Université de Neuchâtel Faculté de droit Le traitement des biens immatériels au
Université de Neuchâtel Faculté de droit Le traitement des biens immatériels au regard des règles de protection du capital Étude de droit commercial et de propriété intellectuelle Projet de thèse de doctorat Présenté par Julien DUBOIS Sous la direction du Professeur Nathalie TISSOT Rapporteur externe Jean-Luc CHENAUX Neuchâtel, le 19 septembre 2011 - 1 - Rapport explicatif Thème ............................................................................................................. 1 Problématique ................................................................................................. 2 Lors de la fondation .................................................................................... 2 En cas de surendettement ............................................................................ 3 Objectifs de la recherche ................................................................................. 5 Commentaire du plan provisoire ..................................................................... 5 Thème En matière d’innovation, la réputation de la Suisse n’est plus à faire. Au- jourd’hui et depuis quelques années, elle est même considérée comme le pays le plus innovant et le plus compétitif d’Europe1 et du monde2. Cette prise de conscience de la capacité innovatrice de la Suisse a conduit tout d’abord les écoles polytechniques fédérales et, depuis une dizaine d’années, les hautes écoles et les universités à mettre en place une politique de transfert de technologie3. N’ayant pu suivre, ni su anticiper le développement et la multiplication des sociétés innovantes, le droit des sociétés – et plus particulièrement le sys- tème de la protection du capital – ne cadre plus aujourd’hui avec la réalité économique4. 1 European Innovation Scoreboard 2008, p. 10, fig. 2 ; id. 2009, p. 12, fig. 2 ; Innovation Union Scoreboard 2010, p. 14, fig. 8. 2 Rapport Global sur la Compétitivité 2009-2010 publié par le WEF, p. 13, table 4 ; id. 2010-2011, p. 15, table 4 ; id. 2011-2012, p. 15, table 3. 3 La loi fédérale sur l'encouragement de la recherche et de l'innovation (LERI) est actuelle- ment en révision totale. Le Conseil fédéral a pris acte le 1er septembre 2010 des résultats de la consultation. 4 MEYER T. 2008, p. 226 ; STOFFEL 2002, p. 68. Rapport explicatif - 2 - En raison du caractère essentiellement immatériel de leur valeur5, les socié- tés innovantes rencontrent en effet de nombreux obstacles juridiques, non seulement sur le chemin vers la rentabilité, mais dès leur fondation. La doctrine reconnaît volontiers les problèmes complexes posés par les biens immatériels6, mais se limite souvent à l’évocation des difficultés. Partant, il nous semble important d’approfondir une question dont l’intérêt intellectuel a pour écho une réelle importance dans la pratique du droit commercial. Le principal problème réside avant tout dans la difficulté de valoriser les biens immatériels7. Ce thème ne sera toutefois pas réduit à sa dimension comptable8, mais traité sous l’angle de la protection du capital dans le con- texte particulier des sociétés innovantes. Une attention particulière sera en outre portée aux aspects de propriété intellectuelle, en relation notamment avec le transfert de technologie. Problématique Les difficultés posées par les biens immatériels se cristallisent à deux mo- ments clés de la vie d’une société : lors de la fondation et en cas de surendet- tement. La portée de ces problèmes s’intensifie dans le contexte très particu- lier des sociétés innovantes. Lors de la fondation Le CO prévoit trois modes de libération des actions : en espèces (art. 633), par compensation (art. 634a) ou par apport en nature (art. 634)9. Dans sa pratique, l’OFRC a développé cinq conditions qu’un bien doit remplir pour pouvoir être valablement apporté10. 5 BERSHEDA VUCUROVIC 2008, p. 248. 6 Cf. not. GRISEL 2005, p. 4 ; MEYER T. 2008, p. 226. 7 GRISEL 2005, p. 25. Sur le processus et les méthodes de valorisation : MERHAI 2010, p. 331 ss ; MÜLLER L. 2008, p. 54 ss ; et GILLIÉRON 2005, p. 642 ss. 8 GILLIÉRON 2005, p. 645, relève l’importance des questions de valorisation dans la pra- tique d’un avocat. Des questions similaires se posent notamment lorsqu’il s’agit de déter- miner le montant de la valeur litigieuse. 9 Pour une étude approfondie de la libération en droit suisse : cf. WIDMER 1998. 