Introduction « Si les dénominations ne sont pas correctes, si elles ne correspo

Introduction « Si les dénominations ne sont pas correctes, si elles ne correspondent pas aux réalités, le langage est sans objet. Quand le langage est sans objet, l’action devient impossible et, en conséquence, toutes les entreprises humaines se désintègrent et il devient impossible et vain de les gérer. C’est pourquoi la toute première tâche d’un véritable chef d‘État est de rectifier les dénominations. »​ Confucius Objectifs et structure Ce manuel a pour objectif de vous initier à l’étude de l’économie politique. Il aborde les concepts et les méthodes permettant de comprendre et d’analyser la nature de l'intervention de l'État dans le champ de l'économie. Il introduit aux sources, à la recherche et à l'analyse des données économiques en ce qui concerne la relation entre l'État et le marché, d’un côté, et les rapports entre États dans le champ de l'économie mondiale, de l’autre. Plus spécifiquement, il aborde les politiques économiques, industrielles, technologiques et commerciales en adoptant une approche institutionnaliste historique et revient sur le contexte, les facteurs et les acteurs qui interviennent dans le processus politique, de leur élaboration à leur mise en œuvre. Les institutions économiques canadiennes et québécoises serviront de cadre de référence. Pour reprendre la métaphore de la boîte à outils de Joan Robinson , notre démarche 1 repose sur trois instruments, Premièrement, les idées : il s’agira d’aborder les grands courants de pensée en économie politique et de nous interroger sur l’influence qu’exercent les idées aussi bien dans les débats que sur les politiques économiques. Deuxièmement, l’analyse des faits : nous aborderons plusieurs grands thèmes de l’économie politique comme la concurrence, la croissance, les inégalités, la mondialisation, par exemple, en mettant en relief leurs dimensions politiques et institutionnelles de même que les débats d’idées et des rapports de pouvoir. 1 Joan Robinson est une économiste du cercle de Cambridge qui regroupait plusieurs économistes qui gravitaient autour de John Maynard Keynes à l’Université de Cambridge. Elle a contribué notamment aux analyses et aux théories sur la concurrence et sur la planification. Un article de G. Harcourt retrace son parcours et sa contribution à la science économique: Geoffrey Harcourt, « Joan Robinson, 1903-1983 », ​Innovations​, vol. n​o 14, no. 2, 2001, pp. 9-32. Troisièmement, les concepts et indicateurs statistiques : nous nous attacherons à présenter les instruments techniques et méthodologiques utilisés en économie pour mesurer, comprendre et analyser les phénomènes économiques. Le manuel est divisé en deux parties. La première partie porte sur les grands courants de la pensée économique. Nous allons étudier plusieurs courants de pensée. Nous aborderons les classiques du libéralisme économique, plus particulièrement Adam Smith et ses principales contributions. Ensuite, nous aborderons les critiques du libéralisme classique avec la critique marxiste (Marx), la critique nationaliste (List) et la critique socialiste (Sismondi). La pensée marginaliste et la révolution apportée par Keynes qui invente la macroéconomie feront l’objet d’un autre chapitre avant de se pencher sur les débats économiques qui surgiront à partir des années 1970 jusqu’à maintenant. Chaque chapitre de cette partie du manuel, centré sur un ou des auteurs, est organisé de la manière suivante : ● Retour sur le contexte historique et intellectuel de leurs contributions ; ● Présentation des idées principales ; et ● Conclusion de la pertinence actuelle des idées développées dans le chapitre. La seconde partie porte sur de grands thèmes contemporains dans le domaine de l’économie politique. Le contenu des chapitres comporte les trois éléments suivants : ● Définition et présentation du thème ; ● Présentation des débats théoriques, des politiques et des institutions ; et ● Une conclusion qui fait le point sur les débats publics. Chaque chapitre présente pour accompagner les étudiants dans leur apprentissage d’outils pratiques : ● Un glossaire des concepts importants. ● Des sections “à retenir” qui reviennent sur des éléments centraux du chapitre. ● Des encadrés sur des personnes, des idées, des cas, des extraits de texte, etc.... ● Des exercices qui testent les connaissances acquises et suscitent les réflexions. ● Des suggestions de lectures supplémentaires. ● Des ressources en ligne. Aux origines de l’économie politique : d’Aristote aux classiques Différentes définitions de l’économie sont apparues au cours des siècles pour construire le domaine de l’économie politique qui s’intéresse au rapport entre la sphère de l’économie et celle de la politique. Paradoxalement, plus on avance dans l’histoire, plus on constate un rétrécissement de la conception et de la compréhension de la vie économique. D’une approche holistique et philosophique, l’économie a été associée à une analyse mathématique des choix individuels rationnels