La décision dans l’incertain préférences, utilité et probabilités Philippe Bern

La décision dans l’incertain préférences, utilité et probabilités Philippe Bernard Juillet 2000 Table des matières 1 Le risque 2 2 Le printemps de l’analyse du risque* 3 2.1 Probabilités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 2.2 Le pari de Pascal comme problème de décision . . . . . . . . . 6 2.3 L’espérance morale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 3 Préférences et utilités 22 3.1 L’approche parétienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 3.2 Loteries et choix dans l’incertain . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 4 Aversion à l’égard du risque: mesures et conséquences 35 4.1 Variables aléatoires, états du monde . . . . . . . . . . . . . . . 36 4.2 L’aversion à l’égard du risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 4.3 Utilité espérée et aversion au risque . . . . . . . . . . . . . . . 47 4.4 Equivalence des mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 4.5 Demande d’assurance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 4.6 Aversion relative à l’égard du risque . . . . . . . . . . . . . . . 58 5 Dérivation de l’utilité espérée 60 5.1 L’axiome d’indépendance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 5.2 La propriété d’utilité espérée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 6 Risque et incertitude* 70 6.1 L’incertain statut des probabilités . . . . . . . . . . . . . . . . 70 6.2 L’axiomatisation de Savage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 6.3 L’approche à la Anscombe & Aumann . . . . . . . . . . . . . 81 7 Limites et extensions de l’utilité espérée 85 8 Annexe: démonstrations* 90 8.1 Théorème de Pratt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 8.2 Théorème d’utilité espérée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 1 Figure~1: 1 Le risque La prise en compte de la dimension temporelle dans la modélisation permet de réintroduire les comportements financiers, d’épargne et d’investissement ainsi que d’autres fonctions des marchés financiers. Néanmoins, un aspect essentiel de l’activité economique demeure absent: son risque. En effet, une hypothèse centrale des analyses intertemporelles est celle des anticipations exactes. Avec elle, l’évolution future de l’économique est certaine, unique, et tenue comme telle par les agents économiques. Aussi, par exemple, à chaque instant, les revenus engendrés par les actifs financiers, les investissements sont connus. Le risque, l’incertitude sont donc absents de l’analyse; à l’équilibre de ce monde, aucune prime de risque ne peut exister, 2 tous les actifs ont le même rendement net, aucune spéculation ne peut avoir lieu, aucune assurance n’est demandée. Pour réintroduire l’ensemble des institutions financières, des contrats dont l’objet est de protéger les agents de l’incertitude, il est donc nécessaire de prendre en compte le hasard, le risque. Mais admettre que les projets sont risqués, c’est admettre qu’il peut se passer plus de choses qu’il ne s’en pas- sera. Ainsi, nous nous assurons contre des événements rares (incendies, acci- dents), que nous espérons (et pensons souvent) ne pas voir se produire mais qui peuvent arriver. De même, sur le marché des actions, celui de l’immobi- lier, lorsque nous anticipons une hausse prolongée mais nous n’investissons pas la totalité de notre patrimoine dans ces actifs risqués car nous admettons que ceux-ci peuvent également baisser. Bref, comme le suggèrent les racines de hasard et de risque1, quelles que soient leurs compétences, leurs précau- tions, les investisseurs, les financiers sont fréquemment dans la situation de joueurs de dés: ils connaissent approximativement les résultats possibles, les fréquences de ceux-ci mais ne sont pas totalement maitres de leurs destins: le démon de la chance (M. Kendall) le détermine aussi en partie. La prise en compte de cette donnée dans l’activité économique en général, les jeux de hasard, l’assurance, la finance en particulier a conduit très tôt les hommes à s’interroger sur la nature de ces aléas, à tenter de les quantifier. 