ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419–420, 2008 31 * Insee, Dese/DEEE/MSE, 15, Bouleva
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419–420, 2008 31 * Insee, Dese/DEEE/MSE, 15, Boulevard Gabriel-Péri BP100 92244 Malakoff Cedex, yoann.barbesol@insee.fr ** École d’Économie de Paris / Paris-Jourdan Sciences Économiques (UMR 8545 CNRS-EHESS-ENPC-ENS), 48 Boulevard Jourdan, 75014 Paris, France, anthony.briant@m4x.org Nous remercions Pierre-Philippe Combes, Laurent Gobillon, Simon Quantin et Sébastien Roux pour leurs conseils et commentaires, ainsi que Pauline Givord, Anne Epaulard et deux rapporteurs anonymes pour leur lecture attentive d’une première version de cet article. Anthony Briant remercie les membres du Département des Études Économiques d’Ensemble pour leur accueil durant la rédaction de cet article. Nous remercions également les participants au sémi naire D3E du 10 décembre 2007 ainsi que ceux du séminaire Fourgeaud du 8 avril 2009 pour leurs remarques et com mentaires, et plus particulièrement Miren Lafourcade pour avoir accepté de discuter une première version de cet article et Pierre Joly, rapporteur du séminaire Fourgeaud. Nous avons en outre bénéficié du travail de Sébastien Roux et de Simon Quantin pour la construction de la base de données appariée utilisée dans l’article : nous les remercions pour nous avoir aidés à comprendre comment les variables de cette base ont été construites. ÉCONOMIE Économies d’agglomération et productivité des entreprises : estimation sur données individuelles françaises Yoann Barbesol* et Anthony Briant** La concentration spatiale persistante de certains secteurs d’activité s’explique difficile ment sans admettre l’existence d’économies d’agglomération. L ’estimation quantitative de l’ampleur de ces économies d’agglomération a récemment connu un regain d’intérêt du fait de la disponibilité croissante de données fines au niveau des entreprises. En uti lisant trois fichiers administratifs concernant la comptabilité et l’emploi des entreprises françaises, nous mesurons dans cet article l’impact sur la productivité globale des facteurs de ces entreprises des externalités d’urbanisation, à savoir celles liées à la taille globale, à l’accessibilité et à la diversité industrielle de la zone d’implantation, et des externalités de localisation, qui se rapportent au niveau de spécialisation d’une zone d’activité. Notre étude souligne tout d’abord la prégnance des premières : nous concluons à l’exis tence d’un impact positif et significatif de l’accessibilité d’une zone au reste du marché national ainsi que de la densité de son tissu économique sur la productivité moyenne des entreprises. À ces externalités d’urbanisation, s’ajoutent des effets locaux très signifi catifs de la spécialisation, suggérant l’existence d’externalités de localisation. Ainsi les entreprises sont, en moyenne, plus productives dans les zones où leur industrie est rela tivement plus concentrée. En revanche, la diversité des activités économiques locales n’influerait que très peu sur la productivité. De même, le degré de concurrence locale n’aurait, en moyenne, pas d’ef fets sur la productivité des entreprises d’un cluster. L ’étude fine des voies de production, de diffusion et de captation de ces externalités consti tuerait certainement une extension utile à la nôtre ; nous suggérons un premier élément de réponse sans toutefois pouvoir conclure. Nous trouvons en effet que les agents qualifiés semblent jouer un rôle essentiel dans ces trois processus : une fois que l’on a tenu compte de la qualité de leur main-d’œuvre, les firmes les plus productives demeurent bien celles qui évoluent dans un environnement où la main-d’œuvre locale est la plus qualifiée, sug gérant que les employés qualifiés sont les plus à même de capter et de diffuser des exter nalités de production. Toutefois la causalité de cette relation reste difficile à certifier. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419–420, 2008 32 L a concentration spatiale des activités éco nomiques, et plus particulièrement de certains secteurs d’activité, est un phénomène observé et étudié dans de nombreux pays (1). Si certaines activités sont contraintes dans leur lieu de production par des facteurs naturels (2), ces derniers ne sauraient expliquer l’ensem ble des choix de localisation des entreprises. L ’existence de cette agglomération spatiale peut paraître d’autant plus surprenante qu’elle génère des surcoûts pour l’entreprise en termes de loyers ou de salaires plus élevés. La perma nence de zones, pour la plupart urbaines, où l’activité économique est fortement concentrée suppose donc l’existence de bénéfices à l’ag glomération, d’économies d’agglomération. Comme l’a montré Starrett (1978), dans un espace homogène et avec des coûts à l’échange positifs, ces économies d’agglomération repo sent sur l’existence d’une forme ou d’une autre d’indivisibilité, donc de rendements croissants. Elles se répartissent entre externalités pécuniai res, associées à la baisse des prix des produits et des facteurs de production, et externalités pures de production, qui renvoient aux gains de pro ductivité. Réduire les coûts de déplacement des biens, des hommes et des idées L es fondements microéconomiques de l’agglomération des entreprises et des tra