L’impact du Covid-19 sur la consommation et l’achat pendant et après le confine

L’impact du Covid-19 sur la consommation et l’achat pendant et après le confinement ESCP Impact Paper No. IP2020-82-FR Enrico Colla ESCP Business School B. Business Impact Changes in Consumer Behavior Chaire Prospective du Commerce dans la société 4.0 – en partenariat avec ESCP Research Institute of Management (ERIM) 1 ESCP Impact Paper No.2020-82-FR L’impact du Covid-19 sur la consommation et l’achat pendant et après le confinement Enrico Colla* ESCP Business School Abstract En se basant sur les données statistiques disponibles, ce papier analyse d’abord le comportement de consommation et d’achat pendant la période de confinement. A l’aide de la littérature académique et professionnelle, il explore aussi les tendances à moyen terme de ces comportements et présente les grands défis auxquels seront confrontées les entreprises de la grande consommation. Il esquisse enfin les principales compétences nécessaires aux firmes pour maintenir, voire acquérir, leurs avantages concurrentiels dans le monde de l’après Covid-19s. Mots clés: Comportement de consommation, comportement d’achat, Covid-19, stratégies de distribution *Emeritus professor, ESCP Business School ESCP Impact Papers are in draft form. This paper is circulated for the purposes of comment and discussion only. Hence, it does not preclude simultaneous or subsequent publication elsewhere. ESCP Impact Papers are not refereed. The form and content of papers are the responsibility of individual authors. ESCP Business School does not bear any responsibility for views expressed in the articles. Copyright for the paper is held by the individual authors. 2 L’impact du Covid-19 sur la consommation et l’achat pendant et après le confinement L’impact sur la consommation pendant le confinement Les limites à la mobilité des citoyens pendant la phase de confinement, auxquels se sont ajoutées les fermetures de nombreux magasins, cafés et restaurants, ont influencé considérablement leurs choix de consommation et d’achat. En outre, l’arrêt du travail généralisé, malgré l’extension du chômage partiel, a minoré les revenus de nombreux travailleurs, qui ont dû faire face aussi à des dépenses non prévues pour l’achat de dispositifs de protection sanitaire (masques, gants, gel, etc.). Enfin le climat d’inquiétude, déclenché par la crise sanitaire, le nombre élevé de décès et les difficultés posées aux hôpitaux, a déterminé la diffusion d’attitudes de peur, voire d’angoisse chez de nombreux citoyens. Le résultat global de tous ces facteurs a été une consistante réduction de la consommation globale. La chute du premier trimestre a été de 6,1% et celle du deuxième sera encore plus élevée (-20,3% en avril, selon l’Insee) mais l’évolution des différentes catégories de produits n’a pas été homogène. La consommation alimentaire a globalement résisté, avec des pics de fortes hausses (les 16 et 23 mars) et des baisses successives. La course au stockage a notamment favorisé les produits alimentaires basiques (œufs, lait, fromages, pâtes, conserves rouges et café) qui ont augmenté dans des pourcentages très importants (entre 20 à 40%). Des résultats positifs ont obtenu aussi les sources de protéines à longue conservation (légumes, conserves de poisson et de viandes). L’orientation vers une alimentation plus saine, privilégiant les produits frais et naturels, a ainsi connu un arrêt, mais les ventes des produits bio se sont bien maintenues. La nécessité de prendre les repas en famille a favorisé la préparation de plats à la maison (tartes, pizza, pâtes), provoqué l’augmentation de la consommation domestique d’aliments autoproduits (biscuits, pains, jus de fruits, confitures, yaourts) et accru, entre autres la demande de farine et de levain. La tendance à faire soi-même a été aussi confortée dans certaines catégories de produits et services non- alimentaire. Les ventes de matériel de bricolage, de meubles et d’électroménager se sont portées plutôt bien, comme celles de produits électroniques, liés notamment au développement du télétravail, ainsi que celle de films et de musique en ligne, de jeux d’intérieurs et de tous les dispositifs pour faire de l’exercice physique à la maison. On a aussi enregistré des taux de croissance important des dispositifs d’hygiène et de protection personnelle (les ventes d’alcools, lingettes, gants et désinfectants ont augmenté de plus de 100%). Mais le secteur de l’habillement, comme celui des parfums et des cosmétiques, ont connu une forte chute, ce qui confirme que les consommateurs ont privilégié les produits et services dotés d’une valeur fonctionnelle et utilitaire élevée, en délaissant les autres. Globalement, la demande de produits non alimentaires, contrairement à ceux de l’alimentation, a fortement baissé. 