dans une situation de rareté des ressources. Aristote s’intéresse à l’économie mais pour n’y voir qu’un objet intégrée aux enjeux moraux et politiques de la cité. L’étymologie du mot ​économie se réfère aux affaires domestiques et aux règles qui doivent présider à la l’organisation de la maison et de ses besoins. Aristote distingue l’économique de la ​chrématistique qui réfère à l’acquisition des richesses par le commerce. Cette vision holiste relie les humains à la nature et la famille à la cité, et par conséquent, « [...] la production de richesses doit se faire dans la famille et pour la famille. »[5] Le philosophe a une conception novatrice de l’échange et de la réciprocité, qui inspirera plus tard d’ailleurs Carl Menger. Par contre, il voit d’un mauvais oeil le marchand, le commerce et bien entendu tout ce qui se rapproche du prêt à intérêt. Et ce pour des raisons éthiques mais aussi sociales. Si la maison doit être bien tenue et la cité prospère, c’est dans le sens où l’une et l’autre participent ainsi tout en y contribuant à l’ordre du monde et à ce qu’on appellerait aujourd’hui l’équilibre social. Ce qui n’est pas le cas du marchand, animé par l’intérêt et la passion de l’argent, Aristote ouvre ainsi le débat non seulement sur la place de commerce et des marchands dans la cité, mais aussi le juste prix et l’intérêt, trois débats qui vont resurgir au moyen-âge avec la redécouverte d’Aristote au travers des écrits de Saint Thomas d’Aquin et alimenter la pensée scolastique jusqu’à ses premières remises en question, notamment par Calvin. Il faut attendre la Renaissance pour voir la vision morale de l’économie remise en question. L’Europe voit émerger plusieurs États souverains et, avec les grandes découvertes, s’ouvre davantage au commerce. L’accumulation de richesses est toujours mal perçue sinon condamnée d’un point de vue moral comme d’un point de vue religieux, mais la distinction aristotélicienne entre richesse naturelle et richesse mercantile commence à s’estomper et avec l’essor du commerce, non seulement des liens toujours plus étroits se tissent entre les princes et les marchands-banquiers, mais la richesse se trouve elle-même associée à la puissance (et vice versa) sans jamais pour autant se confondre, précisons-le. La réflexion économique va alors connaître un nouvel essor. Fort disparate, prenant souvent forme de pamphlet, mêlant conseils pratiques et défense d’intérêt, elle est l’oeuvre aussi bien de lettrés que de marchands, voire encore de conseillers du Prince ou même de ministres. Plusieurs thèmes ressortent des écrits qui nous sont restés. On peut en identifier quatre principaux. Le premier, le plus général, porte sur la richesse “nationale”, son origine et la meilleure façon de la développer. Ce thème est en rapport direct avec les notions d’État et de souveraineté nationale qui apparaissent sous la plume de penseurs comme Machiavel (1469-1527), Jean Bodin (1530-1596), Hugo Grotius (1583-16470, Thomas Hobbes (1588-1679), etc, mais aussi avec une nouvelle réalité : la formation des États tels que nous les connaissons aujourd’hui. L’ouvrage de Antoine de Montchrestien (1575-1621), ​Traité d’économie politique (1615), est particulièrement représentatif de cette nouvelle approche “Dédié au Roi et à la Reine mère du roi”, le Traité est écrit pour leur apporter conseils et recommandations pour développer et protéger la richesse de la nation, ce qui inclut les manufactures, le commerce, la navigation et le travail. On retiendra surtout le titre de l’ouvrage. Si Jean Bodin avait pu définir la République comme le “droit gouvernement de plusieurs ménages, et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine”, Montchrestien poursuivra dans la même veine et introduira l’expression d “économie politique”, désignant par là la gestion des affaires économiques non plus du domaine familial mais du royaume. C’est d’ailleurs par cette phrase que commence le premier livre consacré aux manufactures : “ Ceux qui sont appelés au gouvernement des États doivent en avoir la gloire, l'augmentation et l'enrichissement pour leur principal but.” Si la sécurité physique et la protection des personnes sont des préoccupations communes à tous ces penseurs, la protection des marchands, leur personne comme leurs biens, est un second thème qui commence à apparaître. Il trouvera sa consécration plus tard, dans les travaux de John Locke (1632-1704), mais dans l’immédiat, la place qu’occupent ceux-ci, tout comme les financiers d’ailleurs, à côté du Prince fait en sorte que la distinction entre économique et chrématistique perd progressivement sa signification. Si la morale est toujours présente, elle n’empêche pas pour autant les dérives mercantiles comme s’en désole Thomas More (1478-1535) dans son magnifique ​Utopia​. Le troisième thème est celui de la uploads/Finance/ pol1900-intro-2020.pdf

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  • Publié le Jul 23, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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