Revue française de pédagogie L'Évaluation formative dans un enseignement différ
Revue française de pédagogie L'Évaluation formative dans un enseignement différencié / éd. par Linda Allal, Jean Cardinet, Philippe Perrenoud. Mr Daniel Hameline Citer ce document / Cite this document : Hameline Daniel. L'Évaluation formative dans un enseignement différencié / éd. par Linda Allal, Jean Cardinet, Philippe Perrenoud.. In: Revue française de pédagogie, volume 60, 1982. pp. 73-78; https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1982_num_60_1_2279_t1_0073_0000_4 Fichier pdf généré le 24/12/2018 organisation sociale que celle qui a permis l'émergence du fait pédagogique lui- même. D'un ouvrage qui conclut à l'originalité et au caractère profondément personnel de la démarche de l'ethnologue, on aurait pu attendre qu'il nous montrât un pédagogue quelque peu décentré par sa « confrontation avec l'altérité » (p. 31). Ce dernier, en fait, reste serein tout au long de l'ouvrage. L'immensité du champ qu'il parcourt semble lui garantir une pensée sans rupture dans l'universalité de ses concepts. Mais peut-être n'est-ce pas, non plus, le but d'un « ouvrage d'initiation » de déranger son lecteur ni de le mener dans un ailleurs qui relativiserait ses certitudes ? Marie-Joëlle DARDELIN. L'Évaluation formative dans un enseignement différencié / éd. par Linda Allai, Jean Cardinet, Philippe Perrenoud. - Berne : P. Lang, 1979. — 223 p. ; 21 cm. — (Exploration : Cours et contributions pour les sciences de l'éducation). Comme l'énonce Jean Cardinet, dans la présentation des Actes de ce Colloque qui se tint à Genève en mars 1 978 : l'évaluation formative est un « problème actuel ». Mettant à profit des relations de travail déjà solidement établies, un groupe de travail s'est constitué, réunissant des chercheurs en sciences de l'Éducation belges et romands. Dans cet ouvrage paru fin 1979, ce groupe nous donne le fruit de ses réflexions. Il s'est estimé, à bon droit, suffisamment en accord sur ses concepts de base pour s'organiser, confronter et dialoguer, suffisamment en alerte sur les ambiguïtés de ces concepts pour ne pas ménager la critique, les interrogations et les interpellations mutuelles, même si le ton reste toujours de la meilleure compagnie. La montée d'un consensus sur l'opportunité de l'évaluation formative et de l'enseignement différencié est interprétée par eux à la fois comme une chance et comme un risque : une chance de voir les processus d'apprentissage mieux analysés et, particulièrement, mieux arrachés aux pratiques normatives et indifférenciées qui caractérisent encore un peu partout l'évaluation scolaire sous sa forme habituelle de bilan ; un risque, parce que cette généralisation de l'idée d'évaluation formative anticipe sur sa consolidation théorique et empirique et qu'elle peut, dès lors, n'être qu'un nouveau faire-valoir moderniste. Il revenait évidemment à Philippe Perrenoud, directeur-adjoint du Service de la Recherche sociologique à Genève, d'aborder les perspectives d'un enseignement différencié dans son rapport avec les différences culturelles et les inégalités scolaires. Dans le prolongement de ses nombreux travaux antérieurs (dont on doit déplorer qu'ils soient si mal connus en France), Perrenoud tente d'analyser les mécanismes qui, dans le système scolaire que nous connaissons, convertissent des différences culturelles en inégalités scolaires. L'évaluation, définie par le sociologue comme « le jugement social de déviance ou de conformité à une norme d'excellence scolaire » (p. 20), constitue l'un de ces mécanismes. Or c'est bien d'abord l'enseignement primaire qui se présente comme une formation indifférenciée, plaçant les enfants inégalement armés devant un enseignement uniforme. Mais l'exposé continue par la critique de ce concept d' « enseignement uniforme ». Ce qui caractérise l'enseignement indifférencié, c'est qu'il est « sauvagement » différencié, si l'on peut dire, reflétant alors les inégalités d'un quartier (favorisé) à un autre (qui l'est moins), d'un public à un autre. Au-delà des multiples variations de situation, Perrenoud décèle dans l'enseignement collectif deux catégories de mécanismes générateurs d'inégalité. Il les expli- 73 cite par une comparaison médicale très éclairante (p. 33) : des élèves peuvent progresser de manière inégale parce que le « traitement » pédagogique qu'ils reçoivent n'est en fait pas le même et qu'il favorise certains d'entre eux. Au contraire, mais sans qu'il y ait contradiction pour autant, des élèves peuvent progresser de manière inégale parce que le « traitement » pédagogique qu'ils reçoivent est uniforme et ne tient pas compte de leur capacité pour en tirer parti. Perrenoud propose ensuite d'analyser séparément les deux processus (inégalité et uniformité de traitement) dans leur rapport avec l'évaluation. Sans doute, relève-t-il (p. 34), l'inégalité de traitement pédagogique au détriment des enfants déjà défavorisés vis-à-vis des critères d'évaluation de l'école, ne correspond-elle que très rarement à un dessein délibéré de la part des enseignants. Mais que ce soit dans l'invitation même faite aux élèves