Revue des sociétés Revue des sociétés 1996 p.747 Les risques liés aux LBO La fu

Revue des sociétés Revue des sociétés 1996 p.747 Les risques liés aux LBO La fusion de la cible et du holding Jean-Jacques Uettwiller, Avocat à la Cour SCP Uettwiller, Grelon, Gout, Canat & Associés L'essentiel Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 10 juillet 1995 marque-t-il un coup d'arrêt à l'ingénierie financière des années 1980 ? La grande vague des opérations de fusion- acquisition des années 1980 a vulgarisé les techniques d'acquisition d'entreprises fondées sur l'effet de levier, que cet effet soit financier, fiscal ou juridique. Largement inspirées du savoir-faire développé par les grands intervenants du marché nord-américain, parfois simplement transposé, ces techniques se heurtent en France à une fiscalité statique et non axée vers la dynamique économique, mais également à un droit des sociétés pénalisé à outrance et qui ne connaît la notion de groupe de sociétés que de façon très fragmentaire. 1. - Les techniques d'opérations d'acquisitions d'entreprises à effet de levier, dites « leverage by out » (LBO) dans le langage anglicisé des spécialistes de l'ingénierie financière, passent souvent par une étape qui consiste à fusionner le holding constitué ad hoc et fortement endetté pour les besoins de cette acquisition avec la société cible, disposant soit de trésorerie, soit d'actifs permettant de gager les prêts (1). Avant que la loi de finances pour 1988, largement modifiée depuis, crée le régime fiscal des groupes de sociétés, il existait une autre motivation, prépondérante, à une telle fusion, qui était d'asseoir la déductibilité des intérêts des emprunts d'acquisition sur les résultats de la cible. Les opérations de fusion ont maintenant perdu de leur intérêt à cet égard, au moins pour toutes les structures dans lesquelles l'acquisition porte sur au moins 95 % du capital de la cible. Une telle fusion a soulevé de nombreux problèmes, tant au regard du droit des sociétés que du droit fiscal, mais une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 10 juillet 1995 (2) vient redonner un regain d'actualité au débat qui s'était instauré. Tout en cherchant à en mesurer l'incidence, il convient de dégager les principes fiscaux et juridiques en cause. 2. - Rappelons brièvement les éléments techniques de ce type d'opérations. L'acquéreur du contrôle d'une entreprise sociétaire financera son acquisition, partie en fonds propres, partie en capitaux d'emprunt. L'existence de tels emprunts, qu'il s'agisse de dettes dites « senior » ou dites « mezzanine », c'est-à-dire affectées d'une certaine subordination, demandera que soient apportées des réponses structurelles à trois des facteurs clefs de succès, au plan technique, de l'opération : - permettre d'utiliser la trésorerie de la cible, disponible et non nécessaire à l'exploitation, ou le produit de la cession de ses actifs hors exploitation, pour accélérer le remboursement d'une partie des emprunts contractés pour l'acquisition de ses actions ; - permettre de constituer des garanties réelles sur des biens de l'entreprise acquise, le nantissement des titres de celle-ci étant souvent jugé insuffisant par les établissements financiers prêteurs ; - permettre de déduire, au plan fiscal, les intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition des actions de la cible des résultats taxables de la société cible, réalisant ainsi une économie fiscale souvent significative. Certaines de ces raisons vont nécessairement conduire à envisager de fusionner le holding d'acquisition et la société cible dont il détient alors, généralement, la quasi-totalité du capital. Cette fusion pose des difficultés, aussi bien au plan juridique qu'au plan fiscal, et nous examinerons successivement ces deux aspects, à la lumière notamment de la décision rendue le 10 juillet 1995 par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Analyse juridique de la fusion « cible-holding » Au plan du droit des sociétés, la fusion de la société cible avec le holding ayant servi à faire l'acquisition de ses titres avait jusqu'à présent fait l'objet d'analyses au regard de l'interdiction faite aux sociétés anonymes de prêter leur concours financier à l'acquisition et à la souscription de leurs propres titres, ainsi qu'au regard de la notion d'abus des biens et du crédit de la société, et enfin de l'abus de majorité. L'arrêt du 10 juillet 1995 sanctionne le dirigeant social ayant organisé la fusion au titre du délit d'abus des voix et des pouvoirs, ce qui appelle, à notre sens, des réserves. Nous analyserons successivement les critiques classiques de la fusion dans les opérations à effet de levier, avant de commenter cette dernière décision. Les principales critiques de la fusion 3. - La prohibition de l'article 217-9. - Aux