Revue Française de Comptabilité // N°445 Juillet-Août 2011 // 25 Synthèse // Ré
Revue Française de Comptabilité // N°445 Juillet-Août 2011 // 25 Synthèse // Réflexion // Une entreprise/un homme // Références FISCALITÉ Qui tire profit de cette règle et de quelle manière ? Principalement l’administration en motivant des redressements fondés sur l’article 38-2 du CGI, nonobstant les règles de prescription. Si la règle d’intan gibilité repose sur une identité comptable bien connue 5, elle pose néanmoins cer taines difficultés d’application en matière de contrôle fiscal (II), examinées après un rappel de la portée pratique de l’article 38-2 du CGI (I). I. Mécanisme de l’article 38-2 du CGI : principe des corrections symétriques limité par la règle d’intangibilité 1.1 Principe L’article 38 du Code général des impôts, servant de base à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et des bénéfices réalisés par les entités soumises à l’impôt sur les sociétés (IS), définit ainsi, en alinéa 1, le bénéfice impo sable : « le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entre prises, y compris notamment les cessions d’éléments quelconques de l’actif, soit en cours, soit en fin d’exploitation ». Cette définition respecte les principes de base de détermination du résultat impo sable 6 : • la notion de revenu net, le résultat étant déterminé par différence entre les pro duits et les charges de l’exercice, • la notion d’annualité de l’impôt et d’in dépendance des exercices, • la notion de revenu d’ensemble en incluant les bénéfices de toute nature, à savoir les bénéfices tirés des cycles “exploitation“ et “hors exploitation“. En ce sens, ne paraît-elle pas suffisante pour calculer la matière imposable, au regard des principes d’une part et de la finalité de l’imposition des bénéfices d’autre part ? L’impôt n’a-t-il pas pour fina lité une taxation proportionnelle au béné fice économique réalisé par une entité, bénéfice déterminé par simple différence entre produits et charges ? Pourquoi dès lors le législateur a-t-il adopté une conception extensive du béné fice imposable en complétant cette défini tion au niveau de l’article 38 par un alinéa 2 ainsi libellé : « le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’ac tif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L ’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provi sions justifiés » ? En pratique, cet alinéa 2 permet à l’ad ministration de motiver en droit des rec tifications de bénéfices imposables en appliquant la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture définie par l’article 38-4 bis du CGI et par l’instruction 4A-10-06 du 29 juin 2006. L’annexe 2 de l’instruction dresse une typologie d’erreurs ou omis sions visant les différents postes de l’actif net : erreur de rattachement de créances, erreur affectant les stocks, passif non jus tifié, amortissement à tort de biens non amortissables, application erronée de l’amortissement dégressif ou exception nel, provisions devenues sans objet. 1.2 Exemple (cas fictif) En 2009, une SARL, créée depuis moins de 10 ans, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2006 à 2008. En 2003, elle a acquis un La règle dite d’intangibilité, une règle vraiment intangible ? Le résultat imposable est défini par l’article 38, alinéas 1 et 2 du CGI avec une double approche, par le compte de résultat et par le bilan. En principe, les deux modes de calcul doivent aboutir au même résultat. Or, dans le cadre de vérifications de comptabilité, la réalité peut être très différente : en cause, la règle codifiée à l’article 38-4 bis du CGI dite “d’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit“, règle partiellement censurée dans le cadre d’une récente décision du Conseil constitutionnel 2. Cette règle, souvent critiquée en doctrine, avait même fait l’objet d’un abandon en jurisprudence, dans le cadre d’une décision remarquée du Conseil d’Etat 3, avant d’être rétablie et légalisée 4. 1. Nous remercions Françoise Savés pour ses encouragements et Patrick Collin, directeur des affaires fiscales au Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, pour l’aide apportée dans l’analyse de la décision du Conseil constitutionnel 2010-78 QPC. Il est précisé que les analyses et opinions développées dans cet article doivent être considérées comme propres à l’auteur. 2. Conseil constitutionnel, 10 décembre 2010, 2010-78 QPC, Imnoma. 3. CE, 7 juillet 2004, 230169, Ghesquière équipement. 4. Art. 43 loi du 30 décembre 2004, portant loi de finances rectificative pour 2004, codifiant la règle à l’art. 38-4 bis CGI. 5. « Le bilan d’ouverture d’un exercice doit correspondre au bilan de clôture de l’exercice précédent » C.com. art. L 123-19 al. 3 et PCG art. 103-2. 