TFD 78/Mars 2005 Dossier 152 Cet article se fonde sur trois nouveaux faits. Nou
TFD 78/Mars 2005 Dossier 152 Cet article se fonde sur trois nouveaux faits. Nouveaux car, il y a encore dix ans, peu de gens croyaient que ces affirmations deviendraient des faits. Le premier fait est que pendant ces dix ans, le micro- crédit (ou pour les plus puristes d’entre nous: la microfinance 2) a prouvé qu’il était un instrument très efficace permettant aux populations les plus défavorisées de gagner leur vie dans le secteur informel, bien plus efficace que n’importe quelle stratégie de développement macroéconomique. Actuellement, des milliers d’IMF (Institutions de Microfinance) travaillent, d’une façon ou d’une autre, au service de 40 à 60 millions de ces personnes défavorisées avec des microcrédits et, dans des cas de plus en plus nombreux, d’autres services financiers, tels l’épargne, l’assurance, etc 3. Cela signifie que durant les cinq dernières années, le nombre total de personnes concernées a plus que doublé en volume. Ceci est remarquable pour un nouveau secteur, d’autant plus que celui-ci se concentre sur les personnes à l’écart de l’économie formelle. Il a également été prouvé que le crédit est un ballon d’oxygène pour le développement économique. Cela paraissait clair pour le commerce dans le secteur formel, mais beaucoup en doutaient concernant les personnes défavorisées dans le secteur informel. Et cela pour des raisons allant de la méfiance («elles ne savent pas comment gérer de l’argent»; «elles manquent de discipline et de formation»; «elles ne rembourseront pas») au paternalisme («ne faites pas peser sur les L’avenir du financement du microcrédit Gert VAN MAANEN 1 • Ancien Directeur Général de Oikocredit 1. Gert van Maanen était jusqu’en 2001 Directeur général de Oikocredit, la coopérative de développement des églises et le plus grand financeur de microcrédit à capitaux privés. Avant de rejoindre Oikocredit en 1994, il était membre de la direction générale de la banque ING. 2. Sur le terrain, aucune distinction précise n’est faite entre microcrédit et microfinance. Les bénéficiaires ne se préoccupent pas de savoir quel type de label est utilisé. Si le produit avait été lancé aujourd’hui, il est probable que le terme microfinance aurait été choisi car il recouvre une réalité plus grande que le microcrédit. Cependant, le concept de microcrédit a été inventé et a conquis le monde avant que cela ne soit le cas. Il y a des choses plus importantes dans les enjeux de la microfinance que la recherche de définitions plus précises. 3. Le nombre exact n’est pas connu car il n’existe pas de définition uniforme de ce que sont les personnes non bancables ou les IMF. Devons-nous compter tous les clients des IMF à travers le monde ou seulement ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté? Est-ce que les IMF sont seulement ces institutions qui s’occupent des plus pauvres ou aussi les institutions qui leur apportent un service au sein d’un programme plus ample? Devons-nous inclure les agences d’Etat qui exécutent les programmes de crédit ou seulement les initiatives privées, les caisses de crédit mutuel, les ONG, etc.? Dans le cadre de cet article, le nombre précis n’est pas important. Ce qui est important est l’efficacité prouvée. Résumé Le présent article s’attarde sur le défi suivant: où trouver le financement nécessaire à l’offre de services de microcrédit à 50 millions de personnes supplémentaires, vers qui se tourner, quel devrait être le rôle du secteur bancaire au Sud et au Nord, quelles conditions devraient être appliquées, comment considérer les investisseurs privés, etc.? Pour simplifier, notre intérêt principal ne sera pas de se demander comment mobiliser les dix milliards, mais pour l’instant les premier et deuxième milliards. Brochure 78 13/05/05 9:10 Page 152 TFD 78/Mars 2005 153 épaules des personnes défavorisées le fardeau de la dette»). C’est ignorer que ces populations ont emprunté de l’argent pendant des siècles, pour des enterrements, des mariages, pour l’essentiel de leurs effets ménagers, leurs actifs lucratifs, etc. Qu’elles étaient assez intelligentes pour développer leurs propres petites mutuelles comme les Roscas (Rotating savings and credit associations – associations rotatives d’épargne et de crédit), les tontines et les Credit Unions (mutuelles de crédit), et ceci avec de forts taux de remboursement, du fait qu’un groupe solidaire accepte difficilement les défaillances. De plus, tant qu’elles n’avaient pas accès à ces mutuelles, elles allaient voir des prêteurs privés qui les chargeaient avec des taux d’intérêts usuraires, car quand elles avaient besoin d’argent, elles n’avaient souvent pas d’alternative. Une des principales valeurs ajoutées des IMF est justement de proposer