termes de l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 (3) : « une société ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté, en vue de la souscription ou de l'acquisition des ses propres actions par un tiers ». Cette disposition est pénalement sanctionnée par le troisième alinéa de l'article 454-1 de la même loi (4), et les actes passés en contravention peuvent, selon toute vraisemblance, être annulés, s'agissant de la violation d'une disposition impérative de la loi sur les sociétés commerciales au sens de l'article 360 (5). Elle ne s'applique qu'aux sociétés par actions (6), et non aux autres formes de sociétés commerciales. Bien qu'il n'existe que peu de jurisprudence sur ce sujet, il semble que la Cour de cassation entende donner une interprétation restrictive de ce texte. En effet, dans un arrêt du 15 novembre 1994 (7), la chambre commerciale a jugé que l'engagement de remboursement pris envers la banque prêteuse par le holding d'acquisition, sur des fonds provenant de la « distribution de réserves non obligatoires et de dividendes » de la société cible, « n'était pas irrégulier au regard de l'article 217-9 », le holding d'acquisition ne pouvant engager de lui-même les biens de la société cible. Ainsi donc, au sens de cette jurisprudence, le fait de prélever, dans le respect des règles du droit des sociétés, certaines disponibilités de la société cible au profit de son actionnaire de contrôle, par des distributions de résultats, de l'exercice ou précédemment mis en réserve, comme, à notre avis, par voie de réduction de capital non motivée par des pertes, ne peut être attaqué par le biais de l'article 217-9, et ceci, même si le financement mis en place pour acquérir les actions de la cible prévoit expressément que son remboursement, total ou partiel, proviendra de tels prélèvements. Il faut cependant faire réserve de la situation où un tel engagement serait pris par la cible. Le même raisonnement devrait s'appliquer à la fusion entre la cible et le holding d'acquisition. En revanche, dans tous les cas, mais avec plus d'acuité en ce qui concerne la fusion, il se posera la question de l'abus de majorité et de l'abus de pouvoir (8). On observera, en outre, que ces procédés tirés du droit des sociétés se font sans esprit de retour des fonds en cause, alors que l'article 217-9 interdit les prêts et avances, ce qui suppose une mise à disposition temporaire de la trésorerie, et, bien sûr, les garanties sur les actifs de la filiale. 4. - Le même argument s'applique, à notre sens (9), à la fusion qui est un procédé de transmission universelle de patrimoine et ne peut s'apparenter à des prêts ou avances. Par définition, la fusion se situe chronologiquement après l'acquisition des actions de la société cible alors que la lettre de l'article 217-9 semble viser les prêts et avances faits au moment même de cette acquisition ou préalablement. Des auteurs réservent cependant le cas où, immédiatement après la fusion, celle-ci intervenant de surcroît peu de temps après l'acquisition des titres, la société issue de la fusion consentirait des garanties sur ses actifs au profit des prêteurs ayant avancé les fonds permettant cette acquisition (10), situation effectivement plus délicate. Enfin, il conviendrait de replacer l'article 217-9 dans le cadre dont il est issu. En effet, ce texte est, comme les articles qui le précèdent, la transposition en droit français de la deuxième directive européenne, ayant trait à l'intangibilité du capital des sociétés par actions. Inséré in fine des dispositions relatives à l'interdiction de l'achat de ses propres actions par la société, il poursuit le même objectif qui est de garantir aux tiers l'intégrité du capital de la société. Les tiers sont censés contracter avec la société en considération du montant de son capital, dès lors il importe de veiller à ce que les sommes représentatives de ce capital ne soient pas restituées aux actionnaires par des moyens détournés et non connus des tiers. Ceci conduit à prohiber, ou à encadrer très strictement, l'achat de ses propres actions par la société. L'article 217-9, qui interdit le financement par la société de l'achat ou de la souscription de ses propres actions, se situe dans le prolongement naturel de ces dispositions. La fusion, et notamment celle du holding et de la cible, ne heurte pas ces principes. La société issue de la fusion a un capital déterminé en fonction des actifs nets réels des sociétés parties à la fusion, la protection des tiers est normalement assurée par les règles uploads/Finance/ les-risques-lies-aux-lbo-jean-jacques-uettwiller-rev-societes-1996.pdf

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  • Publié le Nov 30, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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