1 La nouvelle jurisprudence du Conseil de la Concurrence en matière d’abus de d
1 La nouvelle jurisprudence du Conseil de la Concurrence en matière d’abus de dépendance économique : La dépendance économique collective Par Maître Amine KNANI Avocat à la cour Société d’avocats Boussayene Knani & associés Le Conseil de la Concurrence a forgé une notion originale qui n’a pas été prévue expressément par la loi sur la concurrence et les prix1. Il s’agit de l’abus de dépendance économique collective qui qualifie la situation d’une entreprise victime d'abus de dépendance provenant de plusieurs personnes juridiques. 1 Loi n° 2015-36 du 15 septembre 2015, relative à la réorganisation de la concurrence et des prix qui a abrogé la loi n° 91-64 du 29 juillet 1991, relative à la concurrence et aux prix. 2 Contrairement à L’Article L420-2 du code de commerce français qui vise les pratiques mises en œuvre « par une entreprise ou un groupe d'entreprises»2, le Droit tunisien garde le silence sur l’auteur des agissements prohibés. L’article 5 paragraphe 2 de la loi susvisée prévoit « qu’est prohibée l’exploitation abusive…d’un état de dépendance économique3 dans lequel se trouve une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solutions alternatives, pour la commercialisation, l’approvisionnement ou la prestation de services ». Dans son avis n°3282 du 17 Juillet 2003 le Conseil de la Concurrence avait adopté une position de principe quant à l’interprétation du silence législatif. Il a précisé que « l’absence de textes juridiques dans une matière donnée ne peut servir de prétexte pour laisser certains phénomènes urgents, nouveaux ou provisoires porter atteinte à l’économie nationale et aux mécanismes du marché ». Dans l’affaire n° 121301 du 25 décembre 2015 relative au marché de la distribution des détergents à travers les grandes et moyennes surfaces, le Conseil a jugé que la société STID était dans une situation de dépendance économique collective par rapport aux grandes et moyennes surfaces (GMS): Carrefour, Magasin Général et Monoprix. Ces GMS étaient accusées de profiter de cette situation pour commettre des abus différents justifiant leur condamnation pour abus de dépendance économique collective4. Le Conseil de la Concurrence a prononcé, à l’encontre des (GMS), des sanctions financières allant de 500.000,000 dinars à 800.000,000 dinars et a ordonné la publication de la décision. 2 Article L420-2 tel que modifié par la Loi n°2005-882 du 2 août 2005 - art. 40 JORF 3 août 2005 « Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur….» 3 Sur l’abus de dependence économique en droit français. V. E. Claudel, Abus de dépendance économique : absence de solution équivalente or not absence de solution équivalente ?, RTD Com. 2003 p.75 ; E. CHEVRIER, Préavis interprofessionnel et dépendance économique collective, Recueil Dalloz 2009 p. 92; Le Lamy droit économique, 2016, n°1200 et s; L. BOY. Abus de d´ependance ´economique : reculer pour mieux sauter ?,. Revue Lamy de la concurrence, 2010, p. 93. 4 Le Conseil a entériné presque intégralement les conclusions établies dans le rapport de clôture de l’instruction qui a considéré que « la requérante était dans une situation de dépendance économique d’un type spécial qu’on peut qualifier sous le vocable de dépendance économique collective envers les grandes et moyennes surfaces » 3 La consécration de cette nouvelle notion de dépendance économique collective (I) nous semble critiquable à divers titres (II). I / La notion de dépendance économique collective La notion de dépendance économique collective est d’une originalité relative par rapport à ce qui est admis dans la jurisprudence du Conseil de la Concurrence (1). L’analyse de sa décision du 25 décembre 2015, permet de relever que le Conseil s’est référé aux critères d’usage de la dépendance économique individuelle (2). 1/ L’originalité relative de la notion de dépendance économique collective : Cette notion de dépendance économique collective est d’une originalité relative5. Elle n’est pas totalement nouvelle par rapport à ce qui est admis dans la jurisprudence du Conseil de la Concurrence. Le Conseil a depuis plusieurs années opté pour une interprétation extensive d’une notion voisine qui est la position dominante en admettant l’existence d’une position dominante collective. Cette notion a été mise en œuvre notamment dans la décision n° 2142 du 25 septembre 2003 qui a sanctionné le comportement de « sociétés indépendantes juridiquement mais qui s’avèrent liées financièrement et structurellement et opèrent d’une manière collective et coordonnée sur le marché pertinent pour réaliser un objectif commun … à moins qu’il ne s’agisse d’un comportement atteignant le stade de la fusion totale et permettant de considérer plusieurs sociétés comme une seule