de manifester leurs compétences, dans la manière, pour ceux-ci, de décoder ce qui est attendu d'eux, d'en négocier la démonstration ou de mettre en scène ces compétences, etc., un « biais systématique » est plausible et d'abord « tout simplement parce que l'évaluation participe des processus généraux de perception et d'évaluation sociales » (p. 41 ). Ainsi, dans l'acte d'évaluer, le maître est porteur d'une norme sociale qui n'est jamais l'expression simple de la compétence à évaluer, mais qui englobe cette dernière dans un jeu de références où les attitudes, les manières, les habiletés non scolaires des élèves, les valeurs propres de l'enseignant et de son milieu vont contribuer à caractériser sa conception de l'excellence (p. 42). Perrenoud reprend alors, se référant à Bourdieu (1966), la seconde piste dégagée au début de sa contribution : l'accentuation des inégalités scolaires au cours de la scolarité, et, en particulier, dans les interactions d'évaluation, tient non seulement à la différence possible de traitement, mais tout autant à l'uniformité de ce traitement, à la « persistance très généralisée d'une forme d'enseignement collectif faiblement différencié » (p. 45), dont il est pourtant banal de prévoir qu'il ne peut, par sa structure même, que confirmer les inégalités de départ. Certes, l'attention aux différences est loin de manquer aux responsables de l'école. Mais c'est au stade de la sélection préalable que l'on s'en soucie. La rationalité bureaucratique tend à se dissimuler les différences en les attribuant à l'équation personnelle de chaque élève comparé à la moyenne du groupe érigée en norme. Perrenoud reprend ici la critique de l'évaluation normative, comparative et sommative. Il l'oppose à une évaluation crité- riée et formative, tout en ajoutant aussitôt l'impossibilité concrète d'introduire cette dernière dans un enseignement collectif sans d'insupportables contradictions. Le maître est ainsi condamné, pour survivre, à une certaine « indifférence aux différences » (p. 44). Ces dernières sont renvoyées à la fatalité. L'idéologie des dons (p. 50) conduit à penser l'évaluation en termes de confirmation, de mise en valeur des talents, non en termes de transformation de ces derniers. Philippe Perrenoud conclut son étude en replaçant une réforme éventuelle de l'évaluation dans une redéfinition générale des objectifs de l'éducation scolaire (p. 51 ) et en resituant sa propre étude, centrée sur les mécanismes internes du processus enseigner-apprendre, dans les perspectives plus vastes de la reproduction sociale dont le fonctionnement du groupe-classe n'est qu'une composante. D'eux brèves répliques, denses et incisives, font suite à ce long rapport. La première est due à Jean-Pierre Pourtois (Mons). On vantera sans peine avec lui I' « honnêteté et la prudence » (p. 56) mais en même temps la hardiesse du propos de Perrenoud. Pourtois insiste, quant à lui, vigoureusement, sur les conséquences psychologiques de l'évaluation inégalitaire. Quelles conséquences à court et à long terme doit-on attribuer à la menace constante de l'échec ? Pourtois insiste sur la constante transaction qui caractérise, entre maîtres et élèves, les actes d'évaluation. Il conclut en appelant à la prise en compte de toutes les composantes psychologiques qui viennent ainsi marquer la « dialectique des attentes mutuelles » (p. 61 ). 74 Se référant à ses propres recherches (1), Daniel Bain (Genève) confirme l'importance que Perrenoud accorde à l'évaluation informelle dans la genèse des inégalités. Il constate par ailleurs des phénomènes de « compensation » : au moment du passage dans l'Enseignement secondaire, des instituteurs « favorisent » dans leur notation les enfants de quartier ouvrier. Il insiste, pour finir, sur l'élargissement nécessaire de l'étude de l'évaluation au-delà des limites de l'interaction maître-élèves. La seconde partie du livre est consacrée à un débat autour d'un projet de recherche-action prévu pour six ans dans l'enseignement primaire genevois et dont l'année 1979-1980 constituait l'an I, le projet « Rapsodie » (Recherche-action sur les prérequis scolaires, les objectifs, la différenciation et l'individualisation de l'enseignement). Une longue présentation de quarante pages (dont cinq de bibliographie) reprécise, en centrant l'intérêt sur le problème de l'évaluation, les orientations, directives, hypothèses de travail énoncées dans des textes plus anciens et particulièrement dans le Projet de 1977. On y retrouve l'écho des thèses exposées sur la différenciation par Philippe Perrenoud, l'un des inspirateurs du projet. On consultera avec grand profit ce texte très élaboré qui présente une recherche- action au moment où elle va débuter et où, comme l'écrivent les rédacteurs, « on ne peut conclure que par des points d'interrogation » (p. 1 03). C'est bien, après l'énoncé des orientations, un inventaire rationnel et réaliste des problèmes qui ne vont pas manquer de se uploads/Finance/ rfp-0556-7807-1982-num-60-1-2279-t1-0073-0000-4.pdf
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- Publié le Oct 14, 2021
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