10 OFFICE FÉDÉRAL DU REGISTRE DU COMMERCE DU COMMERCE, Communication relative aux apports en nature et aux reprises de biens du 9 août 2001 aux autorités cantonales du re- gistre du commerce, in : REPRAX 2/01, p. 66 ss. Rapport explicatif - 3 - Un tel bien doit ainsi être activable, transférable, réalisable, utile à la société et celle-ci doit pouvoir en disposer librement. Ces critères visent à assurer qu’une libération par apport en nature offre une sécurité équivalente à la libération en espèces en évitant une sous-capitalisation11. Les règles sur la reprise de biens (art. 628 CO) soumettent les objets repris aux mêmes condi- tions que les biens apportés. Ces règles visent à éviter un contournement des règles sur les apports en nature12. Le premier problème relatif aux biens immatériels réside donc dans la diffi- culté de les valoriser avec un degré de fiabilité suffisant dans le cadre strict d’un apport en nature ou d’une reprise de biens13. Le deuxième problème tient dans le fait que les fondateurs d’une société innovante disposent rarement du montant minimal nécessaire à la capitalisa- tion initiale et n’ont justement à apporter que des biens complexes à valori- ser, voire difficilement transférables14. À titre d’illustration, on peut men- tionner une licence octroyée par une haute école sur un brevet d’invention, un savoir-faire développé au sein de cette école et qui prend la forme de précieux cahiers de laboratoire ou encore un logiciel. Les règles sur la fondation qualifiée fixent ainsi des exigences que les socié- tés innovantes ne peuvent par nature que très difficilement remplir et repré- sentent de ce point de vue un frein regrettable à l’innovation. Elles ont de plus pour effet de rendre moins attractif le financement au moyen de fonds propres, ce qui n’est pas sans conséquences du point de vue du surendette- ment15. En cas de surendettement L’art. 725 al. 2 CO prévoit qu’en cas de surendettement, le conseil d’administration doit aviser le juge, lequel ensuite accordera un sursis à la société pour qu’elle puisse conduire un assainissement, ou prononcera la faillite. 11 GRISEL 2005, p. 37 ; STOFFEL 2004, p. 657. 12 STOFFEL 2004, p. 652. 13 Relevant la difficulté en droit suisse d’apporter des biens immatériels : GRISEL 2005, p. 4. 14 Une licence non cessible ne peut p. ex. faire l’objet d’un apport en nature : cf. BAHAR 2009, p. 257. 15 MEYER T. 2008, p. 226 ; MTWEBANA 2009, p. 229 s. Rapport explicatif - 4 - Le surendettement est constaté sur la base d’un bilan, lorsque les actifs ne couvrent plus les dettes ou, autrement dit, lorsque la perte est plus élevée que le montant cumulé du capital et des réserves légales16. En vertu des principes comptables de la prudence et du coût historique, il n’est pas possible en principe de réévaluer un actif pour tenir compte de l’augmentation de sa valeur17. L’art. 670 CO prévoit certes une exception en cas de perte de capital, mais elle est limitée aux immeubles et aux participa- tions18. Le projet de révision du droit de la SA ne prévoit quant à lui la pos- sibilité d’une réévaluation d’actifs aux valeurs de liquidation que dans l’optique d’une aliénation (art. 725c al. 2 P-CO), ce qui est d’une totale inu- tilité pour une société innovante19. Le système actuel ne tient pas compte du modèle économique particulier des sociétés innovantes. Les fondateurs ont généralement des moyens très limi- tés et les banques n’interviennent pas à un stade de financement aussi pré- coce20. Les sociétés innovantes sont généralement financées au moyen de prêts et recapitalisées à chaque nouveau tour de financement21. Leur activité par essence non bénéficiaire à ce stade (recherche et développement) et leur faible dotation en fonds propres les prédestinent rapidement à la perte de capital, voire au surendettement. Il existe ainsi en droit suisse, pays de l’innovation par excellence, une situa- tion paradoxale dans laquelle des sociétés à fort potentiel se verraient théori- quement contraintes de cesser leurs activités, alors qu’elles disposent de liquidités et représentent une valeur considérable, mais invisible au bilan22 ! 16 CHENAUX/PFISTER 2010, p. 100 et 115. 17 Id., p. 134 ss. 18 Cette disposition est de plus destinée à disparaître dans la révision du droit de la SA : MESSAGE DU CONSEIL FÉDÉRAL, FF 2008 1407, p. 1477. 19 CHENAUX/PFISTER 2010, p. 128. 20 Cf. l’interview de Johannes SUTER, CEO de la filiale du Crédit suisse SVC – AG pour le capital-risque des PME, (disponible à l’adresse : http://www.kmu.admin.ch /aktuell/00524/01745/01990/index.html?lang=fr) : « Nous ne pouvons mal- heureusement pas considérer les cas d'assainissement. Il en va de même pour le premier financement des start-up, qui ne disposent pas encore de solutions produits dévelop- pées. ». 21 BERSHEDA VUCUROVIC 2008, p. 248, n. 89, citant Thomas THÖNI, La nouvelle loi sur les faillites défavoriserait les start-up, in : Le Temps du 1er juin 2006. 22 BERSHEDA VUCUROVIC 2008, p. 248. Rapport explicatif - 5 - Objectifs de la recherche Dans une première phase, notre réflexion sera essentiellement analytique et s’attachera à mettre en évidence l’implication des biens immatériels dans les difficultés rencontrées aujourd’hui en droit suisse par les sociétés inno- vantes, tant au moment de leur fondation qu’en uploads/Finance/ these-melyan-mendy.pdf
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- Publié le Sep 06, 2022
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