3 L’impact sur les pratiques d’achat pendant le confinement En ce qui concerne les habitudes d’achat, la crise a signé quelques retours en arrière, mais a été surtout un formidable accélérateur de tendance. Tous les distributeurs traditionnels, même quand ils sont restés ouverts, ont souffert de la limitation de leur offre et de la prudence des consommateurs qui concentraient leurs achats pour des raisons sanitaires. Seuls se sont développés certains circuits courts, comme les ventes directes des producteurs, souvent à travers la livraison à domicile ou à la ferme. Globalement la grande distribution a profité de la diminution de l’activité de tous les canaux hors domicile (restaurants, cantines, marchés, etc.)…… Mais la réduction de la fréquence d’achat de la part des consommateurs, afin de limiter les sorties et d’éviter les contacts, accompagnée par des paniers d’achats plus élevés, n’a pas favorisé les grands hypermarchés, trop parsemés sur le territoire, mais plutôt les supermarchés et les magasins de proximité. La limitation de la mobilité, empêchant certains consommateurs de se rendre dans leur magasin préféré, a favorisé les enseignes qui disposent d’un maillage du territoire plus dense avec des supermarchés et autres magasins de proximité (Intermarché, Système U, Aldi) par rapport à celles plus axées sur les hypermarchés et/ou concentrées dans certaines régions (Carrefour, Auchan, Leclerc, Casino). Mais la tendance plus significative a été la forte croissance des ventes en ligne qui, dans l’alimentaire, ont atteint une part de marché de presque 10% (alors qu’elles en étaient à environ 6%). Même si toutes les enseignes ont renforcé et diversifié leur offre de ces services, elles ont eu du mal à satisfaire la forte demande des clients. Face à la saturation des plates-formes de préparation des drives, elles ont été contraintes de mettre en place des files d’attente virtuelles sur leurs sites, d’honorer les commandes en retard, de déployer rapidement les click and collecte et les livraisons à domicile. Les gagnants de la crise ont été ainsi les groupes dotés de meilleures structures et compétences dans l’ e-commerce, la logistique, le sourcing et le marketing. La disponibilité d’une variété de solutions de e- commerce (drive, click and collect, drive piéton, etc.), d’une logistique mieux intégrée, de relations plus durables et à caractère partenarial avec les fournisseurs - notamment de produits frais - a permis à ces groupes (comme Intermarché) de devancer la concurrence. Après une hausse ponctuelle successive aux premiers jours de confinement, le e-commerce non- alimentaire a eu un bilan plus contrasté. Les produits techniques, de sports, bricolage et hygiène-beauté, ont connu des fortes croissances mais les ventes de l’habillement ont stagné et celles du mobilier et de la décoration ont reculé. Les sites marchands des chaînes de magasins ont été les grands gagnants de la crise et, s’ajoutant à la baisse de la demande, le gain de part de marché du e-commerce a contribué à mettre en crise de nombreuses entreprises en retard dans le développement des ventes en ligne. Les nombreux redressements judiciaires en cours dans l’habillement confirment la crise particulièrement grave de ce secteur. Après le Covid-19, la reprise lente et la fragmentation du marché Un retour aux volumes de ventes précédent la crise semble difficilement envisageable, en tout cas pas à court terme. Certes, les consommateurs les moins concernés par la pandémie et dont la vie quotidienne 4 a été peu affectée, modifieront peu ou pas leurs dépenses, et on peut parler pour eux de retour à la normale. Les jeunes et les actifs, notamment, qui restent optimistes – même si leur vie privée a été affectée - vont dépenser comme auparavant, voire plus, dans toutes les catégories. Mais les personnes qui ont été les plus affectées vont limiter leurs dépenses. Les moins qualifiés, plus précaires et ayant moins de chances de reprendre à travailler et disposer de revenus comme auparavant, feront notamment de coupes fermes dans leurs dépenses de tout genre. D’autant plus que la réduction des revenus sera perçue comme encore plus sévère qu’en réalité puisqu’elle va affecter la (faible) partie des budgets des ménages encore disponible (un tiers environ) après avoir provisionné les dépenses contraintes et récurrentes (abonnements, loyers, etc.). L’inégalité du revenu disponible va ainsi favoriser une fragmentation croissante de la société française, ce dont les entreprises vont devoir tenir compte. Enfin, il est difficile d’imaginer que les moindres volumes pourront être compensés par l’augmentation des prix. Les tendances inflationnistes externes sont, pour le moment inexistantes : ni les prix des matières premières alimentaires ni celui du pétrole, semblent orientés vers une hausse prochaine. Quant à l’inflation interne, une pression sur les salaires n’est pas prévisible dans une situation de hausse du chômage. Malgré la reprise au cours du deuxième semestre, la diminution de la consommation globale à la fin de l’année uploads/Finance/ l-x27-impact-du-covid-19-sur-la-consommation-et-l-x27-achat-pendant-et-apres-le-confinement.pdf

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  • Publié le Fev 26, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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