d’autres options, tout en étant gérées par les personnes mêmes qui se consacrent à la réduction de la pauvreté. Concernant leur efficacité: la plupart de ces IMF connaissent un taux de remboursement compris entre 95 % et 99 %. Un tel pourcentage est bien la preuve, après coup, que le produit est adéquat, que les montants des crédits ne sont ni trop importants ni trop faibles, que les délais de remboursement ne sont ni trop courts ni trop longs, que les taux d’intérêt ne sont pas trop élevés et que les moyens mis en oeuvre pour encourager le remboursement sont efficaces. Si l'un de ces éléments avaient été insatisfaisant, la clientèle aurait été incapable de rembourser ces crédits dans de telles proportions 4. Conclusion: le microcrédit n’est plus une expéri- mentation, mais se révèle au contraire l’un des instruments de développement parmi les plus efficaces. Le second fait n’est pas un fait mais une opinion: maintenant que le microcrédit a prouvé qu’il était un instrument efficace, toute stratégie visant à une réduction systématique de la pauvreté devrait lui conférer une priorité élevée. En effet, malgré des décennies de plans créatifs, aucun autre instrument développé jusqu’à présent n’a eu de meilleurs résultats sur la vie des populations défavorisées dans le secteur informel. En outre, une IMF, qui travaille correctement au service de 3000 clients, a le potentiel de le faire pour 6000 ou même 10000, si elle trouve des partenaires pour financer une telle croissance. La même réflexion s’applique au marché du micro- crédit dans sa globalité: s’il peut être efficace au service de 50 millions de personnes, il peut l’être pour 100 millions voire 150 millions, à partir du moment où il obtient un soutien systématique pour, dans un premier temps doubler, puis tripler de volume. De plus, nous devons tous réaliser que derrière chaque client se trouve une famille de 4 ou 5 personnes à charge, si ce n’est plus. Cela signifie qu’aujourd’hui le microcrédit touche probablement plus de 200 millions de personnes. Leur situation économique n’est pas toujours très attrayante, mais elle s’est améliorée ou, au moins, est devenue moins vulnérable et imprévisible. Pas seulement grâce à un microcrédit qui permet de gagner un revenu mais aussi, dans le cas d’un groupe solidaire, grâce aux partenaires que l’on peut trouver dans son propre groupe social. Des partenaires qui ont tout intérêt à ne pas vous laisser tomber… Pour la plupart de ceux qui empruntent, la chanson «You never walk alone» 5 devient réalité. Cependant, avant de nous laisser trop impressionner par ces chiffres, nous devons réaliser que ces 200 millions de personnes ne représentent que 7 % des 2,5 à 3 milliards de ceux qui essayent de survivre avec moins de 2 dollars par jour. Parmi ceux-ci, 1,1 milliard n’ont même pas 1 dollar par jour. Sans travail, sans revenu régulier, avec des enfants à nourrir, 4. Il est nécessaire de se rendre compte que les IMF ayant un taux de remboursement inférieur à 80 % ne survivent pas en général, et cela seulement parce que 4 clients sur 5 commencent à se demander pourquoi ils devraient rem- bourser quand d’autres ne le font pas. Par conséquent, un taux de 80 % de remboursement est un niveau temporaire appelé à baisser bien plus, à moins que… Les donateurs qui finançaient ces IMF ont arrêté de les financer, sauf si on les convainc que l’IMF est sur la bonne voie pour re- trouver un taux de remboursement normal. Ainsi, la grande majorité des IMF de plus de 3 ans d’existence savent comment survivre: comment s’occuper de leurs clients sans décevoir leurs donateurs. Celles qui ne l’ont pas fait ont désormais disparu. 5. “Vous n’avancerez plus seuls”. Brochure 78 13/05/05 9:10 Page 153 TFD 78/Mars 2005 154 vivant au jour le jour dans un contexte indifférent, si ce n’est hostile, qui ne se préoccupe guère de leur situation difficile. Ces chiffres pèsent particulièrement lourd dans ce débat. Maintenant que nous savons qu’il existe des instruments qui peuvent apporter une solution efficace à leur situation, cela devient une obligation morale ou, comme diraient les Allemands, Gebot der Stunde 6 d’agir. Il y a des signes qui montrent que cette conclusion devient peu à peu un fait politique. Regardez les Objectifs du Millénaire pour le Développement qui ont été adoptés à Monterrey il y a cinq ans et qui classent la lutte contre la pauvreté en première position; regardez le rapport stimulant du groupe de travail du PNUD/ONU sur le Projet du Millenium de l’ONU, mieux connu sous le nom de comité Sachs 7. Ce dernier a uploads/Finance/ l-x27-avenir-du-financement-du-microcredit.pdf
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- Publié le Apv 03, 2022
- Catégorie Business / Finance
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