Revue Marchés et organisations, 2011, n°14, p.195-214 195 Crédits bancaires et

Revue Marchés et organisations, 2011, n°14, p.195-214 195 Crédits bancaires et comportement des PME investissant en actifs intangibles Par André TIOUMAGNENG T.* Résumé : L’activité d’offre des crédits jadis réservée aux banques est sans cesse exercée par d’autres intermédiaires financiers. La compétition sur ce métier semble pourvoir aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) un véritable pouvoir de négociation dans leur relation bancaire. Les implications de l’évolution du rapport de forces sont loin d’être tirées sur le management bancaire. L’article cherche à déterminer le comportement des PME à l’égard des crédits bancaires. Le Cameroun est l’aire d’expérimentation. L’échantillon est composé de 60 entreprises et les données sont celles de la période 2001-2005. Nous trouvons que le type de crédits étudié est évité avant de souligner l’intérêt qu’ont les banques à intégrer les aspirations des PME dans leur politique d’offre aux fins de compétitivité. Mots clés : banques ; intermédiaires financiers ; crédits bancaires ; PME. Abstract: The activity of credits offer formerly exerted only by banks is actually practices also by others financial intermediaries. The diversity of creditors that has the small and medium firms (SMF) searching the funds seem to increase their negotiation power in the bank relationship. The consequences of this evolution of forces on the bank management are not yet knowed. This paper aims to determine de behavior of SMF vis-à-vis the bank credits. The sample is composed of 60 firms and the data are those of 2001-2005 period. Cameroon is the context of study. We found that the banks credits are avoided after outline the banks interest to take into account the desires of SMF when they conceive their credit offer policy. Key words: banks; banks credits; financial institutions; SMF. ____________________________ * Membre du Groupe Banque, équipe « Entreprises Familiales et Financières » de l’Institut de Recherche en Gestion des Organisations (IRGO) à l’Université Montesquieu-Bordeaux 4 (IRGO). Enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de l’Université de Yaoundé II (B.P. : 1365, Yaoundé- Cameroun). Adresse de correspondance : tioumagneng@yahoo.fr. Revue Marchés et organisations, 2011, n°14, p.195-214 196 1. Introduction Les séquelles de la crise qui a frappé le système bancaire des pays de l’Afrique Centrale1 à partir de 1985-1986 sont encore d’actualité. Elles portent particulièrement sur l’attitude des banques dans ce contexte en matière d’offre des crédits. Ainsi, par souci d’éviter des erreurs du passé à l’origine de la crise (laxisme dans l’évaluation du risque de crédit etc.), ces banques sont en effet devenues tellement prudentes à l’égard des entreprises au fil du temps qu’il n’est pas exagéré aujourd’hui de qualifier leur comportement de transactionnel2 (Wamba, 2001a). Elles s’abstiennent à avoir une approche relationnelle à l’égard des entreprises (Ndjanyou, 2001) en s’appuyant notamment sur les seuls facteurs quantitatifs (données comptables) pour évaluer le risque de crédit, exigeant des garanties tangibles comme condition de prêt et en n’accordant à la rigueur que les crédits de court terme (court- termisme). Leur de surliquidité semble présentement s’expliquer par cette démarche qui aboutit à refuser effectivement les prêts à la plupart des entreprises (Wanda, 2007). Nombreux sont les auteurs qui fustigent cette logique de rationnement qui sous-tend le fonctionnement des banques locales en posant particulièrement qu’elle est totalement inadaptée pour l’objectif de développement économique (Andely, 1997). Le problème qu’ils posent précisément est que ce rationnement frappe les principaux vecteurs de développement que sont les petites et moyennes entreprises (PME) (Wamba et Tchamambé, 2002). Cependant, de notre point de vue, la stigmatisation s’est souvent conçue sans qu’au préalable des véritables études empiriques aient été menées pour comprendre les aspirations réelles des entreprises : les attentes des entreprises dans leur relation bancaire sont très préoccupantes dans le domaine du marketing bancaire dans les pays développés (Maque et Godowski, 2009) et s’analysent surtout par rapport au type comportement bancaire souhaité (relationnel ou transactionnel)3. En plus, les analyses se focalisent généralement du côté de l’offre (des banques) pour conclure au phénomène de rationnement sus évoqué au regard des données macroéconomiques sur la quantité de crédits offerts [Dinamona (1996), (Andely, 1997) etc.]. Du côté de la demande ou des entreprises donc, la littérature locale s’est rarement posé la question de savoir si la quantité des dettes bancaires présentes dans leur structure financière résulte ou non du rationnement des banques4. 1 Ces pays sont au nombre de six à savoir, le Congo, le Tchad, la Guinée équatoriale, la Centrafrique, le Gabon et le Cameroun et disposent un même organe de régulation du secteur bancaire qui est la COBAC. 