6. Cozian M., Précis de fiscalité des entreprises, 25e édition, LITEC, p. 20/21. Résumé de l’article Dans cet article et en partant d’un cas, l’auteur analyse les dérives d’une application trop mécanique de la règle d’intangibilité, lorsque le raisonnement juridique prime le principe de réalité. Il poursuit ensuite sur un plan plus général, à l’aune de la jurisprudence. Sur ce plan, et comme le titre de l’article le résume, la règle a été contestée. Il propose en conclusion une “application mesurée“ de la règle, notion à son sens liée à l’esprit des lois et invite à relire Montesquieu ! Par Frank LALOUM, Diplômé d’expertise comptable 1, Assistance Comptable Expertise Conseil (ACEC) // N°445 Juillet-Août 2011 // Revue Française de Comptabilité 26 fonds de commerce pour un prix de 430, financé de la façon suivante : • apports des 2 associés en comptes courants à hauteur de 130, • virement à hauteur de 300 par Monsieur X, non associé. Le service de contrôle fiscal ne conteste pas que la somme de 300 a bien servi au financement à due concurrence du fonds. Simplement, il constate l’absence de contrat de prêt et de remboursement à la date de la vérification de comptabilité pour contester le passif correspondant. Pour le service, une entreprise qui n’ap porte pas la preuve qui lui incombe de la réalité des dettes inscrites au passif du bilan voit son résultat majoré des sommes correspondantes (selon CE du 11/03/1983, n° 30306). Le service s’appuie sur l’absence de contrat de prêt et de remboursement pour montrer que l’entreprise n’est pas en mesure d’apporter la preuve précitée. Il s’appuie sur l’aspect formel sans envi sager l’origine (virement) et la destination des sommes (achat d’un fonds de com merce). Bien entendu, si Monsieur X avait été associé dans la SARL, l’argument du service était inopérant. L’administration a une approche juridique pour contester la nature des sommes mises à la disposition de la SARL et considérer lesdites sommes comme des libéralités imposables non pas à la date du virement (2003 étant prescrit, cela ne lui permet pas de fonder le redressement) mais en 2008 (s’il n’y a pas eu de remboursement, il s’agissait donc a posteriori de libéralités). Elle intègre dans le calcul de l’actif net l’emploi financé et rejette une quote-part de la ressource de financement corres pondante. Or, sur un plan économique, emploi et ressource constituent une même réalité. En taxant un passif, l’administration impose en fait l’actif correspondant, autre ment dit les bénéfices futurs générés 7. Il en ressort un redressement économiquement non fondé mais juridiquement basé sur le principe des corrections symétriques 8 et la règle de l’article 38-4 bis du CGI, avec la logique suivante. Le passif non justifié constaté dans le bilan de clôture au 31/12/08 est symétrique ment corrigé dans le bilan d’ouverture au 31/12/08, correspondant au bilan de clôture de l’exercice au 31/12/07. Le service vérifi cateur devrait procéder ainsi, de proche en proche, jusqu’à l’exercice au cours duquel l’erreur a été commise, en l’espèce l’exer cice 2003. Or, les exercices 2003 à 2005 étant prescrits, les actifs nets des exercices correspondants deviennent intangibles de sorte que les écritures de ces exercices ne peuvent plus être corrigées. Dès lors que le bilan de clôture du premier exercice prescrit (31/12/05) est aussi le bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit (31/12/06), le principe d’intangibilité s’étend à ce dernier et permet à l’administration de calculer un redressement IS sur un exercice non pres crit de 300, comme le montre le tableau 1 : ce redressement est basé sur un bénéfice sans existence réelle. Remarque : l’exemple n’a été cité que pour illustrer le mécanisme de l’article 38-2 du CGI. On pouvait également l’aborder à partir d’un problème de stocks notamment. Cet exemple a été choisi pour deux raisons : • montrer les limites d’une utilisation extensive de l’article 38-2 du CGI (dans le cas de passif injustifié notamment), • montrer “la culture du chiffre“ quelque fois présente dans l’esprit de certains vérificateurs associant à tort “perfor mance du contrôle fiscal“ et “montant des droits à recouvrer“ : comme le rap pelle le rapport de la Cour des comptes 2010 en page 191, « les uploads/Finance/ regle-d-x27-intangibilite.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/2iJcpr2lbE1nQi5PZ8FkYRMx7cIpBHZ3JHHwXNPljNBFZ4xBq3oy8ysZ25isG0MwkDv3YNdC0DhFp0E8GeGKYe0G.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/GY4Hr2p6Ol4HtLCmyhDy5ilJ7sRnM1Jgycc0g2GMLHuMqlZzgDYp5bbC25cB6gjlJ7PvMJLIygH0o8Y8RWgQRgeo.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/nS6qx1oYX9zyK117qVVrlWfEzam0V0b69VQQ646ryf4TsjcNm5uSKtSbVZFfOrdUMkPrcPBHr2PGLXLsAXVH50H9.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/cgLpEgYr8XCk1dUKZp28uRmFJxwxmfSDF6VYJywISCFfRncdiVPypUcqS8BmUcSCbtgtstOhlOKNEHo9fTYXiMfv.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/j2MlbYZCPGQX5MdjmzGOZT0A1Es5ufr36JWOWi7KdnjJracw1PEY0k9EdSgbfpaja5xMkeOyVHkLcQ5P6qFzAh0X.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/wWLZ6ddRBaMygzH4SBJnWwxQbJizJQ9yux7Vot9fUURebAZrl9nMVMspJPFhpaPC2KIMylm9KO6LamsPSI0c2Pn7.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/JyK2UJtrAURlDP1LDGN4VXcB8HxQ86VXPGTclfOrEQRGfI3LyyrzuPEAEn5M0a7xpkCeSgQL9LkmulrQMwvQYuaz.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/tZMVZTXsTESjJzrFtGSvSUW8SxNNlDKysq7ankG7ix106uHEDVdUyjovWOpEl8hqorHJ9NN1LE85GSMp2XfK26f4.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/Hcm1Qa0QrC7CFUo8maSrYCp035N1CJsea9B5Ifrf9GWFBeTKbAnlbsLh34F0HYIkuJMao3tYWkARJGkdNc65tACV.png)
-
16
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 29, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.5292MB