2 Le printemps de l’analyse du risque* La description des risques économiques, leurs quantifications, i.e. le fait de les résumer par des nombres, a évidemment une histoire aussi longue que le commerce et l’assurance.2 Cependant, les premières tentatives modernes d’analyse de ce problème remontent à la Renaissance3 et furent suscitées par des activités plus futiles. 1Hasard vient du mot arabe “al zahr” (= dé) et risque vient de l’italien “riscare” oser. 2Sur ce sujet, on peut se référer notamment à [Dav62], [Hac75], ou à l’ouvrage plus récent de P.L. Bernstein [Ber96]. 3Rappelons que l’introduction dans le monde latin est en général attribuée à Leonardo Fibonnaci (1170-1240) dont le traité Liber Abacci fut publié en 1202. Fils d’un marchand de Pise, Fibonnaci fut envoyé par celui-ci en Orient pour y apprendre les méthodes de calcul pratiquées en Orient, inconnues des Latins. Il se rendit en Égypte, en Syrie, à Byzance, en Sicile et en Provence. Après son retour à Pise, vers1200, Fibonnaci publia quelques ouvrages, dont le Liber Abbaci, destinés à répandre la connaissance qu’il avait acquise du calcul arabo-indien. Ces ouvrages contenaient de nombreuses applications pratiques susceptibles d’intéresser les commerçants: intérêt, profit, change, etc. La diffusion des nouveaux chiffres fut cependant lente et suscita de nombreuses résistances jusqu’au début du XVIe siècle. Ainsi, en 1229, Florence édicta une loi interdisant aux banquiers l’usage des “symboles infidèles”. 3 Figure~2: Gerolamo Cardano 2.1 Probabilités Le père (relativement) méconnu de la théorie des probabilités est sans doute l’italien Gerolamo Cardono (ou Jérôme Cardan) (1501-1576). Un des médecins les plus célèbres de son époque, Cadano était surtout un homme de la Renaissance passionné de littérature, de philosophie, de mathématiques4, d’astrologie, ... et de jeux. Comme il le confessa dans sa biographie De Vita Propria Liber [Car30], il conçut “un amour immodéré des jeux de table et de dés [...] Pendant de nombreuses années [...] je ne jouais pas de temps en temps, mais comme je dois l’avouer, chaque jour.” ([Car30], cité par [Ber96] p. 45). Au jeu, il préférait cependant s’en remettre plus souvent à la tricherie qu’au hasard et seule la protection du souverain pontife le sauva de la vindicte des joueurs abusés (et des maris trompés). Aussi, dans ses travaux mathématiques sur les jeux de hasard, il prit toujours grand soin de qualifier ses résultats en ajoutant la clause de précaution: “si les dés ne sont pas pipés”. Cardano fut en effet l’un des premiers mathématiciens à analyser les jeux de hasard et introduisit les premiers éléments de la théorie des probabilités: “Cardano a sans doute été le premier à introduire la dimension statistique de la théorie des probabilités. [...] Il proposa, pour la première fois, ce qui est aujourd’hui la forme courante pour définir une probabilité comme fraction: le nombre de résultats favorables divisés par le “circuit” - c’est-à-dire le nombre 4On lui doit notamment l’introduction des nombres imaginaires. 4 total de résultats possibles.” ([Ber96] p. 49) Il ne parla cependant jamais de “probabilité” mais de “chance”. Dans son traité des jeux Liber de Ludo Alea (Livre sur les Jeux de Hasard), écrit en 1525, réécrit en 1565, Cardano compila toute une série de fréquence sur les jeux de hasard et reconnut, avant Pascal, l’importance des combinaisons pour la théorie des probabilités. Mais cet ouvrage ne fut publié qu’en 1663.5 Un siècle après Cardano, la passion du jeu fit encore progresser la mesure du risque. L’initiateur fut en effet encore cette fois un joueur invétéré: le chevalier de Méré (1610-1685). Le chevalier était un homme heureux en jeu. Mais, à la différence de Cardano, son succès ne devait rien à la malhonnêté. Sans doute instruit par l’expérience, le chevalier semble en effet avoir com- pris qu’obtenir un six en quatre coups est plus “probable” (=? ) que son contraire.6 En jouant souvent, et donc exploitant sans le savoir la loi des grands nombres, le uploads/Finance/ la-decision-dans-l-x27-incertain.pdf

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  • Publié le Jul 31, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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