroristes, faisant chacune l’objet d’incriminations élargies : le terrorisme par référence (A), et les infractions terroristes autonomes (B). A) Conception large du terrorisme par référence Pour bien saisir la logique du terrorisme par référence, il convient, avant d’envisager ses éléments constitutifs (2), de préciser les raisons qui ont conduit la France, à la différence d’autres pays, à renoncer à poser une incrimination spécifique et générale du terrorisme (1). 1- Le refus traditionnel d’une incrimination spécifique et générale du terrorisme Au regard de la distinction traditionnelle entre infractions de droit commun et infractions politiques, le terrorisme est considéré comme une infraction de droit commun. En effet, conformément à la solution de l'arrêt Gorguloff (Crim. 20 août 1932), on considère qu'une infraction, aussi évident soit son mobile politique, doit être considérée comme de droit commun dès lors qu'elle est trop « grave ». En d'autres termes, la dimension politique est escamotée, car on considère que dans une démocratie apaisée il y a d'autres moyens que la violence pour faire entendre ses idées. Pourquoi ne pas avoir alors consacré une incrimination spécifique ? Alors que l'Italie et l'Allemagne avaient choisi, pour réagir aux terrorismes des « années de plomb » d'instaurer une infraction spécifique de terrorisme, la France y a renoncé. Cela s'explique d'abord, par la difficulté qu'il y a à cerner les contours précis du terrorisme, et ensuite par les difficultés qui pouvaient surgir en cas d'extradition, puisqu'un principe fondamental de l'extradition interdit d'extrader les délinquants politiques. Le législateur français de 1986 a donc inauguré, dans l'urgence, et avec une certaine improvisation, une méthode de qualification du terrorisme – qualification des faits, mais aussi qualification de l'infraction – qui reposait sur la combinaison de critères objectifs et subjectifs pour délimiter le terrorisme et son régime spécial sans vraiment le définir : objectivement, il fallait que l'infraction soit comprise dans la liste limitative qui figurait initialement dans le Code de procédure pénale (art. 706-16 anc.) et subjectivement il convenait de vérifier qu'elle était « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». Cette formule, même si elle a été jugée par le Conseil constitutionnel « énoncée en des termes d'une précision suffisante », (Décision du Conseil constitutionnel du 3 septembre 1986) est pour le moins vague : si « l'entreprise » et « l'ordre public », bien que très larges, peuvent encore se nourrir de références à des notions 3 www.lautreprepa.fr Corrigé proposé par Céline Garçon connues des pénalistes, la « terreur » est précisément de ces mots qui font de la notion de terrorisme une notion introuvable. Ce qui est certain, c'est que la position du législateur français de 1986 illustre la difficulté d'une définition purement objective du terrorisme, tant le phénomène paraît protéiforme. 2- Les éléments constitutifs du terrorisme par référence Outre les cas particuliers d'incrimination autonome de terrorisme que nous envisagerons ultérieurement, le droit pénal français procède essentiellement par référence : il vise à l'article 421-1 du Code pénal un certain nombre d'infractions de droit commun qui, lorsqu'elles sont commises « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur », deviennent des infractions terroristes. C'est dire que le terrorisme, contrairement à la plupart des incriminations, renvoie moins à l'acte en lui-même qu'à son but, et qu'il ne protège pas une valeur unique. Ainsi, l’article 421-1 du Code pénal dresse une longue liste d’infractions déjà incriminées par le Code pénal, et qui peuvent uploads/Finance/ droit-penal-et-terrorisme.pdf

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  • Publié le Nov 24, 2021
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