2 Ce terme n’apparaît pas explicitement, au contraire de certaines de ses caractéristiques citées ici, dans les travaux locaux portant sur la relation banques/entreprise. 3 Sur le sujet, Perien et Ricard (1995) et Lamarque (2002) notamment sont des références utiles. 4 Certaines analyses faites, sur la base de la faible quantité des dettes bancaires dans la structure financière des entreprises, concluent à la thèse de rationnement. Revue Marchés et organisations, 2011, n°14, p.195-214 197 Cet article s’intéresse à cette interrogation, déjà posée dans d’autres contextes5, et relativise la thèse de rationnement qui a longtemps servi à expliquer la structure financière des entreprises et des PME en particulier. En effet, au regard de l’évolution de l’environnement financier en Afrique centrale, les banques semblent avoir perdu du pouvoir6 à l’égard des entreprises dans la relation de crédit. Elles ne sont plus les seuls à exercer le métier d’offre des crédits. Des intermédiaires financiers tels que les institutions de microfinance (IMF), encore appelées coopératives d’épargne et de crédit, sont devenues des véritables concurrents en la matière. La compétition est d’autant plus rude que ceux-ci progressent7 en nombre et ont des conditions d’offre des crédits moins contraignantes que celles des banques (Wamba, 2001a). Certes, ils n’accordent que des microcrédits. Mais, comme le note la COBAC (2006), le secteur de la microfinance devient de plus en plus attractif pour certaines banques commerciales8. Cet attrait peut expliquer pourquoi, par moment, prés de 80% des crédits offerts par ces banques s’adressent aux PME (Wamba et Tchamambé, 2002). Le moins qu’on puisse dire c’est qu’en raison de la présence des IMF particulièrement, les PME disposent désormais de plusieurs interlocuteurs (en plus des banques) lorsqu’elles sont en quête des crédits. Elles acquièrent implicitement, de notre point de vue, un pouvoir de négociation à l’égard des banques qui est rarement considéré dans les travaux sur le financement bancaire des PME en Afrique centrale. Il se peut qu’en raison de ce pouvoir, la structure financière de ces entreprises soit plutôt dépendante des facteurs endogènes que des facteurs environnementaux comme le comportement opportuniste des banques. Dans d’autres contextes, ce raisonnement sous-tend l’idée que les entreprises sont capables d’anticiper les comportements des banques, éviter en conséquence les crédits correspondants (Houston et James, 1996) ou alors rompre des liens de crédits existants (Perien et Ricard, 1995). Il guide la conception de cet article. 5 Dans d’autres contextes, ce questionnement est déjà préoccupant. Hains (2003) notamment s’interroge de savoir si le faible degré d’intermédiation bancaire s’explique par la réponse défavorable de la demande (des entreprises) au contrat de crédit ou s’il est causé par le rationnement du crédit. Pour le cas de la France notamment, Cordier et Sicsic(1996) privilégient l’explication par la réponse défavorable des entreprises qui signifie que celles-ci refusent de s’endetter auprès des banques. 6 Le concept n’est pas fréquent dans la théorie bancaire. Ici, « le pouvoir est défini comme la capacité d’influer sur le comportement d’autrui…A a du pouvoir sur B dans la mesure où il peut obtenir de B que celui-ci fasse des choses qu’il ne ferait pas autrement » (Maati, 1999). 7 Suivant la COBAC (2006, p.75), le nombre d’IMF de deuxième catégorie a augmenté entre 2000 et 2006 au Cameroun passant de 490 à 652. 8 Ces banques dites de proximité sont pour l’essentiel des banques à capitaux camerounais ou africains (CBC, Afriland First bank etc. pour le cas du Cameroun) : celles à capitaux étrangers (SGBC, Standard chartered Bank, etc. sont davantage orientées vers le financement des filiales des grands groupes étrangers et très rarement des PME locales. Elles gèrent l’activité d’offre de microcrédits à travers des filiales spécialisées dont les organismes de capital-risque (l’organisme CENAINVEST ou « Central Africa Investment » détenu à prés de 37% par Afriland First Bank, l’une des 12 banques que compte le secteur bancaire camerounais) et les établissements de microfinance (la banque BICEC par exemple a acquis récemment l’entreprise de microfinance dénommée CEP). Revue Marchés et organisations, 2011, n°14, p.195-214 198 L’objet est de déterminer l’attitude des PME à l’égard des crédits bancaires. Autrement dit, il s’agit de savoir si les PME sont favorables à l’offre bancaire en termes de crédits. Le problème est qu’avec la recrudescence des interlocuteurs financiers autres que les banques, il se peut que les PME pèsent désormais les avantages et les risques de ce type de crédit préalablement à la prise de décision de choix. Il résulte principalement de la méthodologie adoptée que les entreprises étudiées évitent de s’endetter auprès des banques. 2. Problématique des enjeux des crédits bancaires En suivant la uploads/Finance/ tioumagn-2011-b.pdf

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  • Publié le Mar 07, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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