vailleurs sont multiples (3). Depuis les travaux d’Alfred Marshall (1890), il est coutume de penser que l’agglomération permet de réduire les coûts de déplacement des biens, des person nes ou des idées. Dans un marché local plus large, il est possi ble pour une entreprise de se procurer une plus grande variété de consommations intermédiai res, générant des gains de productivité par une plus grande désintégration verticale et une plus grande spécialisation. La disponibilité d’une plus grande variété de biens de consommation attire également les consommateurs. Face à des rendements croissants, les entreprises profitent de la présence d’un nombre plus important de consommateurs facilement accessibles. Dans un bassin d’emploi plus large, les tra vailleurs ont tendance à être plus spécialisés et donc plus productifs : face à un plus grand nom bre de possibilités d’embauche, ils n’hésitent pas à se spécialiser. Une entreprise a donc plus de facilité à trouver de bons candidats pour ces postes vacants : l’appariement entre les offres et demandes d’emploi est plus simple et a plus de chances d’être de meilleure qualité.123 Enfin, tout échange d’information entre les entreprises, concernant les caractéristiques de la demande ou bien les technologies de pro duction, est plus aisé lorsque la densité des acteurs économiques est plus élevée. Ainsi, la création, l’accumulation et la diffusion des connaissances se trouvent facilitées dans les zones les plus densément peuplées. Pour tou tes ces raisons, les entreprises ont tendance à s’agglomérer. À l’inverse, cette agglomération peut être la source de surcoûts. D’une part, le coût des fac teurs de production, du travail, du capital ou bien du terrain, est plus élevé dans les zones où l’activité économique est concentrée. D’autre part, des externalités négatives de production, telles que la congestion des réseaux de transport ou toute forme de pollution, sont susceptibles de réduire la productivité des entreprises. Enfin, dans les zones de forte concentration d’un sec teur, il est possible que la concurrence soit plus âpre. Externalités d’urbanisation ou externalités de localisation ? Si l’existence de bénéfices à l’agglomération des activités économiques est bien établie sur le plan théorique, la mesure empirique de leur ampleur est plus délicate. Un tel travail empirique se heurte d’abord à un problème d’identification. Il est effectivement difficile à partir d’une seule observable, la productivité des entreprises ou le salaire des travailleurs, de déterminer lequel des mécanismes évoqués plus haut est effectivement à l’œuvre (4).4 Face à cette difficulté, l’ambition des travaux empiriques a donc été plus modeste. Les auteurs ont cherché à évaluer l’environnement écono 1. Cf. Barlet, Briant et Crusson (2008) pour la France, Duranton et Overman (2005) pour le Royaume-Uni et Ellison et Glaeser (1997) pour les États-Unis par exemple. 2. Ellison et Glaeser (1999) estiment qu’au moins 20 % de la concentration géographique mesurée aux Etats-Unis peut s’ex pliquer par la présence d’avantages naturels, à entendre dans un sens large (ressources primaires, coût des facteurs, notamment travail, peu élevé, etc..). 3. Duranton et Puga (2004) offrent une revue détaillée de la litté rature théorique sur ces fondements microéconomiques. 4. Rosenthal et Strange (2004) proposent une revue détaillée de la littérature sur l’identification et l’estimation des externalités d’agglomération. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 419–420, 2008 33 mique le plus profitable à l’entreprise, en distin guant les externalités d’urbanisation des exter nalités de localisation, sans chercher à isoler un mécanisme en particulier. La question est alors de savoir si la producti vité d’une entreprise est plus grande lorsqu’elle se localise à proximité d’autres entreprises du même secteur d’activité (externalités de loca lisation ou de Marshall-Arrow-Romer) ou bien d’entreprises de secteurs d’activité différents et variés (externalités d’urbanisation ou de Jacobs). Dans le premier cas, les externalités ne sont supposées jouer qu’à l’intérieur d’un secteur, on parle donc d’externalités intra-sec torielles. Les entreprises profitent alors d’une plus grande spécialisation de leur zone d’im plantation, conforme à leur activité. En revan che, concernant les externalités d’urbanisation, les gains de productivité proviennent des phéno mènes de fertilisation croisée entre entreprises de secteurs différents (externalités inter-secto rielles). Ces dernières profitent alors d’un mar ché local plus large, présentant une plus grande diversité d’activités économiques. Soulignons que ces deux catégories ne sont pas exclusi ves l’une de l’autre, même si leurs effets sont étudiés séparément, et souvent mis en compa raison. Dans les deux cas, les effets mesurés sont des effets nets, où externalités positives et négatives se compensent partiellement. Ainsi, si la spécialisation sectorielle d’une zone peut permettre le partage des gains liés à une plus grande uploads/Finance/ economies-d-x27-agglomeration-et-productivite-des-entreprises-estimation-sur-donnees-individuelles-francaises.pdf
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- Publié le Jan 30, 2022
- Catégorie Business / Finance
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