et même unité économique. En pareil cas ces sociétés sont considérées dans une position dominante individuelle et non collective.» Une nouvelle évolution de la notion de position dominante collective a été déclenchée par la décision n°121306 du 25 décembre 2015 qui marque un alignement total sur la jurisprudence européenne consacrée par l’arrêt « Airtours » du 6 Juin 20026. Le Conseil confirme le principe de la position dominante collective à travers une interprétation encore plus extensive mettant en œuvre de nouveaux critères. En effet, il est désormais possible de qualifier un comportement de position dominante collective même en l’absence des critères classiques à savoir les liens juridiques ou structurels entre des entreprises, tels que des liens en capital ou 5 La question a été déjà soulevée devant le Conseil de la Concurrence dans le cadre de l’affaire n° 71147 du 31 Décembre 2008. Toutefois le Conseil n’a pas eu l’occasion de bien développer sa position dans la mesure où l’action a été déclarée prescrite conformément à l’article 11 de la loi relative à la concurrence et aux prix. 6 Le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE) a, le 6 juin 2002, annulé la décision du 22 septembre 1999 de la Commission européenne qui avait déclaré l'opération de concentration entre deux voyagistes britanniques, Airtours (aujourd'hui MyTravel) et First Choice, incompatible avec le marché commun. 4 encore des accords formalisés entre elles voire même l’adoption d’une ligne commune d’action sur le marché. La nouveauté dans cette décision c’est qu’en absence de ces liens, il est désormais possible qu’une position dominante collective soit retenue si trois conditions cumulatives sont réunies7 à savoir : - la structure oligopolistique et la transparence du marché pertinent ; - la possibilité d’exercer des représailles sur les entreprises déviant de la ligne d’action commune ; - la non contestabilité du marché pertinent ou l'absence de concurrence potentielle. Le Conseil affirme qu’en l’espèce toutes les conditions sont réunies pour qualifier le comportement des entreprises poursuivies de position dominante collective : A titre principal, le Conseil a fait recours aux conditions classiques en se basant sur l’existence de liens juridiques et structurels entre les entreprises. Les investigations menées ont en effet permis de déceler l’existence d’accords formalisés, et ce, suite à la découverte d’une fiche de comportement signée par les entreprises. Subsidiairement, le Conseil a relevé que l’enquête a permis de dévoiler que les conditions nouvelles sont également réunies ; puisque le marché pertinent de est un marché tickets restaurants des l’impression, de l’émission et de la distribution transparent, dominé par un nombre très réduit d’opérateurs pouvant exercer des représailles sur les entreprises déviant de la ligne d’action commune. 2/ La consécration de la notion de dépendance économique collective: Pour apprécier la dépendance économique d’une société à l’égard d’une société dominante, la jurisprudence est constante. Elle tient compte, de la notoriété de la marque de la société dominante, de sa part de marché, de l’importance de la part du chiffre d’affaires réalisé par la société dépendante avec la société qui la domine ainsi que de l’existence et de la diversité de solutions alternatives pour la société dépendante8. Dans sa décision n° 121301 du 25 décembre 2015, le Conseil a utilisé les critères d’usage pour justifier la dépendance économique de la société productrice de produits détergents par rapport aux grandes et moyennes surfaces, à savoir : 7 En version originale : (أ) وجود درجة شفافية عالية بسوق ذات احتكار األقلية(ب)وفي إمكانية وجود آليات ردع ومعا قبة للمؤسسات التي تحيد عن إتباع السلوك المتوازي(ت )وفي غياب سياسة تنافسية شرسة بالسوق أو عدم قدرة منافسين جدد على الولوج إلى السوق 8 A titre d’exemple, ces mêmes critères ont été retenus dans l’affaire n°71142 du 17 Septembre 2009. 5 - Premier critère : la notoriété de la marque des distributeurs : le Conseil a constaté que les marques Carrefour, Magasin Général, Monoprix et Géant sont des marques notoires ; - Deuxième critère : la part de marché des distributeurs : Le Conseil rappelle sa jurisprudence constante en matière de dépendance économique. Cette jurisprudence se contente de vérifier que la société dominante contrôle une part considérable du marché, sans qu’il soit nécessaire qu’elle soit en position dominante. - Troisième critère : le degré d’influence des grandes et moyennes surfaces dans le chiffre d’affaires réalisé par la requérante : l’étude de marché a permis au Conseil de conclure que les uploads/Finance/ la-dependance-economique.pdf
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- Publié le Fev 07, 2022
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